Des images satellite révèlent la destruction semée par les FDI dans les camps de réfugiés de Cisjordanie

Depuis le début de l’opération israélienne il y a plus de deux mois, des centaines de maisons ont été endommagées ou détruites dans les camps de réfugiés de Jénine, de Nur al-Shams et de Tulkarm. L’objectif : « liberté de mouvement » pour les soldats.

Jenin refugee camp, before and after the IDF operation in the West Bank, 2024-2025.
Le camp de réfugiés de Jénine, avant et après l’opération des FDI en Cisjordanie, 2024-2025. Crédit: Planet Labs PBC

Des images satellite des camps de réfugiés de Jénine, de Nur al-Shams et de Tulkarm, publiées lundi, révèlent l’extension de la destruction résultant des opérations des deux derniers mois des Forces de défense d’Israël (FDI) en Cisjordanie.

Les images montrent que le camp de Jénine a souffert le pire dommage physique des trois. Dans les trois camps, la destruction a créé de larges voies à travers les camps, ce qui s’accorde avec la stratégie déclarée des FDI de faciliter les mouvements des véhicules militaires.

Comme les images sont exclusivement prises du ciel, elles ne réussissent pas à montrer la pleine extension de la destruction semée par les forces armées sur le terrain. À de nombreuses occasions, les façades des maisons ont été arrachées, ce qui ne peut être capté dans des images aériennes.

Selon des estimations par la municipalité de Jénine et l’UNRWA, près de 600 maisons dans le camp ont été rendues inhabitables ou ont été entièrement détruites depuis le début de l’opération, ce qui revient à environ un tiers des logements du camp.

La destruction de 23 bâtiments à Jénine, dans une vidéo publiée par l’unité des porte-parole des FDI au début de février. Plus tard, le nombre s’est élevé à 25.

L’UNRWA estime qu’environ 150 maisons ont été rendues inhabitables dans chacun des camps de réfugiés de Nur al-Shams et Tulkarm. Cependant, l’organisation dit qu’il est difficile de faire des estimations précises parce qu’elle n’a pas accès aux camps.

Roland Friedrich, le directeur de l’UNRWA pour la Cisjordanie, a parlé à Haaretz de la situation dans les camps. Selon lui, il est difficile d’évaluer pleinement cette situation parce que les résidents qui ont essayé de retourner dans leurs maisons ont été repoussés par l’armée, qui a menacé de tirer sur eux. Friedrich a indiqué que dans l’état actuel des choses, personne ne peut revenir.

Les images – faites par Planet Labs – montrent le changement dans les camps de réfugiés au cours des derniers mois. Elles montrent le camp de Jénine tel qu’il était le 15 novembre 2024, en comparaison avec le 27 mars 2025, ainsi que les camps de Nur al-Shmas et Tulkarm le 14 octobre 2024 et à nouveau le 11 mars 2025.

Il y a eu deux bataillons des FDI dans les camps, dont l’armée dit qu’ils sont utilisés comme bases pour conduire des raids sur les villages voisins, ainsi que pour travailler à « remodeler »  eux-mêmes.

Selon Friedrich, l’UNRWA estime qu’approximativement 42000 Palestiniens ont été déplacés à cause des opérations militaires au nord de la Cisjordanie. Ce chiffre inclut non seulement les résidents des camps, mais aussi des individus vivant dans des quartiers proches qui ont été forcés à partir dans les dernières semaines.

Nur al-Shams refugee camp, before and after the IDF operation in the West Bank, 2024-2025.
Le camp de réfugiés de Nur al-Shams, avant et après l’opération des FDI en Cisjordanie, 2024-2025. Crédit : Planet Labs PBC

La municipalité de Jénine dit que l’armée a endommagé l’infrastructure du camp, en plus des bâtiments. « Il n’y a plus aucune infrastructure du tout », a dit le maire de Jénine Mohammed Jarrar à Haaretz. « Il y a des quartiers dans le centre de la ville que l’armée a détruits, certains dans la partie orientale de la ville, pas près du camp, et d’autres adjacents au camp ».

Jarrar a dit que le rapport préliminaire préparé par la municipalité estime le dommage direct de l’opération militaire à 300 millions de dollars. Il a ajouté que la municipalité ne peut couvrir cette somme et espère que l’aide internationale arrivera.

L’opération militaire dans le camp de Jénine poursuit une opération menée par l’Autorité palestinienne en décembre, opération qui a conduit une partie de la population du camp à l’évacuer avant que l’armée israélienne n’arrive.

À la fin du mois dernier,  les FDI ont annoncé qu’elles démoliraient 95 maisons supplémentaires à Jénine et environ 85 autres dans le camp al-Ain près de Naplouse. Un groupe de résidents du camp de Jénine, ainsi que la municipalité de Jénine, a alors soumis une requête de la Cour suprême de justice d’Israël contre l’opération. L’une des résidents était une femme nommée Latifeh Stiti, âgée de 64 ans, qui vit seule dans un appartement du camp.

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Elle a déposé sa demande par l’intermédiaire de l’avocat Reut Shaer de l’Association pour les droits civiques en Israël. Selon la demande, Stiti a été forcée en janvier dernier de quitter sa maison sans aucun bien. Elle loue actuellement un appartement de quatre pièces à Jénine avec 10 autres personnes, y compris son frère et sa famille, dont la maison a été détruite. Le 19 mars, elle a appris par l’intermédiaire d’un groupe WhatsApp que les FDI avaient l’intention de démolir des maisons dans le camp sans avertissement ni notice.

Stiti a découvert que sa maison était l’une de celles prévues pour la démolition après avoir trouvé une ordonnance attachée à une photographie aérienne des maisons désignées pour la démolition. Selon l’ordonnance, elle avait 24 heures pour évacuer sa propriété ou faire appel à la décision.

Dans la requête à la Cour suprême qu’elle a déposée, Stitu a affirmé que les FDI n’agissaient pas pour des besoins opérationnels urgents. Elle a dit qu’elle et les autres résidents qui devaient être déracinés n’avaient jamais été accusés d’implication dans le terrorisme. Elle a affirmé que la décision était arbitraire, disproportionnée et contraire au droit international.

La Cour suprême a rejeté la demande, disant qu’elle n’était pas en position d’intervenir dans une décision militaire urgente nécessaire pour garantir la « liberté d’action » des FDI. Il était aussi noté que le déplacement des résidents était entrepris pour permettre à des véhicules militaires de se déplacer d’une manière qui éliminerait la nécessité pour les soldats de marcher sur de longues et dangereuses distances.

Tulkarem refugee camp, on the October 14, 2024, and the March 11, 2025.
Le camp de réfugiés de Tulkarem, le 14 octobre 2024 et le 11 mars 2025. Crédit : Planet Labs PBC