Des centaines de milliers de Palestiniens retournent vers le nord de Gaza, Israël ouvrant les checkpoints

La population commence sa longue marche à l’aube vers ce qui reste de leurs maisons après un délai de 24 heures autour de la libération d’une otage israélienne

Des centaines de milliers de Palestiniens retournent en masse vers le nord de Gaza lundi [27 janvier], dès qu’Israël a ouvert les checkpoints militaires qui avaient divisé la Bande de Gaza pendant plus d’un an, mettant un terme à un « exil forcé » loin de leurs maisons et de leurs proches, exil dont beaucoup redoutaient qu’il ne devienne permanent.

Dans la lumière de l’aube, les foules qui avaient attendu au bord de la route toute la nuit ont commencé la longue marche vers leurs maisons et leurs commerces — ou ce qui en reste — dès que le passage a été ouvert.

Une colonne alourdie par l’émotion et l’appréhension s’étale le long de la côte, parallèlement à la Méditerranée, dans le désert de ruines de la ville de Gaza et le nord de la Bande au-delà. Plus de 80000 bâtiments ici ont été endommagés ou détruits, selon les données des Nations Unies.

Les Nations Unies ont dit que plus de 200000 personnes ont été observées, se déplaçant vers le nord lundi matin. Les autorités du Hamas à Gaza ont dit que plus de 300000 Palestiniens déplacés étaient retournés vers le nord du territoire.

Des enfants jouant du tambourin avancent joyeusement à côté de personnes portant des chats, des perroquets et d’autres animaux domestiques, d’amputés appuyés sur des béquilles et de personnes âgées voutées sur leurs cannes.

Certains de ces rapatriés faisaient rouler un grand tonneau d’eau, montrant qu’ils prévoyaient un aller simple vers le nord de Gaza, si difficiles que soient les conditions qui les attendent.

À un autre passage plus à l’est, une queue de milliers de voitures s’étirait sur plusieurs kilomètres, leurs conducteurs attendant l’inspection et la permission de poursuivre vers le nord ; après le retrait des forces israéliennes, des Égyptiens sous contrat effectuaient les contrôles sur les armes avec l’aide d’une entreprise de sécurité privée des États-Unis, ont dit des témoins.

Beaucoup de ceux qui se dirigeaient vers le nord savaient ou soupçonnaient qu’ils retournaient vers à peine plus que des ruines, mais il voulaient dresser leurs tentes sur leur propre terre après de longs mois déplacés entre des camps surpeuplés dans le sud de la Bande. Dans la ville de Gaza, des foules en liesse les attendaient pour les saluer.

« Mon cœur bat. Je pensais ne jamais revenir », a dit Osama, un fonctionnaire de 50 ans, père de cinq enfants, en arrivant dans la ville.

« Que le cessez-le-feu réussisse ou pas, nous ne quitterons plus jamais la ville de Gaza et le nord, même si Israël envoie un tank pour chacun de nous. Plus de déplacement. »

Quelques-uns cherchaient des proches qui avaient été incapables de partir, ou n’avaient pas voulu le faire, quand l’armée d’Israël a ordonné à tous les civils de partir vers le sud, peu après le début de la guerre en réponse aux attaques transfrontalières du Hamas le 7 octobre 2023.

Les réseaux sociaux étaient remplis de vidéos de réunions joyeuses — parents, enfants, amis et fratries se retrouvant après 15 mois de guerre. D’autres espéraient seulement trouver les corps qu’ils savaient être enterrés sous les décombres pour leur donner un enterrement digne et une tombe, pour la visiter et pleurer leurs morts.

Le retour devait commencer dimanche, mais il a été retardé de 24 heures à cause de la première crise majeure dans l’accord fragile de cessez-le-feu.

Quand l’otage israélienne Arbel Yehoud n’a pas été libérée samedi comme prévu, Israël a accusé le Hamas de violer l’accord, qui appelait à la libération des femmes civiles avant les soldates. Les checkpoints au nord demeureraient fermés en réponse, ont dit les responsables israéliens.

Comme les deux côtés échangeaient des accusations, le Président des États-Unis, Donald Trump, a spéculé sur « un nettoyage » de Gaza opéré en déplaçant 1, 5 millions de Palestiniens vers des pays arabes voisins.

Ses commentaires ont été salués par les politiciens d’extrême-droite en Israël qui s’opposaient à l’accord de cessez-le-feu, dont le ministre des Finances, Bezalel Smotrich, qui ce mois-ci a appelé Israël à occuper Gaza et à y installer un gouvernement militaire.

Avec le cessez-le-feu dans la balance, les remarques de Trump et la réponse d’une partie du gouvernement israélien ont nourri les craintes des Palestiniens de ne jamais pouvoir être autorisés à revenir vers le nord. Quand les checkpoints se sont finalement ouverts, l’ambassadeur palestinien au Royaume-Uni, Husam Zomlot, a décrit la colonne de personnes marchant vers leurs maisons comme « une réponse claire comme de l’eau de roche à ceux qui complotent encore pour nous déraciner de notre patrie ».

« Il y a seulement une direction de voyage pour le peuple palestinien après 100 ans de déplacement forcé et d’oppression : la libération et le retour ! », a-t-il posté sur les réseaux sociaux.

L’accord de cessez-le-feu a été renforcé dimanche soir par des discussions de dernière minute qui ont garanti un accord pour libérer trois otages jeudi — en avance du calendrier originel — et pour ouvrir les routes vers le nord lundi matin.

Israël a dit que le Hamas avait fourni des détails sur le statut des 26 otages dont la libération était prévue au cours de cette étape de l’accord, annonçant lundi que huit étaient morts.

Israël a averti ceux qui traversaient de rester à l’écart de ses forces armées, qui contrôlent encore une zone tampon le long de la frontière et dans le couloir Netzarim, mis en place dans les premières semaines de la guerre.

Le couloir a divisé Gaza en deux moitiés pendant plus d’un an. Les civils étaient officiellement autoriser à le traverser pour se diriger vers le sud, dans ce qui était un voyage difficile et dangereux, après les ordres israéliens d’’évacuation totale qui, disent les groupes de défense des droits, reviennent à des déplacements forcés.

Aucun Palestinien n’était autorisé à revenir vers le nord. Les quelque 400 000 personnes qui sont restés ont subi des conditions encore plus dures qu’au sud.

Israël a maintenu un blocus plus serré au nord, au milieu de contrôles plus larges sur Gaza, ce qui signifiait que l’aide alimentaire y est entrée pendant des mois au compte-gouttes seulement. Cela a été le premier endroit où une sérieuse malnutrition s’est installée, et où les experts internationaux ont alerté sur une famine imminente pendant la guerre.

Des pans de bâtiments ont été bombardés intensément ou détruits dans les démolitions militaires israéliennes. L’échelle des dommages et des privations pendant la guerre et le déferlement des personnes de retour signifient que les agences d’aide humanitaire se précipitent maintenant pour apporter des provisions dans la zone.

« Clairement les besoins vont être immenses avec cet afflux de personnes allant vers le nord » , a dit Joanthan Crickx, le directeur des communications d’Unicef Palestine, qui est actuellement à Gaza. « Des services de base manquent, par exemple l’eau est un bien rare ».

« Des familles se déplacent avec tout ce qu’elles peuvent porter, mais ce n’est pas beaucoup, parce que la plupart d’entre eux marchent à pied ».

Israël a aussi négocié une extension de la date limite pour le retrait de ses troupes du sud-Liban, maintenant prévu pour le 18 février. Israël a dit que l’armée libanaise n’avait pas satisfait à sa promesse de sécuriser des zones au sud du fleuve Litani, que les forces du Hezbollah doivent abandonner dans le cadre de l’accord.

Dimanche, les forces israéliennes ont tué au moins 22 personnes et blessé 124 autres quand elles ont ouvert le feu sur des manifestants civils essayant de retourner vers leurs villages, et les soldats qui les accompagnaient.