Des athlètes mettent un genou à terre contre l’occupation israélienne

Deux joueurs de volleyball de Brooklyn College sont confrontés à un déferlement d’invectives parce qu’ils ont manifesté pendant l’hymne national israélien.

En août 2016, le quarterback Colin Kaepernick a entamé sa saison à la National Football League [Ligue nationale de football américaine] en s’agenouillant pendant l’hymne national [américain] afin de protester contre le racisme et la violence d’état. Il a choisi volontairement le moment de l’hymne pour soulever la question du fossé entre ce que la nation [américaine] promet et ce qu’elle offre. C’était un acte puissant, iconique, qui a inspiré des athlètes de disciplines sportives variées à faire de même. Des sportifs professionnels à ceux de l’université, du lycée et même du collège, les ahtlètes ont été inspirés à s’agenouiller, moins par solidarité avec Kaepernick que pour protester contre des assassinats racistes de la police là ils vivaient.

Dans la tradition—et l’extension—de ce mouvement, deux joueurs de volleyball de Brooklyn College ont mis cette semaine un genou à terre avant un match contre l’université Yeshiva. Pendant l’hymne national israélien, que Yeshiva joue avant chaque compétition, ils se sont agenouillés pour protester contre le racisme et la violence d’état d’Israël, plus spécifiquement contre la politique coloniale d’apartheid du pays qui garde deux millions de Palestiniens de Gaza dans une prison à ciel ouvert entouré de checkpoints et de murs. Ils n’allaient pas juste se tenir debout pour l’hymne d’Israël, la main sur le coeur, et ne rien faire.

Les deux athlètes, Hunnan Butt et Omar Rezika, ont été immédiatement calomniés comme antisémites à cause de leur simple et silencieux geste de contestation.

Le président de l’université Yeshiva, Ari Berman, est passé à l’attaque, et dans une déclaration scandaleusement irresponsable—pour ne pas dire dangereux—sur les deux étudiants, il a dit :

« Il est malheureux que certains membres de l’équipe rivale ait manqué de respect à l’hymne national israélien. Nous sommes fiers d’être la seule université qui chante à la fois les hymnes nationaux américain et israélien avant chaque compétition athlétique et chaque événément majeur. Rien ne rend plus fier d’être américain que de vivre dans un pays où notre liberté religieuse, notre sionisme et notre engagement envers notre peuple ne seront jamais entravés et seront toujours appréciés. »

Pensez à l’ironie de cette déclaration. Berman apprécie de « vivre dans un pays où notre liberté religieuse, notre sionisme et notre engagement envers notre peuple ne seront jamais entravés et seront toujours appréciés », mais ce responsable d’éducation est prêt à diaboliser deux adolescents qui exercent notre liberté la plus chérie : la liberté de parole. Berman ne voit pas non plus d’ironie dans le fait que c’était l’hymne national d’un autre pays au cours duquel les joueurs se sont agenouillés, pas celui du pays dans lequel ces joueurs vivaient de fait ou jouaient.

Berman, en attisant le feu au lieu de chercher un dialogue de quelque sorte, a ouvert les vannes contre ces deux étudiants, qui ont depuis privatisé leurs réseaux sociaux, confrontés à un raz-de-marée d’attaques. Le centre Simon Wiesenthal, pour ne prendre qu’un exemple, a décrit leurs actions comme « cette manifestation fragrante d’antisémitisme », et demandé que Brooklyn College punisse les étudiants.

Sans surprise, l’histoire a été reprise par des fils twitter sionistes d’extrême-droite, à aucun desquels je n’ai envie d’offrir une publicité gratuite. Qu’il me suffise de dire que ces mêmes fils qui louent un président faisant des commentaires antisémites et dont les acolytes chantent « Les juifs ne nous remplaceront pas » calomnient deux jeunes gens d’une manière effrayante parce qu’ils ont osé défendre les sans-voix de Palestine.

Plusieurs de ces fils ont aussi répandu le mensonge que les athlètes n’ont pas serré la main de leurs adversaires après le match, ce qu’à la fois l’université Yeshiva et Brooklyn College ont démenti.

J’ai contacté Noura Erakat, l’auteure de Justice for Some: Law and the Question of Palestine. Elle m’a dit : « Il y a une distinction frappante entre l’antisionisme et l’antisémitisme. Et bien qu’il y ait eu des efforts délibérés pour confondre la libération juive avec le sionisme, cela n’est pas universellement accepté et guère exact historiquement. Ces étudiants ont pris une position claire contre le symbole national de l’état, d’une manière qui fait écho aux protestations parmi les athlètes noirs aux Etats-Unis. Et exactement comme la protestation noire a été calomniée pour esquiver les questions d’injustice raciale, la protestation légitime de ces étudiants a été injustement attaquée. »

J’ai aussi parlé à Yousef Munayyer, de la Campagne américaine pour les droits palestiniens. Il a commenté : « Ces jeunes athlètes ont prouvé le courage de leurs convictions et ont choisi, par cet acte simple, d’envoyer un message de contestation. A un moment où le militantisme pour les droits palestiniens est de plus en plus confronté à des tentatives de répression, ils se sont dressés pour la justice en mettant un genou à terre. Ils devraient être applaudis ».

Maintenant, les deux athlètes ne font aucun commentaire, craignant peut-être qu’être mis sur « une veille contre le djihad » par un site web (sérieusement) puisse affecter leur vie. Les Etats-Unis ne sont pas Israël. Si Yeshiva veut jouer l’hymne, c’est leur affaire. Attendre des athlètes qu’ils se tiennent debout, mains sur le coeur, démontre seulement combien la brigade des soldats chrétiens de Trump (qui pensent que nous irons en enfer quand viendra le temps de l’enlèvement [des saints]), avec leurs alliés pro-occupation, a fait d’avancées dans la contestation de nos libertés d’expression basiques. Beaucoup se sont précipités aux côtés de Colin Kaepernick en solidarité lorsqu’il s’est agenouillé. Nous devrions faire de même pour Hunnan et Omar.