‘EXTRAORDINAIRE’ : Désaccord croissant du personnel de l’administration Biden concernant la politique au sujet de Gaza

Un responsable du ministère de l’Éducation a démissionné cette semaine, et 17 membres du personnel ont envoyé une lettre anonyme appelant à un cessez-le-feu.

Le désaccord est croissant dans l’administration Biden concernant la politique du président au sujet de Gaza, avec la démission publique cette semaine d’un responsable du ministère de l’Éducation et une lettre signée par plus d’une douzaine de membres de l’équipe de campagne de Biden appelant à un cessez-le-feu et au conditionnement de l’aide à Israël.

« On atteint des niveaux vraiment extraordinaires de désaccord », a dit Josh Paul, fonctionnaire de carrière qui travaille sur les ventes d’armes au département d’État et qui a démissionné en octobre pour protester contre les signes croissants de mécontentement. « J’entends parler ces dernières semaines de personnes qui pensent de plus en plus sérieusement à démissionner. »

Tariq Habash, responsable du ministère de l’Éducation, dit lui aussi qu’il a entendu parler de beaucoup plus de responsables qu’il ne l’avait prévu qui envisagent leur départ. « Cela témoigne de l’évolution et des préoccupations constantes concernant la politique actuelle », a-t-il dit. « J’espère que cela trouvera un écho auprès du président et de ceux qui prennent les décisions politiques sur cette question qui affecte des millions de vies. »

Habash, qui est un Américain palestinien, est le premier membre du personnel politique de l’administration Biden à porter sa démission devant les médias et à publier une lettre ouverte. « Je ne peux garder le silence alors que cette administration ferme les yeux devant les atrocités commises contre la vie de Palestiniens innocents », a-t-il écrit en annonçant sa démission de son poste de conseiller auprès du bureau de planification politique. Dans la lettre, il a protesté contre le fait que le président ne fasse pas pression sur Israël « pour mettre fin aux manœuvres de punition collective, abusives et permanentes » qui ont conduit à la crise humanitaire à Gaza. Il s’est également insurgé contre des dirigeants de l’administration qui répétaient « des déclarations non vérifiées qui déshumanisaient systématiquement les Palestiniens ».

La veille de la démission d’Habash, 17 membres de la campagne actuelle ont appelé anonymement à un cessez-le-feu et au conditionnement de l’aide militaire à Israël. Leur lettre exhortait Biden à engager « des démarches concrètes pour mettre fin aux conditions d’apartheid, d’occupation et de nettoyage ethnique qui sont les causes profondes de ce conflit ». Un des organisateurs de la lettre, parlant sous couvert d’anonymat, a dit : « Nous savons que nous ne sommes pas seuls à réagir, il existe une très grande coalition qui demande la même chose. »

Ce ne sont que les dernières critiques internes contre Biden. Le mois dernier, des responsables de l’administration ont caché leur visage derrière des masques et des écharpes et ont organisé une veillée devant la Maison Blanche pour soutenir un cessez-le-feu. Plus de 500 anciens membres de la campagne présidentielle de Biden ont signé une lettre ouverte appelant à un cessez-le-feu en novembre, et des assistants parlementaires et des employés de l’USAid ont envoyé leurs propres pétitions en automne. Des responsables actuels du département d’État qui ne veulent pas risquer leur place en s’exprimant ouvertement ont eu de plus en plus recours à des itinéraires ratifiés pour critiquer le président, en envoyant des mémos de désaccord au secrétaire d’État.

Le Guardian a parlé à plusieurs personnes nommées actuellement pour raison politique et à du personnel de carrière du département d’État qui critiquent l’approche de l’administration, mais n’ont pas souhaité s’exprimer officiellement. Certains disent qu’ils essaient de créer un changement de l’intérieur. D’autres disent que toute l’approche du président sur le Moyen Orient est guidée par la Maison Blanche et, à bien des égards, par le président lui-même, s’opposant aux recommandations des experts politiques.

Sur la démission d’Habash, la porte-parole de la Maison Blanche, Karine Jean-Pierre, a dit que « les gens ont le droit d’exprimer leur opinion ». Elle même et le département d’État ont envoyé des questions au Ministère de l’Éducation, dont le porte-parole a souhaité a Habash le « meilleur pour ses futurs projets ».

Les conseillers de Biden ont cherché à disperser le mécontentement interne avec une série de séances d’écoute à la Maison Blanche et au département d’État en octobre et en novembre. « C’est un signe de force lorsqu’une administration ne se contente pas d’entendre mais accueille favorablement les dissensions internes », a dit Emily Horne, ancienne porte-parole pour la Maison Blanche de Biden.

Depuis les premiers jours qui ont suivi les attaques du Hamas le 7 octobre, l’administration a partiellement modifié sa rhétorique. Biden parle maintenant davantage de la catastrophe humanitaire qu’il ne l’a fait les premiers jours de l’incursion terrestre d’Israël dans Gaza et a plusieurs fois exhorté Israël à prendre des mesures pour protéger les civils. Mais la gravité de la situation provoquée à Gaza par les incessantes opérations israéliennes, qui ont provoqué la mort de plus de 22.000 Palestiniens, parallèlement aux risques de famine et de la grave restriction de soins médicaux, a éclipsé toute prétendue évolution de la politique américaine.

Cette semaine, le secrétaire d’État, Antony Blinken, ira au Moyen Orient « pour souligner l’importance de protéger la vie des civils en Israël et en Cisjordanie et à Gaza ». Le département d’État a critiqué les déclarations des ministres israéliens qui ont appelé au transfert des Palestiniens de Gaza. Mais même cette condamnation n’est arrivée que quelques jours après que le secrétaire d’État ait court-circuité le Congrès pour envoyer des armes à Israël.

« Parmi les Américains arabes et les Américains musulmans du gouvernement existe l’impression que l’administration ne prend pas au sérieux leurs opinions ou leur désaccord », a dit Jasmine El-Gamal, ancienne fonctionnaire qui travaillait à la politique du Moyen Orient au département de la Défense pendant les années Obama.

Paul, haut fonctionnaire de carrière du département d’État qui a démissionné en signe de protestation en octobre, a dit qu’il était en contact avec plusieurs personnes actuellement au gouvernement qui envisagent de partir en raison de la gestion d’Israël par Biden. « S’il y avait un système de santé universel, davantage de gens voudraient démissionner », a-t-il dit, faisant référence à l’attachement de nombreux employés du gouvernement à leur travail pour les soins médicaux.

La démission de Habash, ajoutée à la lettre du 3 janvier du personnel de la campagne actuelle, survient dans un contexte de peur que Biden perde d’importants membres de sa base alors que la campagne présidentielle de 2024 débute sérieusement. Même d’anciens responsables de l’administration Obama qui hébergent maintenant des podcasts populaires tels que Pod Sauve l’Amérique sont devenus très critiques à l’égard de Biden. La lettre des militants a dit que « les volontaires » de la campagne de réélection « démissionnent en grand nombre, et les gens qui ont voté bleu pendant des dizaines d’années hésitent pour la toute première fois à le faire, à cause du conflit ».

Pour l’instant, le désaccord ne semble pas affecter l’approche de Biden ni celle du cercle rapproché des conseillers qui l’entourent. Un ancien fonctionnaire, parlant sous réserve d’anonymat, a minimisé les démissions et les lettres ouvertes. « Certaines de ces critiques trouvent un écho, mais je ne les vois pas faire une différence significative », a-t-il dit. « Les moments où cela importe à cette administration, c’est quand ça commence à jouer un rôle dans la politique intérieure et à devenir un problème pour la prochaine élection. »

Habash dit qu’il reste d’accord avec la majeure partie de la politique intérieure de Biden et qu’il espère que son départ poussera le président à changer de cap sur Gaza. « Nos élus ne sont pas en phase avec leur base et leurs électeurs », a-t-il averti.