Deux personnalités juives de ‘l’establishment’ (Harvard et Microsoft) appuient le boycott d’Israël et « l’État unique » dans le Washington Post

Nous avons annoncé depuis longtemps que les sionistes libéraux commenceraient à faire connaître leur appui au boycott parce qu’il n’y a pas d’autre voie pacifique pour mettre fin au conflit….

Nous avons annoncé depuis longtemps que les sionistes libéraux commenceraient à faire connaître leur appui au boycott parce qu’il n’y a pas d’autre voie pacifique pour mettre fin au conflit ; et ils abandonneront même le sionisme au nom d’une transition pacifique à la démocratie. C’est ce qu’on peut voir dans le Washington Post: la semaine suivant celle où Lawrence Summers a essayé de tenir dans la communauté juive de New York un discours mal avisé contre le boycott et après que J.K. Rowling ait exprimé le souhait d’écarter le boycott en Angleterre, deux jeunes universitaires juifs assez réputés, Steven Levitsky et Glen Weyl, ont dit qu’ils étaient pour le boycott parce qu’ils veulent sauver Israël de lui-même. Et que ce nouvel Israël pourrait être un « État unique » accordant la pleine citoyenneté aux Palestiniens.

L’article a pour titre : « Sionistes de toujours, voici pourquoi nous avons choisi de boycotter Israël ». Remarquez que Weyl et Levitsky appuient le boycott parce qu’ils « aiment » Israël et qu’ils ne mentionnent pas le mouvement d’avant-garde Boycott, Désinvestissement, Sanctions à direction palestinienne, ni le Droit au Retour, qui sont des composantes centrales du mouvement BDS. Je ne crois pas que les militants de la solidarité avec la Palestine suivront cet élan qui ignore largement leur lutte ; mais pour quiconque veut transformer le discours américain et libérer la communauté juive de son aveuglement, il est bienvenu.

Ouvrez les vannes. Ces hommes ont un certain prestige. Levitsky est un professeur de 47 ans d’Harvard et Weyl est un chercheur senior de 30 ans chez Microsoft, même s’il ne se présente pas sous cette identité dans l’article, disant simplement qu’il est assistant en économie à l’université de Chicago. Pas très simple pour Microsoft.

Les deux intellectuels ne nient pas l’évolution à droite de la société israélienne ni l’occupation sans fin. Ils en parlent franchement. L’occupation est désormais permanente. Le boycott des colonies est insuffisant. Extraits :

“Comme dans les cas de la Rhodésie et de l’Afrique du Sud, l’asservissement permanent des Palestiniens isolera inévitablement Israël des démocraties occidentales…

Nous sommes à un moment critique. Le développement des colonies et l’évolution démographique vont rapidement dépasser la capacité d’Israël à changer la donne. Pendant des années, nous avons soutenu les gouvernements israéliens – y compris ceux avec lesquels nous avions de profonds désaccords – en croyant qu’un Israël en sécurité agirait dans le sens de la défense de ses intérêts à long terme. Cette stratégie a échoué. Ceux qui soutiennent Israël sont, de façon tragique, devenus ses facilitateurs. Aujourd’hui il n’y a pas de perspective réaliste qu’Israël fasse les choix difficiles qui seraient nécessaires à sa survie en tant qu’État démocratique, en l’absence de pression extérieure.

Pour les soutiens d’Israël tels que nous, toute forme viable de pression est douloureuse. Les seuls moyens qui pourraient vraisemblablement façonner le calcul stratégique d’Israël sont un abandon de l’aide et du soutien diplomatique des USA, ainsi que des boycotts et des désinvestissements de l’économie israélienne. Boycotter les seuls biens produits dans les colonies n’aurait pas un impact suffisant pour pousser les Israéliens à repenser le statu quo.

C’est par conséquent à regret, mais résolument, que nous refusons de voyager en Israël, que nous boycottons ce qui y est produit, que nous appelons nos universités à désinvestir et nos représentants élus à retirer leur aide à Israël. Jusqu’à ce qu’Israël s’engage sérieusement dans un processus de paix qui, soit établisse un État palestinien souverain, soit accorde une pleine citoyenneté démocratique aux Palestiniens, dans le cadre d’un État unique, nous ne pouvons pas continuer à subventionner des gouvernements dont les actions menacent la survie d’Israël dans le long-terme.

Israël n’est certes pas le pire violateur mondial des droits humains. N’est-ce pas faire deux poids-deux mesures que de boycotter Israël mais non d’autres Etats coupables de violation des droits? Si, en effet. Nous aimons Israël, et nous sommes profondément inquiets pour sa survie. Nous ne nous sentons pas autant impliqués dans le sort d’autres Etats.

Contrairement à d’autres Etats isolés tels la Corée du Nord et la Syrie, Israël pourrait être affecté significativement par un boycott. Le gouvernement israélien ne pourrait pas maintenir sa course folle sans le soutien massif des USA, sans investissement, sans commerce ni soutien moral et diplomatique.

Nous reconnaissons que certains soutiens du boycott sont guidés par l’opposition à (et même la haine de) Israël. Notre motivation est précisément à l’opposé : amour d’Israël et désir de le sauver.

Révolté par le fanatisme ethno-religieux des Afrikaners en Afrique du Sud, le fondateur du sionisme Theodore Herzl écrivit, « Nous ne voulons pas d’un État Boer, mais d’une Venise. » Les sionistes américains doivent agir pour faire pression sur Israël pour qu’il préserve la vision de Herzl – et pour qu’il se sauve lui-même.”

Je suppose que la profession de foi sioniste et d’amour d’Israël est purement tactique. Je ne peux imaginer qu’il soit jamais venu à l’esprit de ces types qu’ils pourraient avoir besoin d’un État juif quand ça chauffera trop aux États Unis. Weyl est le contraire d’un tribaliste.

C’est sûr que ce texte démontre une fois de plus la suprématie des Juifs dans le discours américain sur Israël/Palestine. Tout comme Chuck Schumer, Debbie Wasserman Schultz et Ron Wyden ont été gratifiés par la presse du statut de grand électeur pendant les discussions sur l’accord avec l’Iran (sans doute à cause du souci dominant de l’occident pour la sécurité des Juifs après l’Holocauste, un souci qu’Israël a manipulé avec grand soin), ces deux intellectuels juifs auront beaucoup plus de poids dans la presse américaine que le mouvement de solidarité à direction palestinienne. C’est malheureux et c’est raciste. Est-ce qu’on aurait pris les actions de Blancs contre Jim Crow plus au sérieux que celles des Noirs qui risquaient bien davantage dans cette lutte ? Non. Mais les Juifs comptent. Dans le discours américains, nous sommes les grands libéraux et nous avons une place démesurée dans l’establishment. Il y a des années que Yousef Munayyer a argumenté contre le boycott des seuls produits des colonies, de façon bien plus éloquente que ces types, mais il n’est qu’un Palestinien qui ne peut pas vivre en Israël, là où il est né, parce que sa femme est une Palestinienne de Cisjordanie.

Mais je ne suis pas responsable des règles et ce sont là les règles. Il est vital que la communauté juive soit libérée afin que l’establishment américain puisse bouger. C’est pourquoi cet article est très important. Il va donner la possibilité à pas mal de non-Juifs de l’élite de soutenir le boycott. Et d’autres juifs de l’establishment qui réfléchissent et qui connaissent les faits devraient suivre – Paix Maintenant, Peter Beinart et David Remnick. Il faut que Terry Gross les interviewe sur NPR.