Des centaines de personnes demandent la démission du doyen de l’École Kennedy de Harvard accusé de bloquer une admission à cause d’une critique d’Israël

Le doyen de l’École Kennedy de Harvard W. Elmendorf fait face à des appels à sa démission après qu’il ait fait obstruction à l’admission de l’ancien président de Human Rights Watch, Keneth Roth, au Centre Carr pour la Politique des Droits de l’Homme de l’école. (Photo par Julian J. Giordano)

Des centaines d’affiliés de Harvard ont appelé mardi le doyen de l’Ecole Kennedy de Harvard, W. Elmendorf, à démissionner à la suite d’accusations selon lesquelles il a refusé une bourse à l’ancien directeur exécutif de Human Rights Watch, Kenneth Roth, à cause de sa critique d’Israël.

Les affiliés ont demandé la démission d’Elmendorf dans une lettre ouverte adressée au président de l’Université de Harvard Lawrence S. Bacow, à la présidente élue de l’université Claudine Gay, et à Elmendorf. La lettre, signée par 360 affiliés et co-parrainée par 19 organisations étudiantes dès mardi soir, arrive alors qu’Elmendorf fait face à une violente réaction de la part d’organisations de défense de la liberté d’expression et des droits civiques pour avoir opposé son veto à l’admission de Roth au Centre Carr pour la Politique des Droits de l’Homme de HKS.

Le Collectif des Anciens élèves palestiniens de l’École Kennedy de Harvard, qui regroupe 40 membres, a d’abord appelé à la démission d’Elmendorf mardi dans un communiqué disant qu’il « a renoncé à sa responsabilité envers la communauté de HKS et aux principes qui sous-tendent la pensée libre dans une société libre ».

La lettre ouverte des affiliés de Harvard a dit que la décision d’Elmendorf de refuser une bourse à Roth à cause de ses critiques du traitement des Palestiniens par Israël était un « acte de censure et une menace pour la liberté d’expression et la liberté académique ».

« Par souci de la liberté académique à Harvard et des droits de l’homme dans le monde, le doyen Elmendorf doit démissionner et l’administration de l’École Kennedy de Harvard doit annuler cette décision et reconsidérer Ken Roth comme un membre invité pour l’année universitaire 2023-2024 », a dit la lettre ouverte.

La porte-parole de HKS, Sofiya C. Cabalquinto a dit que l’école avait connaissance de la lettre des affiliés de Harvard, mais refusait de commenter son contenu. Le porte-parole de Harvard, Jason A. Newton, a confirmé que l’université avait reçu la lettre et refusait de la commenter.

Roth n’a pas dit s’il soutient ou non les appels des étudiants pour la démission d’Elmendorf.

« Je comprends parfaitement leur frustration », a écrit Roth dans un communiqué de mardi au Crimson.

Roth a allégué vendredi dans une interview avec The Crimson qu’Elmendorf avait empêché le Centre Carr pour la Politique des Droits de l’Homme de l’École Kennedy d’inviter Roth en tant que membre à cause de commentaires de HRW sur Israël. La décision d’Elmendorf d’opposer son veto à l’admission de Roth comme membre de l’école a d’abord été rapportée mardi dans The Nation.

Mathias Risse, directeur du Centre Carr, et Kathryn A. Sikkink, professeure de politique des droits de l’homme à HKS, ont confirmé le reportage de La Nation sur le rejet de la nomination de Roth en tant que membre. Le porte-parole de HKS, James F. Smith, n’a pas démenti les allégations spécifiques de Roth dans une déclaration envoyée samedi par mail au Crimson.

Dans un courriel obtenu par The Crimson, Risse écrivait samedi aux affiliés du Centre Carr que le centre « avait pris l’initiative » d’inviter Roth en tant que membre après qu’il ait annoncé en avril qu’il se retirerait de HRW fin août. Risse a ajouté que le centre avait soumis pour approbation au bureau d’Elmendorf la proposition d’admission de Roth, « sans en attendre aucune difficulté ».

« Sa décision de rejeter notre requête pour nommer Ken en tant que membre (et de négliger tous nos arguments en faveur de cette nomination, au cours de plusieurs séries de discussions) a été pour moi personnellement un moment très triste », a écrit Risse.

« Ma conversation suivante avec Ken Roth pour expliquer dans la mesure du possible cette décision fut un des pires moments de ma vie professionnelle », a écrit Risse.

Les associations de défense ont écrit que la décision d’Elmendorf de rejeter Roth menaçait d’avoir des conséquences négatives sur la liberté académique.

Tirana Hassan, directrice exécutive en activité de HRW, a demandé à Bacow d’examiner la décision d’Elmendorf de bloquer l’admission de Roth et « de prendre les mesures nécessaires afin de défendre les valeurs de la liberté académique » dans une lettre ouverte séparée envoyée mardi à Bacow.

« Plus sérieusement, le veto opposé à l’admission de Mr. Roth à cause de l’importance de son travail sur un pays spécifique envoie à tous les chercheurs et défenseurs, quelle que soit la partie du monde où ils travaillent, un message glaçant disant que l’université de Harvard peut ne pas les juger sur la qualité de leur travail, mais plutôt sur les dires de détracteurs bien financés », a écrit Hassan.

Newton a confirmé que l’université avait reçu la lettre ouverte de HRW, mais a refusé de la commenter.

Jessie Appleby, responsable des litiges à la Fondation pour les Droits et l’Expression Individuels (FIRE), a écrit vendredi dans une lettre ouverte à Elmendorf que « l’École Kennedy sape son engagement louable envers la diversité intellectuelle et la liberté de l’enquête lorsqu’elle annule l’offre d’une bourse en se fondant sur le point de vue ou le discours du candidat ».

L’ancien président de l’Université de Harvard, Lawrence H. Summers a exprimé lundi son soutien à la lettre de la FIRE dans un message sur Twitter.

« Empêcher un centre des droits de l’homme d’avoir l’ex-président d’une association de premier plan des droits de l’homme comme membre invité en se fondant sur les points de vue/modes d’expression de cette personne n’est pas compatible avec l’engagement profond envers la diversité intellectuelle qui devrait être une valeur fondamentale dans les universités », a tweeté Summers.

(tweet)

Certaines associations de défense d’Israël ont exprimé leur soutien à la décision d’Elmendorf de refuser l’admission de Roth à l’école.

Gerald M. Steinberg, fondateur de l’association droitière israélienne de surveillance NGO Monitor, a écrit dans un communiqué que « Roth a poussé des militants des droits de l’homme à diaboliser Israël » pendant sont mandat à la tête de HRW.

« Le doyen de Harvard n’a pas été dupé par la façade morale accordée à Roth et à HRW », a ajouté Steinberg.

Risse, directeur du corps enseignant du Centre Carr, a écrit dans un courriel que « Roth a courageusement et pendant plusieurs décennies défendu les droits de l’homme partout dans le monde ».

Risse a écrit qu’il soutient toujours les efforts du Centre Carr pour recruter Roth dans son équipe.

« Je continue de soutenir cette initiative, sans aucune hésitation ni réserve », a-t-il écrit.