Gaza: Des « arrêtés d’évacuation » israéliens mènent au transfert forcé de Palestiniens

Les frappes de l’armée israélienne continuent dans tout Gaza, ne laissant aucun lieu sûr. Entre le 18 mars et le 9 avril 2025, il y a eu quelque 224 incidents de frappes israéliennes sur des bâtiments résidentiels et sur des tentes pour personnes déplacées de l’intérieur (PDI). Dans quelque 36 frappes pour lesquelles le Bureau des droits humains des Nations Unies a corroboré l’information, les victimes recensées jusqu’à présent ont été seulement des femmes et des enfants.

De la porte-parole pour le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits des lhomme : Ravina Shamdasani

L’émission croissante par les Forces israéliennes d’ « arrêtés d’évacuation » — qui sont, en fait, des arrêtés de déplacement — a eu pour conséquence le transfert forcé des Palestiniens de Gaza dans des espaces de plus en plus réduits, où ils ont peu ou pas du tout d’accès à des services vitaux, dont l’eau, la nourriture et un abri, et où ils continuent à être soumis à des attaques.

Depuis le 18 mars, Israël a émis 21 « arrêtés d’évacuation ». Le 31 mars, l’armée israélienne a émis un arrêté couvrant presque tout Rafah, le gouvernorat le plus au sud, suivi par une opération terrestre à large échelle dans cette région. Des dizaines de milliers de Palestiniens seraient déjà coincés dans Rafah, y compris dans la zone de Tal Al Sultan, sans possibilité d’en sortir ni d’avoir accès à l’aide humanitaire.

Alors qu’Israël, en tant que puissance occupante, peut légalement ordonner des évacuations temporaires de civils dans certaines zones sous des conditions strictes, la nature et l’étendue des arrêtés d’évacuation soulèvent de sérieuses inquiétudes qu’Israël ait l’intention de supprimer de manière permanente la population civile de ces zones pour créer une « zone tampon ». Déplacer de manière permanente la population civile à l’intérieur d’un territoire occupé revient à un transfert forcé, une violation grave de la Quatrième Convention de Genève et un crime contre l’humanité selon le Statut de Rome.

En attendant, les frappes militaires israéliennes continuent dans tout Gaza, ne laissant aucun lieu sûr. Entre le 18 mars et le 9 avril 2025, il y a eu quelque 224 incidents de frappes israéliennes sur des bâtiments résidentiels et sur des tentes pour personnes déplacées à l’intérieur (PDI). Dans quelque 36 frappes pour lesquelles le Bureau des droits humains des Nations Unies a corroboré l’information, les victimes recensées jusqu’à présent étaient seulement des femmes et des enfants. Globalement, un large pourcentage des victimes sont des enfants et des femmes, selon l’information enregistrée par notre Bureau. Une frappe récente sur le bâtiment résidentiel de la famille Abu Issa à Deir al Balah le 6 avril aurait tué une petite fille, quatre femmes et un garçon de 4 ans. Et malgré les arrêtés militaires israéliens ordonnant aux civils de se transférer dans la zone d’Al Mawasi de Khan Younis, les frappes ont continué sur les tentes des DPI de cette zone — avec au moins 23 incidents enregistrés par le Bureau depuis le 18 mars.

Aggravant cette tendance alarmante, les journalistes palestiniens sont ciblés et assassinés. Pendant la nuit du 6 au 7 avril, une frappe aérienne israélienne a frappé une tente en face du Complexe médical Nasr de Khan Younis où il était connu qu’un certain nombre de journalistes s’y trouvaient. L’attaque serait arrivée sans avertissement, tuant un journaliste et un assistant d’une agence de presse et blessant neuf autres journalistes, dont un est mort plus tard de ses blessures. L’armée israélienne a ultérieurement affirmé que l’un des blessés était un membre du Hamas, mais il n’est toujours pas clair que cet individu ait été identifié et ciblé en tant que membre de la branche armée du Hamas, ou autre. Depuis octobre 2023, plus de 209 journalistes ont été tués à Gaza, tandis qu’Israël continue à refuser l’accès aux médias internationaux.

Ces attaques, et d’autres, soulèvent de graves questions sur le respect par les Forces israéliennes du droit humanitaire international, particulièrement des principes de distinction, de proportionnalité et de précaution dans les attaques. Diriger intentionnellement des attaques contre les civils ne prenant pas part directement aux hostilités constitue un crime de guerre.

Aggravant encore davantage la situation désespérée des civils palestiniens, la fermeture par Israël des passages vers la Bande de Gaza est entrée dans sa sixième semaine, empêchant l’arrivée de nourriture, d’eau potable sûre, de médicaments et d’autres aides ou fournitures essentielles. Les responsables israéliens ont fait des déclarations suggérant que l’entrée de l’aide humanitaire serait directement liée à la libération des otages, soulevant de graves inquiétudes sur une punition collective et l’utilisation de la famine de la population civile comme méthode de guerre, alors que les deux constituent des crimes selon le droit international.

À la lumière de l’impact cumulé de la conduite des Forces israéliennes à Gaza, le Bureau est sérieusement inquiet qu’Israël semble infliger aux Palestiniens de Gaza des conditions de vie de plus en plus incompatibles avec le maintien de leur existence comme groupe à Gaza.

Des manifestations de Palestiniens contre le Hamas, dans le cadre de l’exercice de leurs droits à des rassemblements pacifiques et à l’expression selon le droit international, ont aussi été réprimés par la force, avec des châtiments cruels infligés à plusieurs individus.

Le désespoir des Palestiniens, sous attaque de l’extérieur et sous pression de l’intérieur, ne connaît pas de limites.

Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker Türk, a souligné, y compris la semaine dernière devant le Conseil de sécurité des Nations Unies, que les derniers 18 mois de violence ont rendu parfaitement clair ceci : il n’y a pas de chemin militaire pour sortir de cette crise. Toutes les parties doivent être entièrement concentrées sur l’obtention d’un cessez-le-feu, plutôt que de chercher à justifier la prolongation d’une violence insensée. La seule voie à suivre est un règlement politique, basé sur deux États vivant côte à côte dans une égale dignité et des droits égaux, en accord avec les résolutions des Nations Unies et le droit international. Tous les otages doivent être relâchés immédiatement et inconditionnellement. Tous ceux qui sont détenus arbitrairement doivent aussi être relâchés.