L’armée israélienne a dit avoir fait partir les colons, mais ils ont déplacé leur avant-poste plus loin dans le village. Harcèlement, vol et menaces ont continué, culminant dans l’un des déplacements forcés les plus importants en Cisjordanie depuis le début de la guerre à Gaza.
Des centaines d’habitants du village bédouin de Mu’arrajat, près de Jéricho en Cisjordanie, ont été chassés de leurs maisons vendredi lors de l’une des plus grandes expulsions dans le territoire depuis le début de la guerre à Gaza. Le déplacement est la conséquence de l’installation mercredi d’un avant-poste de colons israéliens à l’intérieur du village.
Selon des résidents locaux, la communauté avait été soumis au harcèlement, à la violence et aux vols des colons depuis des années. La décision finale de partir est arrivée jeudi pendant la nuit, après que des colons ont vandalisé la maison d’une famille et volé environ 60 moutons.
Les habitants du village ont dit qu’environ 50 familles vivaient là autrefois, mais que beaucoup étaient parties petit à petit dans les deux dernières années parce que la violence des colons s’est intensifiée.
L’armée israélienne a dit avoir fait partir les colons qui ont installé un avant-poste illégal au début de cette semaine. Cependant, jeudi, les colons ont déplacé l’avant-poste — qui inclut une sorte de zone de fortune pour s’asseoir et des enclos pour le bétail — plus près de l’école du village, après avoir expulsé la famille palestinienne qui vivait dans la maison la plus proche.

Selon les habitants palestiniens, un groupe de colons est arrivé dans la nuit de jeudi et leur a dit qu’ils avaient 48 heures pour partir. Vendredi matin, alors que les villageois empaquetaient leurs biens, des soldats israéliens sont arrivés dans une jeep militaire, ont parlé avec les colons et n’ont rien fait quand les colons ont perturbé les efforts des Palestiniens en train d’évacuer leurs biens.
« Nos vies ici sont terminées. Les colons sont arrivés jusqu’à nos maisons et nous ont menacés », a expliqué Yosef Malihaat, 35 ans, père de deux enfants. « C’est incroyablement douloureux de quitter cette terre — nous sommes nés ici. Il n’y a plus de lois en Israël aujourd’hui, et c’est pourquoi ils envoient ces gens ici — ce sont des criminels. Tout cela est intentionnel. Je n’ai jamais rien vu de semblable de toute ma vie. »
Il a dit qu’il avait déjà vendu son troupeau il y a plusieurs mois de peur que les colons ne volent son bétail. « C’est dangereux de laisser nos enfants ici. Ils ont détruit nos moyens d’existence et quand nous avons appelé la police, elle n’a rien fait », a-t-il ajouté.
« Je n’ai aucun droit », a-t-il dit. « Si vous avez une carte d’identité bleue, vous avez des droits. J’en ai une verte — cela veut dire aucun droit », a-t-il ajouté. Les cartes bleues sont attribuées aux citoyens israéliens et aux résidents permanents, les cartes vertes aux Palestiniens.
Suleiman et Otan Malihaat, parents de huit enfants, ont fui leur maison il y a deux nuits. Leur maison était la plus proche de l’endroit où les colons ont installé leur avant-poste au début.

« Une vingtaine de colons sont arrivés et ont terrifié les enfants. Ils étaient ivres — pas des mineurs, des adultes », a raconté Otan. Elle a décrit comment elle a saisi ses enfants et a couru vers la maison d’un voisin, où ils ont passé la nuit, incapables de retourner chez eux.
Des militants du groupe israélien anti-occupation Looking the Occupation in the Eye [Regarder l’occupation dans les yeux], qui étaient dans le village cette nuit-là pour aider les habitants, ont dit que quand ils ont essayé de s’approcher de la maison, les colons leur ont jeté des pierres.
Quand la famille est revenue le matin suivant, ils ont découvert que leurs affaires avaient été saccagées. « La maison était un bazar — ils avaient jeté nos vêtements partout, pris nos matelas, nos oreillers, 200 dinars jordaniens et un sac contenant 4000 shekels, des cartes d’identité et des documents importants pour les enfants », a dit Otan.
Une partie de l’argent qui a été volé, a-t-elle ajouté, venait de la vente récente de ses bijoux en or, quand elle a commencé à craindre que la famille serait bientôt obligée de quitter le village pour de bon. Cette peur s’est renforcée quand les attaques des colons, qui incluaient des jets de pierres sur les fenêtres de la maison, se sont intensifiées.
Suleiman Malihaat, qui a perdu une jambe après avoir reçu une balle tirée par des colons il y a cinq ans, vendredi. Crédit: Naama Grynbaum
« Un ami nous a donné une pièce où nous pouvons tous dormir », a dit Suleiman, qui a perdu une jambe il y a cinq ans quand des colons ont tiré sur lui alors qu’il gardait son troupeau. « Ls enfants et moi sommes déprimés. Ils sont épuisés », a ajouté Otan.
Comme d’autres communautés déplacées, ce village bédouin s’est maintenant aussi dispersé, des familles s’éparpillant dans différents endroits où ils pourraient trouver un abri temporaire.

Farhat Malihaat, 30 ans, et sa famille sont allés au village proche d’al-Auja, avec les familles de ses frères Suleiman Ali et Ibrahim.
Il y a deux jours, quand les colons ont établi leur avant-poste, ils ont volé 60 moutons d’un des frères de Farhat. Les familles vivent maintenant sur une terre privée à al-Auja, louée à un habitant local qui a accepté de la leur laisser pour un an.
Lors d’une visite à leur nouveau lieu de résidence, nous avons vu les femmes et les enfants assis sous le soleil, supportant la chaleur accablante. La tente qu’ils avaient dressée pour leur servir d’abri avait déjà été arrachée par le vent. Il n’y a pas d’accès à l’eau ni à l’électricité. « Il n’y a rien ici et cela coûte cher », a dit Farhat.
Un autre frère, Mohammed, a dressé une tente de fortune faite de tissus rapiécés ailleurs dans le village, où il est maintenant assis avec ses deux jeunes enfants. « Les colons ont frappé sur nos portes pendant la nuit pour s’assurer que nous ne pourrions pas dormir. Les enfants n’ont pas dormi depuis des jours. Nous sommes partis malgré nous », a-t-il dit.

Il dit qu’ils sont maintenant 13 personnes dormant dans la même tente. « Ce n’est pas notre place, nous ne sommes ici que temporairement. Nous ne savons pas où nous irons ensuite. »
Pendant l’année passée, le village de Mu’arrajat a connu plusieurs incidents particulièrement violents. Dans un cas, les colons ont attaqué des Palestiniens dans l’école du village et ont enlevé le proviseur.
Les assaillants venaient d’une ferme d’un avant-poste colonial géré par Zohar Sabah – un site établi dans les dernières années près du village, et qui s’est fait connaître pour ses activités violentes.

Vendredi matin, Sabah a visité l’avant-poste récemment établi à l’intérieur du village. Des soldats israéliens ont été vus en train de bavarder avec lui et de le questionner sur un barbecue récent qu’il avait organisé. Sabah s’est aussi pourvu récemment d’un nouveau véhicule utilitaire acheté avec des fonds du ministère des Missions de colonisation et nationales.
Dans un autre incident en février, des colons ont mis le feu à la mosquée du village.
Pendant toute la période, les habitants du village ont été confrontés à un harcèlement persistant — incluant des restrictions sévères sur les zones de pâturage qui les ont rendus incapables de faire paître leurs troupeaux, ainsi que des blocages de route qui empêchaient l’accès à leurs maisons et à leurs terres agricoles.