‘Fadi se bat pour sa vie’ : Israël bloque l’évacuation d’un cameraman blessé par balle à Gaza

L’état de Fadi al-Wahidi se détériore, dit le personnel de l’hôpital qui ne dispose pas des médicaments nécessaires pour le soigner.

Il était environ 15 H. quand un petit groupe de journalistes d’Al Jazeera est arrivé dans le camp de réfugiés de Jabaliya au nord de Gaza. L’équipe dit qu’ils faisaient un reportage sur le déplacement de familles palestiniennes après le lancement par Israël de sa troisième offensive sur la zone, la transformant en un champ de ruines méconnaissable.

Il y avait parmi eux le cameraman Fadi al-Wahidi, qui s’est avancé et a commencé à enregistrer tandis que son équipe installait leur matériel. « A ce moment là, aucun d’entre nous n’était conscient que les FDI étaient tout près », dit cet homme de 25 ans depuis son lit à l’hôpital al-Helou de Gaza. « Mais soudain, le bruit des tirs nous a encerclés. »

Tandis que les journalistes couraient pour se mettre à l’abri, ils disent qu’un drone les survolait et a commencé à les suivre. Wahidi ne se souvient pas de ce qui s’est passé ensuite, mais un enregistrement vidéo de ce jour là le montre gisant face contre terre, vautré le long d’un trottoir dans sa veste de presse bleue, tandis que ses collègues – incapables de le rejoindre – l’appellent désespérément par son nom.

Le reporter d’Al Jazeera Anas al-Sharif était présent pendant l’attaque et se souvient du moment poignant où Wahidi a été touché. « Nous étions dans la zone d’al-Saftawi quand le drone a commencé à nous tirer dessus », dit-il. « Nous avons piqué un sprint, essayant de lui échapper, mais il nous a suivis sans répit et avec précision. Puis soudain, Fadi s’est effondré – nous avons pensé qu’il avait été tué. »

Wahidi a été blessé à seulement 500 mètres de l’hôpital al-Awda de Jabaliya mais, à cause du siège d’Israël sur ce centre de soins, ses collègues ont été obligés de le transporter vers un hôpital plus éloigné. « Aucune ambulance n’était disponible, aussi avons nous dû rapidement le transporter dans notre véhicule de télédiffusion alors qu’il saignait », dit Sharif.

Wahidi s’est réveillé plus tard dans un état critique et a appris qu’il avait reçu une balle dans le cou, qui avait causé de graves dommages à ses vertèbres et à la moelle épinière, provoquant de graves blessures physiques, neurologiques et respiratoires. Les médecins de l’hôpital dirent qu’ils n’avaient ni l’expertise ni l’équipement nécessaires pour le soigner et qu’il ne pouvaient que stopper l’hémorragie. Quelques jours plus tard, il est tombé dans le coma pour deux semaines.

D’après Reporters Sans Frontières (RSF), plus de 145 journalistes ont été tués par les FDI à Gaza depuis le début de la guerre, dont 35 d’entre eux qui y travaillaient au moment de leur mort. Dans un nouveau rapport, ils décrivent l’assassinat des reporters à Gaza par Israël comme un « bain de sang sans précédent ».

« Je gis ici toute la journée à fixer le plafond. J’aimerais tant voir le soleil ou le ciel. Mais je ne peux même pas m’asseoir » Fadi al-Wahidi

Depuis octobre, l’hôpital a fait des demandes répétées pour qu’on autorise Wahidi à quitter Gaza pour qu’il reçoive un traitement médical approprié à l’étranger alors que les ressources locales sont insuffisantes pour soigner ses blessures.

En octobre, RSF, avec d’autres organisations pour la liberté de la presse, a demandé avec insistance qu’Israël autorise l’évacuation médicale de Wahidi et d’autres journalistes blessés bloqués à Gaza.

Des experts en droits de l’homme de l’ONU ont eux aussi demandé l’évacuation urgente de Wahidi, déclarant que le refus de l’évacuation médicale ou le retard dans l’approbation des demandes semblait faire partie du « schéma de persécution » par Israël des journalistes en territoire palestinien occupé.

Pendant presque trois mois, l’état de Wahidi s’est détérioré. Les médecins ont été dans l’incapacité d’empêcher la paralysie et d’autres complications sont survenues à cause de ses fractures osseuses et des dégâts sur ses artères et ses veines. Il souffre également de grave hypotension, ce qui pourrait provoquer un autre coma ou un soudain arrêt cardiaque.

« La vie de ce jeune journaliste est en danger imminent et il a besoin en urgence d’une action rapide pour prévenir une nouvelle tragédie » Dr. Mosab Nasser

« Fadi se bat maintenant pour sa vie. De nouveaux problèmes surgissent et ses douleurs empirent », dit une infirmière, Anas al-Shembari. « Il est incapable de bouger et a besoin de traitements indisponibles ici à Gaza. »

Assise à côté de son lit d’hôpital, sa mère, Hiba al-Wahidi, pleure tout en s’occupant de son fils. « Fadi est mon aîné et le plus tendre de tous mes enfants », dit-elle. « Même quand il travaillait en zone de guerre, il s’informait toujours pur savoir si nous allions bien. Mais maintenant, mon pauvre garçon meurt doucement et il n’y a rien que nous puissions faire pour lui. »

Le Dr. Mosab Nasser, directeur général de FAJR Scientifique, organisation médicale américaine à but non lucratif, a essayé de faire évacuer Wahidi, mais ses requêtes ont jusqu’ici été refusées sans explication. « Malgré ces tentatives, la possibilité d’évacuer Wahidi reste en attente à cause de l’absence d’autorisation israélienne pour qu’il puisse passer en toute sécurité », dit-i. « La vie de ce jeune journaliste est en danger imminent et nécessite urgemment une action rapide pour éviter une nouvelle tragédie. »

Le Cogat, organisme militaire israélien de Gaza responsable de l’émission de permis pour voyager à l’étranger, ainsi que les Forces de Défense Israéliennes n’ont pas répondu aux demandes de commentaires.

« Cela va faire trois mois que je suis confiné sur ce lit de mort, incapable de bouger ni de partir », dit Wahidi. « Je gis simplement là toute la journée à fixer le plafond.

« Comme j’aimerais voir le soleil ou le ciel – même simplement un bref instant. Mais je ne peux même pas m’asseoir ni tenir un téléphone si je veux y regarder quelque chose – la douleur est trop accablante. »

  • Photo: Fadi al-Wahidi avant sa blessure, tenant une photo d’Ismail al-Ghoul, à gauche, et Rami al-Refee d’Al Jazeera, tués dans leur voiture en juillet dernier. Le texte dit : ‘Le journalisme n’est pas un crime.’ Photographie : Fadi al-Wahidi