Des universitaires juifs israéliens, actifs en Israël et dans le reste du monde, écrivent à Patrick Cramer, président de la société Max Planck, pour soutenir le professeur Ghassan Hage et protester contre les accusations portées contre lui.
12.02.2024
Prof. Dr. Patrick Cramer
Président de la Société Max Planck
Vieille Ville, 80539
Munich, Allemagne
Chers collègues,
Nous vous écrivons en tant qu’universitaires juifs israéliens, actifs en Israël et dans le reste du monde, pour soutenir le professeur Ghassan Hage et protester contre les accusations portées contre lui. Le professeur Hage apporte une contribution exceptionnelle au domaine de l’anthropologie, et il a exercé sur nous tous une grande influence professionnelle. Son analyse critique de l’ethno-nationalisme – qu’il soit australien, israélien ou palestinien – et sa vision d’une alterpolitique pour Israël/Palestine invoquent l’une et l’autre une alternative aux structures politiques nationalistes et la possibilité d’un « vivre ensemble » égalitaire entre Juifs, chrétiens, musulmans, et autres. L’importance de cette vision morale et intellectuelle pour les anthropologistes en Israël est manifeste dans l’invitation faite au professeur Hage de prononcer un discours liminaire devant l’Association anthropologique israélienne (IAA) en 2016. Bien qu’il ait refusé l’invitation, la correspondance publiée entre le professeur Hage and le professeur Nir Avieli, qui présidait alors l’IAA, démontre sa sensibilité à la complexité de la situation politique dans notre pays. Sa position est politique et critique, mais elle n’est pas antisémite. Accuser le professeur Hage d’antisémitisme est malveillant et révèle une absence de bonne foi.
En tant que Juifs, certains d’entre nous étant les descendants de victimes de l’Holocauste nazi, et certains, d’une manière plus générale, menant des recherches sur l’Holocauste et la violence raciste, nous tirons parti de cette occasion pour exprimer l’inquiétude que nous ressentons face à l’amalgame entre critique d’Israël et antisémitisme, qui met en danger la vie des Juifs en diaspora, et en particulier en Allemagne.
Il est bien connu que le professeur Hage est favorable au boycott des institutions universitaires israéliennes dans le cadre du mouvement BDS. Même si nombre d’entre nous désapprouvent les méthodes de ce mouvement, nous reconnaissons que ses lignes directrices ne prescrivent pas la discrimination contre les individus juifs ou israéliens, et nous pouvons affirmer que le professeur Hage ne pratique aucune discrimination de cet ordre. Plusieurs universitaires juifs israéliens ont eu le privilège de le consulter et de débattre avec lui et ont toujours été accueillis avec respect, gentillesse, et une attitude professionnelle. Dans cette âpre période que traverse notre monde, où règne la polarisation, une profonde méfiance, la radicalisation nationaliste et la persécution des voix dissidentes, nous vous demandons instamment de ne pas réduire brutalement au silence les voix critiques, et de défendre les valeurs universitaires d’évaluation impartiale et de traitement équitable.
Sincères salutations,
La liste des signataires est disponible dans le pdf ci-dessous.
* Une copie de cette lettre a été envoyée à la Dr. Ursula Rao, au Dr. Biao Xiang et à la Dr. Marie-Claire Foblets.