Après avoir participé à des sit-in pro-palestiniens, Andrew Ross et Sonya Posmentier ont été déclarés « personae non gratae ».
Deux professeurs déclarés « personae non gratae » ou PNG, par l’université de New York [New York University, NYU] ont accusé l’université d’augmenter sa répression des discours pro-palestiniens sous la pression de donateurs, de politiciens et de groupes pro-Israël.
NYU a interdit à deux enseignants titulaires, Andrew Ross et Sonya Posmentier, l’entrée de certains bâtiments, après qu’ils ont participé à un sit-in à la bibliothèque et à d’autres manifestations pendant deux jours la semaine dernière, afin de demander à l’université de rendre publics ses investissements dans des compagnies liées à Israël et de fermer son campus à Tel Aviv. Le deuxième jour, ils ont été arrêtés et accusés d’intrusion et de trouble à l’ordre public, deux délits relativement mineurs qui n’entraînent pas de mention dans un casier judiciaire.
L’université a aussi imposé des ordonnances de PNG aux étudiants et étudiantes qui ont pris part à la manifestation ainsi qu’à des membres non titulaires du personnel enseignant comme Chenjerai Kumanyika, un assistant en journalisme. Kumanyika a dit sur Bluesky que NYU n’avait donné aucune information sur la durée de cette désignation ou sur la manière dont il pourrait faire appel.
L’Association américaine des professeurs d’université a décrit les ordonnances de PNG comme équivalentes à une suspension et comme « faisant partie d’un schéma inquiétant de répression du discours pro-palestinien sur les campus universitaires. »
Ross, un professeur de sociologie, a dit que de très nombreux étudiants et étudiantes de NYU avaient été déclarés PNG et avaient l’interdiction d’accéder aux bâtiments de l’université pour avoir participé à des manifestations pro-palestiniennes dans les derniers mois mais que ceci était la première fois qu’un membre du personnel enseignant avait été sanctionné.
« C’est un nouveau développement inquiétant. J’ai enseigné à NYU pendant plus de 30 ans. J’étais à Princeton pendant huit ans avant cela. J’ai pas mal d’expérience et je n’ai jamais rien vu qui soit proche de la répression de cette dernière année. Elle est complètement sans précédent, et cela a lieu uniquement à propos de la Palestine », a-t-il dit.
Posmentier, maîtresse de conférences en littérature, a décrit la mesure contre elle comme faisant partie de l’« exception Palestine » à NYU et sur d’autres campus américains, qui vise à supprimer toute critique d’Israël tout en prétendant soutenir la libre expression.
« Les étudiants ont organisé un énorme die-in à propos de Black Lives Matter [le mouvement « Les vies noires comptent »] en 2015, occupant tout le sol de la bibliothèque. C’était incroyablement puissant. Je ne pense pas que l’administration était très heureuse à ce propos. Je ne vais pas dire qu’il n’y avait pas de résistance, mais, autant que je me souvienne, il n’y a eu aucune conséquence disciplinaire pour quiconque impliqué », a-t-elle dit.
NYU a accusé les manifestants de la semaine dernière de perturber les étudiants et étudiantes travaillant pour leurs examens dans la bibliothèque, en chantant, en bloquant l’entrée et en faisant « de violentes menaces ».
« Ce n’était pas une manifestation pacifique. C’était une perturbation intentionnelle d’un bâtiment académique central, notre bibliothèque », a dit le porte-parole de l’université, John Beckman.
Ross a accusé NYU d’agir sous pression pour réprimer les manifestations pro-palestiniennes sur les campus dans tous les États-Unis.
« Les administrations des universités sont très sensibles à la pression extérieure des donateurs et du Congrès, et le Congrès a été particulièrement agressif dans ses menaces de contrôler et de punir les campus. Des donateurs ont été très explicites sur leur capacité et leur volonté de couper leurs dons aux universités, et il y a des groupes de pression pro-Israël très bien organisés qui bombardent les administrateurs de menaces et d’actions en justice », a-t-il dit.
Ross, membre du personnel enseignant de NYU et de Staff for Justice in Palestine [Personnel de NUY pour la justice en Palestine], a qualifié de « scandaleuse » la décision de l’université de demander à la police de New York de les arrêter, mais il a dit que cela reflétait comment la direction de NYU abandonne sa responsabilité dans la protection de la libre expression au profit d’une utilisation du bureau de la sécurité du campus pour entraver les manifestations.
Après les arrestations, la présidente de l’université, Linda Mills, a envoyé un message aux étudiants et étudiantes disant qu’« accepter l’assistance de la police » avait été nécessaire pour protéger l’accès à la bibliothèque.
L’an dernier, Mills a appelé la police de New York pour évacuer deux campements en soutien aux Palestiniens qui subissent les attaques de la guerre d’Israël à Gaza après l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023, au cours de laquelle environ 1200 Israéliens et Israéliennes ont été tués et des centaines d’autres enlevés. En représailles pour cette action, Israël a tué plus de 45000 Palestiniens à Gaza, une majorité d’entre eux étant des civils. La Cour pénale internationale a accusé le Premier ministre d’Israël Benjamin Netanyahou, et son ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant, de crimes de guerre, ainsi que le dirigeant militaire du Hamas, Mohammed Deif, dont Israël affirme qu’il est maintenant mort.
L’université a déposé plus de 180 plaintes disciplinaires contre des étudiants et membres du corps enseignant à propos de manifestations pour Gaza depuis le début de la guerre. NYU a aussi suspendu plusieurs étudiants pour des actions à l’intérieur des bâtiments de l’université.
En août, NYU a publié un « guide » avertissant que l’emploi péjoratif du mot « sioniste » pourrait être considéré comme discriminatoire dans certaines circonstances parce qu’il fait partie de l’identité de beaucoup de juifs.
« Exclure des sionistes d’un événement ouvert, appeler à la mort des sionistes, appliquer un test discriminant de « non sionisme » pour une participation à n’importe quelle activité de NYU, n’est pas permis », disait l’université.
Posmentier a dit que le guide avait eu un « effet réfrigérant » à l’intérieur et à l’extérieur des cours.
« Je connais des gens qui n’ont pas enseigné des choses qu’ils avaient prévu d’enseigner, particulièrement parmi les collègues les plus vulnérables qui ne sont pas titularisés », a-t-elle dit.