Le consentement à l’écrasement de Gaza a créé « une immense béance dans l’ordre moral du monde (…) C’est le soutien à sa destruction que retiendra l’histoire ». Ces premières lignes très fortes du dernier livre de Didier Fassin « Le consentement à l’écrasement de Gaza, une étrange défaite », publié aux éditions La Découverte, donne la mesure de la tâche qu’il s’est fixée à travers ce livre : collecter pour mémoire toutes les séquences qui, depuis les attaques du 7 octobre, ont signé « la faillite morale de la plupart des gouvernements occidentaux ». Elles donnent aussi le ton de cet entretien que le médecin, anthropologue, professeur à Princeton et au Collège de France – dont le parcours et l’œuvre s’articulent autour de la question fondamentale de « l’inégalité des vies » – accorde à Soumaya Benaissa.
Vidéo de l’entretien :
« Une étrange défaite. Sur le consentement à l’écrasement de Gaza » par Didier Fassin
Cet acquiescement à la dévastation de Gaza et au massacre de sa population par l’État d’Israël, à quoi s’ajoute la persécution des habitants de Cisjordanie, a suscité l’indignation de celles et ceux qui, tout en condamnant les actes sanglants ayant déclenché l’offensive, rappelaient les décennies de spoliation, de violence et d’humiliation qui les avait précédés et refusaient la poursuite de l’écrasement d’un peuple et de l’effacement de sa mémoire. Mais on les a stigmatisés et réprimés. Une police de la pensée s’est imposée. Le détournement des mots et l’inversion des valeurs ont mis à l’épreuve l’intelligence politique et le discernement moral. Ce livre de Didier Fassin propose une archive et une analyse de cette abdication historique.