Des témoins décrivent « l’horreur » après les tirs des forces israéliennes sur des Palestiniens qui attendaient des camions d’aide.

Au moins 51 personnes ont été tuées et des centaines d’autres blessées à Khan Younis alors qu’elles cherchaient à s’approvisionner en nourriture, selon le ministère de la santé de Gaza

Des témoins ont décrit des scènes dignes d’un « film d’horreur » à Gaza après que les forces israéliennes ont tiré sur une foule qui attendait des camions chargés de farine près de Khan Younis, au cours de l’une des journées les plus sanglantes depuis des semaines dans le territoire dévasté.

Au moins 51 Palestiniens auraient été tués et des centaines d’autres blessés dans la ville du sud. Les personnes présentes sur les lieux et les médecins ont indiqué avoir vu des blessés et des morts présentant des blessures typiques de celles causées par des tirs d’artillerie ou de chars d’assaut. Une vidéo non vérifiée diffusée sur les réseaux sociaux montre une douzaine de corps mutilés gisant dans une rue.

De nombreux autres incidents violents impliquant des foules de Palestiniens désespérés essayant d’obtenir de la nourriture ont été signalés mardi. Huit Palestiniens auraient trouvé la mort dans une fusillade près d’un site de distribution d’aide dans la ville de Rafah, et plusieurs autres auraient été blessés ou tués dans un troisième incident survenu entre Rafah et Khan Younis.

L’armée israélienne a reconnu avoir tiré dans la zone de la foule à Khan Younis et a déclaré qu’elle examinait l’incident.

Musab Barbakh, 22 ans, a expliqué qu’il était arrivé au carrefour d’al-Tahlia à minuit. « J’étais assis avec un groupe de jeunes hommes vers 8h30 quand soudain un obus est tombé juste au milieu de nous. Je ne sais pas comment j’ai pu m’en sortir sans être blessé. Alors que je m’enfuyais, un autre obus a touché un autre groupe de personnes. Puis un missile a été tiré, suivi de coups de feu aléatoires », a-t-il déclaré.

« Le sol était rempli de martyrs, de blessés et de mares de sang. Les voitures explosaient, les corps des martyrs étaient déchiquetés – où que l’on regarde, on voyait des scènes de morceaux de corps, de sang et de cadavres. J’avais l’impression de vivre un film d’horreur. »

Abdullah Anshasi, 30 ans, du quartier al-Amal à Khan Younis, a déclaré qu’il attendait lui aussi l’arrivée de l’aide lorsque « les explosions ont commencé et les éclats d’obus ont plu autour de nous ».

« De nombreuses personnes ont été tuées. Nous avons vu plusieurs obus d’artillerie tomber autour de nous », a-t-il déclaré. « Ce que nous avons vu était horrible : des corps humains volaient dans les airs, des centaines de blessés gisaient sur le sol. Nous avons survécu par miracle. »

Le Dr Mohammed Saqer, chef du service des soins infirmiers du complexe médical Nasser à Khan Younis, a déclaré que 51 morts et 250 blessés – dont 20 dans un état critique – avaient été amenés à l’hôpital.

« Les blessés ont été transportés jusqu’à nous […] sur des charrettes tirées par des ânes, avec de nombreux blessés empilés les uns sur les autres. Dans certains cas, il y avait jusqu’à 20 blessés empilés les uns sur les autres », a déclaré M. Saqer.

« La plupart des blessures se situent dans la partie supérieure du corps – les membres, la poitrine, le cœur et la tête. De nombreuses victimes sont arrivées démembrées, avec des amputations et d’autres blessures graves. D’après nos enquêtes auprès des témoins oculaires et des personnes accompagnant les blessés, l’attaque semble avoir été menée à l’aide d’obus d’artillerie, suivis de tirs à balle réelle de la part des soldats ».

Un second médecin du complexe médical Nasser a déclaré que la morgue de l’hôpital était complètement pleine et que les corps étaient placés à l’extérieur du bâtiment. « Des milliers de personnes – parents et blessés – ont envahi l’hôpital à la recherche de leurs proches. Des blessés gisent dans les cours de l’hôpital. Le service des urgences est complètement paralysé », a-il déclaré.

L’IDF (Israeli Defence Forces) a déclaré qu’elle avait connaissance de rapports faisant état de victimes « du fait des tirs de l’IDF ».

« Les détails de l’incident sont en cours d’examen. L’IDF regrette tout préjudice causé à des personnes non impliquées et s’efforce de minimiser autant que possible les dommages qu’elles pourraient subir tout en maintenant la sécurité de nos troupes », indique le communiqué.

L’IDF a déclaré qu’une foule avait été identifiée à proximité d’un camion de distribution d’aide qui était resté bloqué dans la région de Khan Younis, et à proximité des troupes de l’IDF opérant dans la région.

L’identité exacte des camions attendus à la jonction d’al-Tahlia n’a pas été précisée dans l’immédiat. Les agences des Nations Unies, les opérateurs commerciaux et d’autres ont tous acheminé des quantités limitées d’aide dans la bande de Gaza au cours des dernières semaines.

Anas Barbakh, 21 ans, a déclaré qu’il s’était rendu à al-Tahlia après avoir entendu que des camions chargés de farine atteignaient le carrefour depuis deux jours.

« Il y a eu tellement de morts et de blessés que nous ne pouvions même pas dire qui était mort, qui était blessé ou qui était encore en vie. Mon frère et mon cousin Musab ont été blessés, l’un à la tête et l’autre à la poitrine. Nous les avons transportés à l’hôpital sur des charrettes tirées par des chevaux », a-t-il déclaré au Guardian.

En mars et avril, Israël a imposé un blocus strict sur toutes les fournitures entrant dans la bande de Gaza, menaçant d’un « risque critique de famine » une grande partie des 2,3 millions de personnes qui y vivent. Les denrées alimentaires sont devenues extrêmement rares, faisant grimper en flèche les prix des produits de base.

« Malgré le danger, nous sommes obligés d’aller [chercher de l’aide]. Personne ne peut se permettre d’acheter un sac de farine à 400 dollars… J’ai une famille de 10 personnes à nourrir », a déclaré Barbakh.

Depuis la levée partielle du blocus le mois dernier, les Nations Unies tentent d’acheminer de l’aide, mais se heurtent à des obstacles majeurs : routes défoncées, restrictions militaires israéliennes, frappes aériennes incessantes et anarchie croissante.

Les responsables de l’aide humanitaire ont déclaré qu’entre 20 et 30 camions de l’ONU étaient entrés à Gaza par le principal point de contrôle de Kerem Shalom ces derniers jours, mais qu’ils avaient tous été pillés. « Il n’y a pas d’ordre public. Certains actes sont criminels et organisés, mais la plupart du temps, il s’agit simplement de personnes désespérées qui tentent d’obtenir de la nourriture », a déclaré un haut fonctionnaire de l’ONU au Guardian.

Les Palestiniens affirment que les forces israéliennes ont ouvert le feu à plusieurs reprises sur des foules qui tentaient d’atteindre les points de distribution de nourriture gérés par la Fondation humanitaire de Gaza (GHF), une organisation privée qui a récemment commencé à opérer à Gaza avec le soutien d’Israël et des États-Unis.

Le deuxième incident signalé lundi concernait des Palestiniens qui cherchaient à accéder à un centre d’aide à Rafah. Les détails du troisième incident n’étaient pas clairs, bien que des témoins aient fait état de nombreux blessés. L’IDF et la GHF n’ont pas fait de commentaire dans l’immédiat.

Lundi, au moins 37 Palestiniens ont été tués alors qu’ils tentaient d’atteindre un site de la GHF, selon les autorités locales. L’IDF a contesté ce bilan, affirmant qu’il ne correspondait pas à leurs informations. Des témoins ont attribué cette fusillade aux troupes israéliennes qui ont ouvert le feu tôt dans la matinée alors que des foules de Palestiniens affamés convergeaient vers deux centres gérés par la GHF.

Israël espère que la GHF remplacera l’ancien système global de distribution de l’aide géré par les Nations Unies, qui, selon les responsables israéliens, permettait au Hamas de voler et de vendre l’aide. Les agences de l’ONU et les principaux groupes d’aide, qui ont distribué de l’aide humanitaire dans la bande de Gaza depuis le début de la guerre, ont rejeté le nouveau système, le jugeant impraticable, inadéquat et contraire à l’éthique. Ils nient l’existence d’un vol généralisé de l’aide par le Hamas.

Les dispositions prises par la GHF jusqu’à présent sont tout à fait insuffisantes, ont déclaré les responsables humanitaires présents dans le territoire dévasté.

Selon le ministère de la santé de Gaza, la campagne militaire menée par Israël depuis octobre 2023 a tué plus de 55 500 Palestiniens, dont plus de la moitié sont des femmes et des enfants. Ce décompte ne fait pas de distinction entre les civils et les combattants.

Israël a lancé sa campagne visant à détruire le Hamas après l’attaque du 7 octobre 2023 contre le sud d’Israël, au cours de laquelle les militants ont tué environ 1 200 personnes, pour la plupart des civils, et pris 251 autres personnes en otage. Les militants détiennent encore 53 otages, dont moins de la moitié sont encore en vie, après que la plupart des autres ont été libérés dans le cadre d’accords de cessez-le-feu ou d’autres accords.

Associated Press a contribué au reportage