La déclaration qui suit a été approuvée en juillet 2024 par le Comité A (liberté académique et titularisation) de l’Association américaine des professeurs d’université (American Association of University Professors, AAUP) et adoptée en août 2024 par le Conseil de l’Association. Elle remplace le rapport de 2006 du Comité A « Sur les boycotts académiques ».
Le comité A (liberté académique et titularisation) de l’Association américaine des professeurs d’université (AAUP) a longtemps maintenu que l’échange académique devrait être mené librement sans considération des opinions politiques et religieuses. Sur cette base, depuis le rapport de 2006 « Sur les boycotts académiques », le comité s’est opposé aux boycotts académiques et a encouragé les universitaires et associations académiques à « rechercher des moyens alternatifs, moins contraires au principe de la liberté académique, pour faire valoir leurs inquiétudes(1) ». À la même époque, comme le Comité A le faisait observer dans son rapport, l’AAUP a « reconnu le droit des universitaires individuellement et des groupes d’universitaires à ne pas coopérer avec d’autres universitaires, individuellement, ou des institutions universitaires avec lesquels ils seraient en désaccord ». Mais, continuait le Comité, « quand de telles non-coopérations prennent la forme d’un boycott académique systématique, elles menacent les principes de libre expression et de communication dont nous dépendons collectivement(2) ». Si nous réaffirmons l’engagement du Comité A pour le libre échange des connaissances, indépendamment des opinions politiques et religieuses, nous reconnaissons aussi que la position du comité de s’opposer aux boycotts académiques a été controversée, contestée et utilisée pour compromettre la liberté académique. Nous pensons donc que cette position mérite d’être réexaminée et clarifiée.
La liberté académique et les débats féconds peuvent ne pas être toujours garantis de manière appropriée par une position catégorique qui néglige les nuances et est inattentive au contexte. Comme l’observait le rapport de 2006 du Comité A, l’histoire propre de l’Association est « complexe » et « inclut des soutiens à des grèves sur le campus, un soutien pour le désinvestissement pendant les campagnes anti-apartheid en Afrique du Sud, et une remise en question de l’exigence de neutralité institutionnelle pendant la Guerre du Vietnam(3) » .
Le rapport citait aussi des commentaires de Nelson Mandela au Congrès national africain : « Dans certains cas . . . il peut être correct de boycotter, et dans d’autres cela pourrait être malavisé et dangereux. Dans d’autres cas encore, une autre arme de lutte politique peut être préférable. On pourrait recourir à une manifestation, à une marche de protestation ou à la désobéissance civile, tout cela dépendant des conditions réelles à un moment donné(4). »
Le Comité reconnaît que quand des universitaires choisissent de soutenir des boycotts académiques, ils peuvent le faire légitimement pour protéger et faire avancer la liberté académique et les droits fondamentaux des collègues et étudiants qui vivent et travaillent dans des conditions qui violent cette liberté et un ou plusieurs de ces droits. Dans de tels contextes, les boycotts académiques ne sont pas en eux-mêmes des violations de la liberté académique ; au contraire, ils peuvent être considérés comme des réponses tactiques légitimes à des conditions qui sont fondamentalement incompatibles avec la mission de l’enseignement supérieur. La liberté de produire et d’échanger des connaissances dépend de la garantie d’autres libertés fondamentales, comme les droits à la vie, la liberté individuelle, la sécurité de la personne et le droit de n’être pas soumis à des arrestations ou à des détentions arbitraires ; les droits à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; le droit de maintenir des opinions sans interférence ; le droit à la liberté d’expression ; le droit de participer aux affaires publiques ; le droit à une protection égale et efficace contre la discrimination ; le droit à la liberté d’association ; le droit aux réunions pacifiques ; le droit de travailler ; le droit de participer à la vie culturelle ; le droit à l’éducation ; et les droits aux libertés de mouvement et au choix de son lieu de résidence. Nos collègues universitaires et nos étudiants aux États-Unis et dans le monde entier ne bénéficient pas tous de ces droits fondamentaux.
Le Comité A maintient donc que des universitaires et étudiants, individuellement, devraient être libres de peser, d’estimer et de débattre des conditions spécifiques donnant lieu à des appels à des boycotts académiques systématisés et de faire leurs propres choix, en ce qui concerne leur participation à ces boycotts. Agir autrement contrevient à la liberté académique. Les choix des universitaires, de soutenir des boycotts académiques ou de s’y opposer, ne devraient pas en eux-mêmes être la base de représailles formelles(5). Si de tels choix peuvent être critiqués et débattus, les enseignants et les étudiants ne devraient pas être confrontés à une censure ou à une punition institutionnelle ou gouvernementale pour avoir participé à des boycotts académiques, pour avoir refusé de le faire ou pour avoir critiqué ou discuté les choix de ceux avec lesquels ils sont en désaccord. La décision de participer à un boycott universitaire devrait dépendre de la situation et d’un examen de la gamme totale des tactiques disponibles pour atteindre les objectifs désirés. Nous répétons que les boycotts académiques ne devraient jamais intégrer comme critères décisifs des critères politiques ou religieux, ni cibler des universitaires et enseignants impliqués dans des pratiques académiques ordinaires, comme de publier leurs recherches, de donner des conférences et des exposés à des colloques, ou de participer à des collaborations de recherche. Les boycotts académiques devraient cibler uniquement les institutions d’enseignement supérieur qui violent eux-mêmes la liberté académique ou les droits fondamentaux dont la liberté académique dépend.
1. “On Academic Boycotts,” [« Sur les boycotts académiques »] Academe 92, no. 5 (septembre-octobre 2006): 42.
2. “On Academic Boycotts,” 42.
3. “On Academic Boycotts,” 40.
4. Nelson Mandela, No Easy Walk to Freedom (London: Heinemann Educational, 1990), 63, cité dans “On Academic Boycotts,” 42.
5. Voir aussi “Committee A Statement on Extramural Utterances,” [Déclaration du comité A sur les prises de parole extra-muros], Policy Documents and Reports, 11th ed. (Baltimore: Johns Hopkins University Press, 2015), 31.