Les débats sur les détails du « plan des généraux » détournent l’attention de la véritable brutalité de la dernière opération israélienne, qui renonce à la fiction des considérations humanitaires et jette les bases de la colonisation.
Regardez ces deux photos, toutes deux prises le 21 octobre 2024. À droite, nous voyons une longue file de personnes déplacées – ou, plus exactement, de femmes et d’enfants — dans les ruines du camp de réfugiés de Jabalia, dans le nord de la bande de Gaza. Les hommes de plus de 16 ans sont mis à l’écart, agitant un drapeau blanc et brandissant leur carte d’identité. Ces hommes et ces femmes sont en train de sortir.
À gauche, nous voyons un camp construit par l’organisation de colons Nachala juste à l’extérieur de Gaza, dans le cadre d’un événement célébrant la fête de Souccot. Vingt et un membres de la Knesset et ministres de droite, ainsi que plusieurs centaines d’autres participant·es, étaient présent·es pour discuter des projets de construction de nouvelles colonies juives à Gaza. Ces hommes et ces femmes sont en train d’entrer.
Ces photos racontent une histoire qui se déroule si rapidement que ses détails déchirants sont déjà sur le point d’être oubliés. Pourtant, cette histoire pourrait commencer à n’importe quel moment au cours des 76 dernières années : la Nakba de 1948, le « plan Siyag » qui l’a suivie, la Naksa de 1967. D’un côté, des Palestinien·nes déplacé·es avec tous les biens qu’elles et ils peuvent transporter, affamé·es, blessé·es et épuisé·es ; de l’autre, des colons et juifs (et juives) joyeux, sanctifiant la nouvelle terre que l’armée a défrichée à leur intention.
Mais l’histoire de ce qui se passe actuellement, de part et d’autre de la barrière de Gaza, tourne autour de ce que l’on appelle le « plan des généraux » – et de ce qu’il dissimule.
Le schéma
Le « plan des généraux », publié début septembre, a un objectif très simple : vider le nord de la bande de Gaza de sa population palestinienne. Le plan lui-même estimait qu’environ 300 000 personnes vivaient encore au nord du corridor de Netzarim – la zone occupée par Israël qui coupe la bande de Gaza en deux – bien que les Nations unies aient avancé un chiffre plus proche de 400 000.
Au cours de la première phase du plan, l’armée israélienne informerait toutes ces personnes qu’elles ont une semaine pour évacuer vers le sud en empruntant deux « corridors humanitaires ». Au cours de la deuxième phase, à la fin de cette semaine, l’armée déclarerait l’ensemble de la région zone militaire fermée. Toute personne restant sur place serait considérée comme un combattant ennemi et serait tuée si elle ne se rendait pas. Un siège complet serait imposé au territoire, intensifiant la crise alimentaire et sanitaire – créant, comme l’a dit le professeur Uzi Rabi, chercheur principal à l’université de Tel Aviv, « un processus de famine ou d’extermination ».
Selon le plan, le fait d’avertir à l’avance la population civile d’évacuer garantit le respect des exigences du droit international humanitaire. C’est un mensonge. Le premier protocole des Conventions de Genève dispose clairement que prévenir les civils qu’ils doivent fuir n’annule pas le statut de protection de celles et ceux qui restent, et ne permet donc pas aux forces militaires de leur faire du mal ; un siège militaire n’annule pas non plus l’obligation de l’armée de permettre l’acheminement de l’aide humanitaire aux civil·es.
En outre, les beaux discours sur le droit humanitaire tombent à plat si l’on considère que l’homme à la tête de ce plan, le général de division (réserviste) Giora Eiland, a passé l’année dernière à demander que toute la population de Gaza subisse une punition collective, que l’enclave soit traitée comme s’il s’agissait de l’Allemagne nazie, et qu’on laisse les maladies se propager afin de « rapprocher la victoire et de réduire les dommages causés aux soldats des FDI ». Après avoir déblatéré ainsi pendant dix mois, il a repéré la possibilité– en consultation avec un certain nombre de conseillers de l’ombre, sur lesquels nous reviendrons – de piloter un plan d’extermination dans le nord de la bande de Gaza. Il l’a présenté avec diligence aux politiciens et aux médias, sous un masque de mensonges concernant le respect du droit international.
Les médias et les politiciens ont fait ce qu’ils font toujours : ils ont fait diversion. Alors que le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le ministre de la défense Yoav Gallant se sont empressés de démentir, des fonctionnaires anonymes et des soldats sur le terrain informaient déjà les médias que le plan commençait à être mis en œuvre.
La réalité est cependant encore plus effroyable. Ce que l’armée met en œuvre dans le nord de Gaza depuis le début du mois d’octobre n’est pas tout à fait le « plan des généraux », mais une version encore plus sinistre et brutale de celui-ci dans une zone plus concentrée. On pourrait même dire que le plan lui-même et l’intense tempête médiatique et diplomatique internationale qu’il a suscitée ont contribué à maintenir tout le monde dans l’ignorance de ce qui se passe réellement et à occulter les deux façons dont le plan a déjà été redéfini.
La première distinction, la plus immédiate, est l’abandon des dispositions visant à réduire les dommages causés aux civil·es, c’est-à-dire à donner aux habitant·es du nord de Gaza une semaine pour évacuer vers le sud. Le second changement concerne l’objectif réel de l’évacuation de la zone : tout en présentant l’opération militaire comme une nécessité sécuritaire, elle incarnait en fait l’esprit de nettoyage ethnique et de réinstallation depuis le premier jour.
Détourner l’attention
La catastrophe dans le nord de Gaza s’aggrave de minute en minute, et le concours de circonstances fait que l’inimaginable – l’extermination de milliers de personnes à l’intérieur de la zone assiégée – n’est plus hors de portée.
L’opération militaire actuelle a commencé aux premières heures du 6 octobre. Les habitants de Beit Hanoun, Beit Lahiya et Jabalia – les trois localités situées au nord de la ville de Gaza – ont reçu l’ordre de fuir vers la zone d’Al-Mawasi, au sud de la bande de Gaza, en empruntant deux « couloirs humanitaires ». Israël a présenté cette attaque comme un moyen de démanteler l’infrastructure du Hamas après que le groupe s’était rétabli dans la région, et de se préparer à la possibilité qu’Israël prenne la responsabilité de l’acquisition, du transport et de la distribution de l’aide humanitaire dans la bande de Gaza – en d’autres termes, au retour de l’Administration civile israélienne qui gouvernait Gaza jusqu’au « désengagement » de 2005. La première cause n’était que partiellement vraie, et la seconde n’était qu’un écran de fumée.
Pour les Palestinien·nes de ces régions, les choses se sont présentées différemment. L’armée a attaqué les habitant·es dans leurs maisons et leurs abris par des frappes aériennes, des tirs d’artillerie et des drones, tandis que les soldats se déplaçaient de rue en rue, démolissant et incendiant des bâtiments entiers pour empêcher les habitant·es de regagner leurs domiciles. En l’espace de quelques jours, Jabalia s’est transformée en une vision d’apocalypse.
Contrairement au tableau dépeint par l’armée, qui laissait entendre que les habitant·es des zones septentrionales étaient libres de se déplacer vers le sud et de sortir de la zone dangereuse, les témoignages locaux présentaient une réalité effrayante : une personne qui sortait simplement de chez elle risquait d’être abattue par des tireurs d’élite ou des drones israéliens, y compris de jeunes enfants et des personnes qui brandissaient des drapeaux blancs. Les équipes de secours qui tentaient d’aider les blessé·es ont également été attaquées, de même que les journalistes qui tentaient de documenter les événements.
Une vidéo particulièrement poignante, vérifiée par le Washington Post, montre un enfant au sol implorant de l’aide après avoir été blessé par une frappe aérienne ; lorsqu’une foule se rassemble pour l’aider, elle est soudain frappée par une autre frappe aérienne, qui tue une personne et fait plus de 20 blessé·es. Telle est la réalité au milieu de laquelle les habitant·es du nord de Gaza étaient censé·es marcher, affamé·es et épuisé·es, vers la « zone humanitaire ».
Face à cette brutalité, la machine de propagande israélienne s’est mise en branle pour offrir une foule de prétextes expliquant pourquoi les civil·es n’évacuaient pas – principalement que le Hamas « frappait avec des bâtons » celles et ceux qui tentaient de partir. Si le Hamas empêchait effectivement les civil·es d’évacuer, comment l’armée peut-elle prétendre que celles et ceux qui ont choisi de ne pas évacuer sont des terroristes condamné·es à être tué·es ? Mais en écoutant les habitant·es eux-mêmes, on a pu entendre à plusieurs reprises le même cri de désespoir : « Nous ne pouvons pas évacuer parce que l’armée israélienne nous tire dessus ».
Le 20 octobre, l’armée a diffusé une photo d’une longue file de Palestinien·nes déplacé·es, accompagnée d’une légende aussi banale et terne qu’une prévision météorologique : « Le mouvement des habitants palestiniens se poursuit depuis la zone de Jabalia, dans le nord de la bande de Gaza. Jusqu’à présent, plus de 5 000 Palestiniens ont été évacués de la zone. »
Les personnes observatrices pouvaient remarquer que toutes les têtes sur la photo étaient couvertes : il s’agit d’une file de femmes et d’enfants, qui n’ont pas été « évacué·es » mais déraciné·es de force. Où sont les hommes ? Emmenés dans des lieux inconnus. Dans quelques mois, nous entendrons peut-être parler de leur séjour dans les camps de détention israéliens, décrivant les tortures et les abus qui ont tué au moins 60 prisonniers gazaouis depuis le 7 octobre.
Contrairement à ce que prévoyait le « plan des généraux », les civil·es n’ont pas eu une semaine pour évacuer, comme l’a reconnu plus tard Eiland ; dès le départ, l’armée a traité les zones du nord comme une zone militaire dans laquelle tout mouvement est réprimé par des tirs meurtriers. Il s’agit là du premier procédé d’utilisation du plan comme paratonnerre pour détourner l’attention et les critiques d’une réalité bien plus brutale que celle qu’il met en avant.
Une politique d’extermination
Depuis le début de son opération dans le nord de Gaza, l’armée israélienne a tué plus d’un millier de Palestinien·nes. L’armée de l’air israélienne bombarde généralement la nuit, pendant que les victimes dorment, massacrant des familles entières dans leurs maisons et rendant plus difficile l’évacuation des blessé·es. Le 24 octobre, les services de secours ont annoncé que l’intensité des bombardements ne leur laissait d’autre choix que de cesser toute opération dans les zones assiégées.
Parmi les attaques les plus notables, on peut citer le bombardement d’une maison dans le quartier Al-Fallujah du camp de Jabalia le 14 octobre, tuant une famille de 11 personnes ainsi que le médecin venu les soigner ; l’attaque de l’école Abu Hussein dans le camp de Jabalia le 17 octobre, qui a tué 22 personnes déplacées qui s’y abritaient ; le meurtre de 33 personnes, dont 21 femmes, dans trois maisons du camp de Jabalia, le 19 octobre ; la destruction complète de plusieurs bâtiments résidentiels à Beit Lahiya le même jour, tuant 87 personnes ; des frappes aériennes sur cinq bâtiments résidentiels à Beit Lahiya le 26 octobre, qui ont tué 40 personnes ; et le massacre de 93 personnes lors du bombardement d’un bâtiment résidentiel de cinq étages à Beit Lahiya le 29 octobre.
L’opération d’extermination actuellement en cours dans le nord de Gaza ne devrait pas surprendre quiconque a prêté attention aux crimes de guerre commis par Israël au cours de l’année écoulée et aux innombrables rapports d’enquête que les médias les plus respectés du monde ont rédigés à leur sujet. Qu’il s’agisse du largage de bombes de 2 000 livres là où il n’y a pas de cibles militaires à proximité ou de l’assassinat régulier d’enfants par des tirs de sniper dans la tête, ces atrocités passées nous montrent ce que l’armée israélienne continuera à faire si on ne l’arrête pas.
Il n’y a que trois grands établissements médicaux dans la zone encerclée du nord de Gaza, vers lesquels les centaines de blessés de ces dernières semaines ont été dirigés : l’hôpital indonésien et l’hôpital Kamal Adwan à Beit Lahiya, et l’hôpital Al-Awda à Jabalia. Pourtant, l’armée israélienne a également soumis ces hôpitaux à des attaques, les rendant incapables de soigner les blessé·es. Des rapports de Médecins sans frontières et de l’ONU ont qualifié la situation de « menace vitale immédiate ».
Au début de l’opération, l’armée israélienne a ordonné aux trois hôpitaux d’être évacués dans les 24 heures, menaçant de capturer ou de tuer toute personne trouvée à l’intérieur – ce qui n’est pas tout à fait la « semaine de grâce » prévue dans le « Plan des généraux ». L’armée a bombardé Kamal Adwan et ses environs dès le début de l’opération, avant de le soumettre à un raid de trois jours qui l’a entièrement mis hors service et a vu la plupart des médecins détenu·es.
L’armée a également bombardé à plusieurs reprises l’hôpital indonésien et Al-Awda. Deux patient·es de l’hôpital indonésien sont décédé·es à la suite de la panne d’électricité qui en a résulté, avant que l’hôpital ne cesse complètement de fonctionner. C’est la raison pour laquelle les blessures, même légères, se terminent souvent par la mort, parce que les équipes médicales n’ont tout simplement pas les ressources nécessaires pour les traiter.
Israël, bien sûr, considère chaque maison et chaque ruelle de Gaza comme une menace potentielle et une cible légitime. Et quel sera le prétexte pour refuser l’accès à Gaza à six groupes d’aide médicale qui travaillent avec l’Organisation mondiale de la santé ? Il s’agit très probablement d’une punition pour avoir envoyé dans la bande de Gaza des médecins occidentaux qui ont ensuite publié des témoignages sur les tireurs d’élite israéliens ciblant les enfants. Un rapport de l’ONU publié peu avant a conclu qu’Israël menait « une politique concertée pour détruire le système de santé de Gaza » dans le cadre du « crime contre l’humanité d’extermination ».
Une politique de famine
Ces attaques ont été accompagnées d’un siège complet qui a empêché toute nourriture et tout matériel médical d’entrer dans le nord de la bande de Gaza, ce qui semble être une politique intentionnelle de famine. Selon le Programme alimentaire mondial des Nations unies, Israël a commencé à couper les vivres le 1er octobre, soit cinq jours avant l’opération militaire.
Ce fait a été officiellement reconnu, bien qu’indirectement, sous la forme d’un ultimatum états-unien le 15 octobre, exigeant qu’Israël autorise l’entrée de l’aide dans le nord de Gaza dans un délai de 30 jours, sous peine de voir les livraisons d’armes états-uniennes à Israël interrompues. Cela indique, comme les groupes humanitaires l’avaient souligné, qu’aucune aide n’était autorisée à entrer avant cette date. Le délai de grâce de 30 jours est risible ; comme l’a déclaré le responsable de la politique étrangère de l’UE, des milliers de personnes risquaient de mourir de faim dans les 30 jours.
En outre, un article de Politico a renforcé le sentiment que, comme les « menaces » précédentes, la dernière demande de Washington n’était qu’un geste cérémoniel vide de sens destiné à rassurer les consciences libérales. Dès le mois d’août, le plus haut responsable états-unien chargé de la situation humanitaire à Gaza avait déclaré aux organisations humanitaires, lors d’une réunion interne, que les États-Unis n’accepteraient pas de retarder ou d’interrompre les livraisons d’armes à Israël pour faire pression sur ce dernier en matière d’aide humanitaire. En ce qui concerne la violation du droit international humanitaire, le sentiment exprimé par le représentant, selon l’un des participants, était que « les règles ne s’appliquent pas à Israël ».
La politique de famine d’Israël dans le nord de Gaza ne s’est pas limitée à empêcher l’entrée de nourriture. Le 10 octobre, l’armée a bombardé le seul magasin de farine de la région. Il s’agit là d’un crime de guerre on ne peut plus clair, qui constitue un élément important du dossier de génocide déposé contre Israël devant la Cour internationale de justice. Quatre jours plus tard, l’armée a bombardé un centre de distribution alimentaire de l’ONU à Jabalia, tuant 10 personnes.
Les organisations humanitaires ont lancé des avertissements urgents concernant cette catastrophe qui s’aggrave, signalant leur incapacité à remplir leurs fonctions de base dans les conditions impossibles qu’Israël a créées dans le nord de la bande de Gaza. Un nouveau rapport du CIP sur la faim à Gaza prédit des « résultats catastrophiques » en cas de malnutrition sévère, en particulier dans le nord.
Le 16 octobre, les médias israéliens ont annoncé que, sous la pression des États-Unis, 100 camions d’aide étaient entrés dans le nord de la bande de Gaza. Mais des journalistes du nord ont rapidement rectifié le tir : rien du tout n’était entré dans les zones assiégées. Le 20 octobre, Israël a rejeté une nouvelle demande des agences de l’ONU visant à acheminer de la nourriture, du carburant, du sang et des médicaments. Trois jours plus tard, en réponse à une demande d’ordonnance provisoire du groupe israélien de défense des droits humains Gisha, l’État a admis devant la Haute Cour qu’aucune aide humanitaire n’avait été autorisée à pénétrer dans le nord de Gaza jusqu’à ce jour. À ce moment-là, nous parlons déjà d’un siège alimentaire de trois semaines.
Depuis lors, Israël prétend avoir autorisé l’entrée d’un petit nombre de camions d’aide dans le nord de la bande de Gaza, mais en l’absence de preuves photographiques, il est très difficile de savoir combien d’entre eux ont atteint leur destination déclarée.
Un clin d’œil pour la droite, de feintes justifications de sécurité pour la gauche
Dès le départ, la justification militaire d’une opération aussi radicale était douteuse. Eiland parlait de « 5 000 terroristes » se cachant dans le nord, mais toute personne suivant de près la situation sur le terrain pouvait constater que les rencontres avec des agents du Hamas dans ces zones étaient rares et espacées.
En effet, comme l’a révélé Yaniv Kubovich de Haaretz, « les commandants sur le terrain […] affirment que la décision de commencer à opérer dans le nord de la bande de Gaza a été prise sans délibérations approfondies, et il semble qu’elle visait principalement à faire pression sur la population de Gaza ». Les forces militaires ont reçu l’ordre de se préparer à l’opération, poursuit le rapport, « même si aucun renseignement ne la justifiait ».
En outre, la nécessité de la manœuvre ne faisait pas l’unanimité parmi les hauts fonctionnaires de la défense, et nombreux étaient ceux qui, au sein de l’armée comme du Shin Bet, pensaient qu’elle risquait de mettre en danger la vie des otages. Les sources qui ont parlé à Haaretz ont affirmé que les soldats qui sont entrés dans Jabalia « n’ont pas rencontré de terroristes face à face », bien qu’au moins 12 soldats aient été tués depuis dans le nord de Gaza.
Quelle était donc la véritable motivation de l’opération ? Pour répondre à cette question, il suffit de regarder l’événement de Souccot organisé par des colons et leurs partisan·es le 21 octobre, intitulé « Préparer la colonisation de Gaza ». Elles et ils y ont exposé leur vision de la construction de colonies juives dans toute la bande de Gaza après que l’enclave serait nettoyée des Palestiniens. La ville de Gaza, par exemple, deviendrait « une ville hébraïque, technologique et verte qui réunirait toutes les composantes de la société israélienne ». Et en cela, au moins, elles et ils disent la vérité : les Israélien·nes se sont toujours unis autour du déplacement et de la dépossession des Palestinien·nes.
Cet événement n’était que le dernier en date à appeler à l’annexion et à la colonisation de la bande de Gaza, après une conférence enthousiaste organisée en janvier à Jérusalem, à laquelle ont assisté des milliers de personnes, dont pas moins de 26 membres de la coalition. Alors qu’un quart seulement du public israélien soutient la recolonisation de Gaza, la présence significative de ministres et de partisans du Likoud de M. Netanyahou montre qu’au niveau politique, cette idée est de plus en plus répandue.
Le mouvement Nachala de Daniela Weiss a déjà dressé les plans : six groupes de colons, avec 700 familles en attente. Tout ce dont ils ont besoin, c’est d’une fenêtre d’opportunité – un moment où l’attention nationale est détournée (au Liban, en Cisjordanie, en Iran), un moment de détermination dans le style « décisif » de Bezalel Smotrich, et le pieu sera planté de l’autre côté de la clôture.
Ils l’appelleront « avant-poste militaire » ou « ferme agricole », une stratégie éprouvée qui consiste à faire un clin d’œil à la droite tout en adressant de feintes justifications de sécurité à la gauche. L’armée ne les abandonnera jamais : ce sont nos « meilleurs garçons », l’armée est leur chair et leur sang. Et c’est ainsi que le retour se produira.
Les cerveaux du « plan des généraux »
Les plus observateurs et observatrices d’entre nous ont pu voir comment le vent soufflait dès la première semaine de la guerre. Alors que la plupart des Israélien·nes étaient encore en train de se faire une idée de l’ampleur du désastre du 7 octobre, les colons dessinaient déjà des cartes et y collaient des épingles de colonisation.
La blessure du « désengagement », lorsque l’armée a déraciné 8 000 colons de la bande de Gaza, a été laissée délibérément ouverte, sans jamais pouvoir guérir : un « traumatisme » revécu et transmis année après année, qui a empoisonné le tristement célèbre Kohelet Policy Forum – un groupe de réflexion de droite responsable d’une grande partie des plans directeurs du gouvernement actuel – et toute une série d’hommes politiques de droite imprégnés de haine et d’un insatiable désir de vengeance.
C’était la réincarnation d’un vieux thème israélien fondamental : les éternelles victimes ne peuvent jamais pécher. C’est cet état d’esprit qui a transformé le traumatisme du 7 octobre, pour reprendre les termes de Naomi Klein, en « arme de guerre », imprégnant l’attaque du Hamas de l’imagerie de l’Holocauste.
Et bien sûr, la ministre d’extrême droite Orit Strook l’a su avant tout le monde, prédisant en mai 2023 : « Au sujet de [la recolonisation] de Gaza, je ne pense pas que les Israélien·nes y soient mentalement en ce moment, donc cela n’arrivera ni aujourd’hui ni demain matin. À long terme, je suppose qu’il n’y aura pas d’autre choix que de le faire. Cela se produira lorsque le peuple d’Israël sera prêt à le faire et, malheureusement, nous le paierons dans le sang ». Il est difficile de savoir à quel point elle était malheureuse, puisque cette même Orit Strook, en pleine guerre, se réjouissait de la multiplication des nouvelles colonies et des avant-postes en Cisjordanie, qu’elle qualifiait de « période de miracles ».
Quel est le lien entre cette marmite débordante de messianisme et le « plan des généraux » ? Ce lien a été révélé au début du mois, lorsque Omri Maniv de Channel 12 a découvert que, bien que les généraux militaires soient le visage du plan, le cerveau derrière celui-ci est l’organisation de droite Tzav 9 – le groupe responsable de l’incendie de camions d’aide humanitaire avant qu’ils ne puissent entrer dans Gaza, et qui a été par conséquent sanctionné par les États-Unis, ainsi que son fondateur, Shlomo Sarid.
Selon le rapport de Maniv, c’est Sarid qui a mis Eiland en contact avec le Forum des commandants et combattants de réserve, qui a publié le plan. Parmi les fondateurs du Forum figure le général de division (réserviste) Gabi Siboni de l’Institut Misgav, qui est issu de l’Institut de stratégie sioniste, aujourd’hui disparu, une organisation de façade pour – surprise, surprise – Kohelet.
Au fil des ans, Kohelet a perfectionné sa capacité à influencer de manière significative l’agenda public en Israël par le biais d’extensions et de sous-branches opérant sous des noms apparemment inoffensifs, ses chercheuses et chercheurs niant même parfois tout lien avec lui. Sarid a pratiquement cité le mode d’emploi de Kohelet lorsqu’il a expliqué lors d’une réunion interne par Zoom des membres de Tzav 9 : « Nous avons mis au point une stratégie intelligente : nous prenons une question centrale controversée et, en tant qu’organisations civiles, nous venons proposer une solution au gouvernement. Nous venons de tous les côtés. Nous avons proposé des solutions à la fois de droite et de gauche ».
Eiland savait que Sarid et les membres du Forum des commandants et combattants de réserve s’efforçaient de rétablir les colonies à Gaza, mais il a nié que son plan visait à préparer le terrain pour cela. Voilà à quoi ressemble le déni d’un idiot utile.
Comme tout bon commandant du commandement central des FDI, qui est envoyé pour sécuriser une célébration religieuse de colons à la Tombe de Joseph à Naplouse, ou pour bloquer les issues des villages palestiniens de Kafr Qaddum et Beita, il continuera à prétendre qu’il ne fait qu’apporter des solutions de « sécurité » qui n’ont rien à voir avec l’agenda des colons. « Ce n’est pas politique », nous explique-t-on encore et encore, tandis que les messianistes se réjouissent, versant de temps à autre une larme sur « le prix sanglant à payer ».
Mais était-il vraiment un idiot utile ? Cette semaine, nous avons appris que les dirigeants politiques israéliens font pression sur l’armée pour empêcher les habitant·es de Jabalia de rentrer chez elles et chez eux, « bien que les objectifs de l’opération […] aient été en grande partie atteints ». M. Eiland s’attend maintenant à ce que, pour les Palestiniens, le nord de la bande de Gaza « devienne peu à peu un rêve lointain. Comme ils ont oublié Ashkelon [Al-Majdal], ils oublieront aussi cette zone ». Ce n’est plus la voix d’un tacticien militaire sans état d’âme, mais celle d’un véritable partisan de l’épuration ethnique.
Nous avons ainsi percé toutes les couches de la tromperie du « Plan des généraux » : contrairement à ce qui a été dit, le plan lui-même est un crime de guerre ; l’armée n’a prévu aucun délai de grâce pour l’évacuation des civil·es ; la justification militaire est discutable, et certainement pas proportionnelle à l’intensité de cette opération drastique ; et le but ultime du plan n’est pas militaire, mais politique – recoloniser Gaza.
La fenêtre d’opportunité d’Israël
À l’heure actuelle, environ 100 000 habitants restent assiégé·es à Beit Lahiya, Beit Hanoun et Jabalia, affamé·es et assoiffé·es. Des familles entières sont massacrées et des quartiers entiers sont rasés chaque jour. La destruction par Israël des infrastructures de santé et le blocage de l’aide médicale ont rendu les hôpitaux inopérants, incapables de soigner les blessé·es. Pendant ce temps, un black-out partiel des communications et l’absence quasi-totale de journalistes dans les zones assiégées nous maintiennent dans l’ignorance.
Est-il possible de prévoir la suite ? Certains se tourneront inévitablement vers les États-Unis pour obtenir des réponses. Dans quelques jours, les États-unien·nes se rendront aux urnes pour ce qui sera assurément une course serrée entre Donald Trump et Kamala Harris. Si Trump gagne, les dirigeants israéliens pourront pousser un soupir de soulagement. Il n’arrêtera aucun plan israélien, aussi brutal soit-il, notamment pour la simple raison qu’il ne sait pas exactement quelle est la différence entre Gaza et Israël.
Pour sa part, Mme Harris ne risquera pas les derniers jours de sa campagne en faisant des déclarations fortes. Elle ne mettra certainement pas en péril le vote juif des démocrates en lançant un véritable ultimatum à Israël – elle l’a d’ailleurs déjà dit. Et si elle gagne ? Rien ne presse. La nouvelle présidente devra étudier la situation. « Nous suivons de près ce qui se passe à Gaza et nous travaillons avec nos alliés pour trouver une solution à cette situation tragique », ne manquera-t-elle pas de dire.
L’Europe n’a pas de leviers d’influence sur Israël dans l’immédiat, et de toute façon les divergences internes à l’UE – et en premier lieu le soutien résolu de l’Allemagne à Israël – empêchent tout changement radical de politique. À La Haye, les moulins de la justice tournent lentement.
Le salut ne peut venir que de Washington, mais Washington est chaque jour plus occupé par la dernière déclaration scandaleuse de Trump. La machine à empoisonner de la droite états-unienne, aidée par Elon Musk, passe déjà à la vitesse supérieure dans la production de désinformation et de fake news. Le résultat inévitable sera qu’une fois de plus, personne ne se souciera des cadavres palestiniens qui s’empilent.
Tout cela offre à Israël une fenêtre d’opportunité d’un mois ou deux, au cours de laquelle il peut même intensifier l’opération d’extermination dans le nord de Gaza. D’après ce que je vois, rien ne l’arrêtera pendant cette période, et probablement même après. L’intensification de la guerre au Liban et dans le nord d’Israël sert également d’écran de fumée.
Combien de Palestinien·nes Israël va-t-il exterminer dans le nord de Gaza d’ici là ? Le chiffre de plus de 1 000 mort·es au cours des quatre semaines écoulées depuis le début de l’opération actuelle peut sembler peu élevé par rapport aux chiffres enregistrés au début de la guerre, mais il ne faut pas oublier que la zone actuellement assiégée représente moins d’un cinquième de la population de Gaza. Proportionnellement, cela équivaut donc aux chiffres records des deux premiers mois de la guerre, lorsque l’armée a tué en moyenne 250 personnes par jour à la suite de frappes aériennes incessantes. Il n’est donc pas étonnant que les habitant·es du nord de Gaza affirment que les dernières semaines ont été les plus difficiles depuis le début de la guerre.
Partir de force, ne jamais revenir ?
À l’exception de la possibilité d’une annihilation massive par des moyens encore inconnus, Israël semble choisir une solution intermédiaire entre l’extermination et le transfert. L’extermination était conçue comme une forme de terreur et d’intimidation, le moyen pour l’armée de persuader les habitant·es du nord de Gaza d’évacuer « volontairement ». Mais cela n’a pas suffi. Des soldats ont donc été envoyés dans les abris pour rassembler les réfugié·es sous la menace d’une arme et les envoyer au sud, après que les hommes ont été séparés et emmenés pour être interrogés ou arrêtés.
Le 21 octobre, la chaîne publique israélienne Kan a publié des images de drone montrant des Palestinien·nes rassemblé·es et poussé·es vers le sud. Kan l’a intitulée « Les Gazaouis partent de Jabalia ». Ils « partent » de la même manière que les habitant·es de Lyd, Al-Majdal et Manshiyya sont « parti·es » en 1948. Les habitant·es de Gaza en témoignent : « Quiconque n’obéit pas aux ordres est abattu ».
Et c’est ainsi : les femmes et les enfants dans une file, séparés des hommes de plus de 16 ans brandissant leur carte d’identité dans une autre – un déplacement forcé filmé par les caméras de la force de déplacement. Dans les années à venir, Israël écrira dans les livres d’histoire : ils sont partis de leur plein gré.
Et alors que la télévision israélienne diffusait des images de ce « départ calme », des journalistes de Gaza rapportaient un autre bombardement d’un abri dans le même camp de réfugié·es, dans lequel 10 personnes ont été tuées et 30 blessées. Le témoignage d’un secouriste présent sur place révèle l’horreur : un drone a annoncé depuis les airs que les résident·es de l’enceinte devaient évacuer, et pas plus de dix minutes plus tard, avant que la plupart des gens n’aient réussi à partir, le site a explosé.
Le « plan des généraux » n’est donc pas seulement une tromperie, mais aussi un échec opérationnel. La population menacée n’était pas encline à une évacuation volontaire suivant le trajet des balles et des obus de mortier, préférant les horreurs familières aux horreurs inconnues, comme le veut la nature humaine (d’ailleurs, qui, dans l’armée israélienne, est capable de percevoir les Palestinien·nes comme des êtres humains ?) Même l’extermination comme instrument de terreur n’a pas suffi à persuader les habitant·es du nord de Gaza d’évacuer « volontairement ». Des forces d’infanterie ont donc été envoyées dans les abris pour forcer les personnes déplacées, sous la menace d’une arme, à sortir et à commencer à marcher vers le sud (après que les hommes ont été séparés et emmenés pour être interrogés ou arrêtés).
Tout indique qu’Israël n’a pas l’intention de laisser revenir les personnes déplacées. En ce sens, les destructions dans le nord de Gaza ne ressemblent à rien de ce que nous avons vu auparavant. L’armée veille vraiment à brûler, à détruire et à raser tous les bâtiments après le départ des Palestinien·nes – et parfois même pendant qu’elles et ils sont encore à l’intérieur. Même les États-unien·nes et les Européen·nes peuvent voir ce qui est écrit sur le mur cette fois-ci.
Combien de temps faudra-t-il pour nettoyer totalement le nord de Gaza de sa population ? Il est difficile de le prévoir exactement, entre l’endurance des habitant·es à rester sur place, le nombre maximum de mort·es par jour que l’armée s’autorise en fonction de ses propres considérations et la réaction de la communauté internationale. Il est certain que l’assaut actuel se poursuivra pendant des semaines.
Entre-temps, de nombreuses personnes déplacées ne s’installent pas au sud du corridor de Netzarim, mais plutôt à la périphérie de la ville de Gaza, de peur de ne jamais pouvoir revenir si elles quittent complètement le nord. Si l’armée les expulse également de là, ce sera une preuve supplémentaire que l’opération de nettoyage n’est pas guidée par des considérations opérationnelles.
Un combat pour la vie
Que nous reste-t-il à faire ? À l’intérieur d’Israël, nous sommes peu nombreux à voir la réalité avec perspicacité. Mais le peu que nous pouvons faire, nous devons le faire.
Tout d’abord, nous devons faire taire les chahuts lancés depuis le poulailler : « Mais qu’en est-il de la charte du Hamas ? », « Mais, l’Iran ! » ou « Mais ce sont des barbares ! ». Rien de tout cela n’est pertinent face au génocide que notre armée est en train de perpétrer au moment où vous lisez ces mots (et je ne choisis pas ce terme à la hâte ; voici quatre historiens israéliens qui sont parvenus à cette conclusion, et qui sont de plus grands experts que moi). En quoi le massacre du 7 octobre justifie-t-il l’incendie d’écoles et de boulangeries ? Qu’est-ce que la charte du Hamas a à voir avec le fait d’interdire l’accès du matériel médical à Gaza, ce qui entraîne la mort massive de blessé·es ?
Il faut aussi ignorer la caricature qu’est « l’opposition ». L’« alternative » proposée par le « centre gauche » israélien se situe entre, d’une part, une « occupation stratégique » d’un plus grand nombre de territoires et, d’autre part, une politique de « séparation » qui laisse encore à l’armée une totale liberté d’action dans les territoires occupés ou qui envisage même une renaissance de l’« option jordanienne ».
Les discours incessants sur les grands arrangements politiques multilatéraux n’ont qu’un seul but : fuir la réalité sanglante. C’est un refus de faire face à nos propres actions, un refus de revendiquer la responsabilité de la catastrophe – pour laquelle le Hamas peut en effet être largement incriminé, mais notre responsabilité est bien plus grande. Et c’est au bout du compte un refus de considérer les Palestinien·nes comme des êtres humains, tout comme nous.
J’ai passé d’innombrables heures à lire des témoignages provenant de Gaza au cours de l’année écoulée, et un phénomène qui m’a semblé particulièrement horrible, même s’il ne donne pas lieu aux crimes les plus horribles, est la façon dont les soldats israéliens traitent les Palestinien·nes comme des brebis ou des chèvres, les déplaçant en troupeaux d’un endroit à l’autre. Comme on le fait avec des animaux, les tireurs d’élite et les drones les encerclent, tirant à balles réelles sur tous ceux qui refusent de bouger ou qui prennent trop de temps. Les avions et les drones délivrent des avis d’évacuation et bombardent presque immédiatement ceux qui n’ont pas encore réussi à s’échapper. Une telle déshumanisation ne peut que nous faire penser aux scènes montrant les nazis en train de charger les Juifs et les Juives dans des wagons à bestiaux.
Le réseau de crimes décrit ici n’est pas si abstrait : une grande partie de la population israélienne y participe. Des centaines, voire des milliers de personnes se sont filmées en train d’agir, tandis que beaucoup d’autres ont carrément appelé à l’extermination. La majorité, cependant, n’est pas aussi explicite ou suffisante. La plupart se contentent de servir l’armée pendant des centaines de jours de service de réserve « parce que nous devons protéger notre pays ». Elles et ils commettent des crimes sans y penser, ou en y pensant à moitié, ou en y pensant seulement de manière silencieuse, en piétinant ces idées.
Elles et ils peuvent trouver une myriade de prétextes, mais chacun d’entre eux s’effondre face à plus de 16 000 enfants morts – dont plus de 3 000 âgés de moins de 5 ans – qui ont tous été identifiés par leur nom et leur numéro d’identification. Et ils s’effondrent face à la destruction de toutes les infrastructures civiles, qui n’ont pas et ne peuvent pas avoir un but purement militaire.
Nous portons donc tous le poids de la responsabilité, certain·es plus que d’autres. Le mouvement de refus de l’armée est apparu trop tard et trop lentement, mais il a besoin de tous les encouragements, de tous les soutiens et de toutes les voix qu’on peut lui prêter. Le consensus sur la guerre d’extermination empoisonne la société israélienne et obscurcit son avenir si profondément que même de petites poches de résistance peuvent insuffler de l’énergie et de l’espoir à ceux qui n’ont pas encore été emportés par les courants de la folie.
Nous pouvons également chercher des partenaires dans cette lutte à l’étranger, où le levier de pression critique est le pipeline d’armes états-uniennes. Depuis le 7 octobre, ce pipeline a fonctionné à un rythme sans précédent (à ce jour, 17,9 milliards de dollars d’armes ont été expédiées à Israël), facilitant une longue liste de crimes de guerre. Mais une autre chose est également sans précédent : pour la première fois, ce pipeline a été quelque peu entravé, ne serait-ce que temporairement, lorsqu’une livraison de bombes de 2 000 livres a été retardée avant l’invasion de Rafah.
Ce n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan, mais cela montre ce qu’il faut faire. Et cela n’aurait pas été possible sans la pression continue exercée par les militant·es sur leurs représentant·es au sein de l’establishment démocrate, pression qui s’est finalement répercutée jusqu’à la Maison Blanche. Les pétitions, les lettres aux membres du Congrès, la publication de témoignages – tous les outils utilisés pour influencer l’opinion publique contre le soutien automatique à Israël peuvent être utiles.
La lutte pour mettre fin à cette guerre d’extermination et de transfert qui s’intensifie à Gaza, en particulier dans le nord, est avant tout un combat humain. C’est un combat pour la vie, tant à Gaza qu’en Israël : pour la chance même que la vie puisse continuer à exister sur cette terre ensanglantée. Il n’y a rien de plus patriotique.
Une version de cet article a d’abord été publiée en hébreu sur le blog de l’auteur. Il a été traduit en anglais pour +972 par Gali Avatichi et Keren Hering.
Idan Landau, 1er novembre 2024