En Israël, l’armée poursuit le harcèlement des ONG palestiniennes

Sept organisations de défense des droits humains ont été fermées. Six d’entre elles sont qualifiées de « terroristes », sans convaincre l’UE et la France. Les Palestiniens dénoncent une tentative de musellement.

Jérusalem – correspondance – Les raids de l’armée israélienne ont eu lieu avant l’aube, jeudi 18 août, en plein Ramallah, pourtant censée être sous contrôle de l’Autorité palestinienne, en Cisjordanie, territoire occupé par Israël. Les soldats ont perquisitionné les locaux de sept grandes ONG palestiniennes, confisquant matériel et dossiers. Des vidéos les montrent déambulant dans les bureaux, armés et casqués, chargeant imprimantes et documents à l’arrière d’un camion militaire. En repartant, ils ont scellé les portes des ONG et y ont accroché un ordre de fermeture. Lors d’une des perquisitions, les militaires ont cassé la vitre de l’entrée d’une église anglicane pour atteindre les bureaux de l’organisation de défense des droits de l’homme Al Haq.

«En ciblant les organisations de la société civile palestinienne, Israël démantèle le coeur du tissu social palestinien», a condamné l’ONG dans un communiqué, rappelant que ces raids constituent une violation du droit international. «Ce ne sont pas les Israéliens ou l’une de leurs décisions qui nous ont établis ici et nous allons continuer notre travail», a réagi, quelques heures plus tard, le directeur d’Al-Haq, Shawan Jabarin.

Ces perquisitions marquent une nouvelle étape dans l’offensive lancée par Israël contre des organisations de la société civile palestinienne en octobre 2021. Le ministre de la défense israélien, Benny Gantz, avait signé à l’époque un ordre désignant six des sept ONG perquisitionnées jeudi comme des «organisations terroristes». Il les accuse d’être liées au Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), un mouvement de résistance palestinien, qualifié de «?terroriste?» par Israël et l’Union européenne (UE). En juillet, neuf de ses membres, dont la France, avaient rejeté ces accusations, affirmant vouloir continuer à travailler avec ces organisations.

Pas assez de preuves

Al-Haq utilise le droit international pour combattre l’occupation militaire et les violences des colons, et alimente les plaintes palestiniennes auprès du Tribunal pénal international; Addameer défend les droits des prisonniers; l’Union des comités du travail agricole épaule les agriculteurs; Defense for Children International – Palestine se focalise sur les mineurs. Sont concernés également le centre de recherche et de développement Bisan ou encore l’Union des comités des femmes. Dans tous les cas, Israël cible des ONG à l’influence considérable. Le travail de ces piliers de la société civile palestinienne est reconnu par les organisations de défense des droits humains côté israélien – qui ont, pour beaucoup, exprimé leur soutien jeudi, et sur la scène internationale. Elles incarnent des voix politiques, qui défient l’occupation israélienne plus efficacement que l’Autorité palestinienne, en bout de course et impopulaire.

Israël, en campagne électorale avant les législatives en novembre, a souvent tenté de discréditer ces ONG via différents groupes de pression. Cinq des organisations avaient fait appel de la décision israélienne. Il a été rejeté par le haut commandement militaire israélien le 17 août, peu avant les perquisitions. Le ministre de la défense a à nouveau accusé ces structures «d’opérer, sous le prétexte de mener des activités humanitaires, pour faire avancer les objectifs de l’organisation terroriste FPLP». La septième organisation perquisitionnée jeudi, l’Union des comités de travail de santé, avait été déclarée illégale en Cisjordanie dès janvier 2020.

Une quinzaine de représentants de chancelleries étrangères sont venus exprimer leur soutien aux organisations, à Ramallah, jeudi. Les Etats-Unis, «préoccupés», ont pour la première fois laissé entendre qu’Israël n’avait pas avancé assez de preuves pour étayer ses accusations. «Les déclarations ne suffisent pas», a dénoncé l’ONG Addameer, pour qui l’impunité dont a joui Israël après la décision d’octobre «a encouragé voire provoqué» les perquisitions. «Si l’UE et les Etats membres ne disent pas clairement à Israël que son attaque contre les organisations palestiniennes va gravement porter atteinte à la relation diplomatique, à l’instar de ce qu’ils font lorsque d’autres dictatures prennent pour cible des défenseurs des droits de l’homme (…), il y a un vrai risque qu’il n’y ait plus de mouvement de défense des droits de l’homme en Palestine dans quelques mois», a prévenu Michael Sfard, avocat israélien d’Al-Haq.