Nous avons appris avec consternation que le maire de Choisy-le-Roi avait décidé d’annuler notre représentation de « And Here I Am » au Théâtre-Cinéma de Choisy-le-Roi le 11 octobre.
Après que l’armée israélienne a bouclé la Cisjordanie et fermé les frontières, il a fallu à notre équipe artistique quatre jours pour arriver en France. Les membres de l’équipe ont franchi des checkpoints militaires, subi des humiliations et des interrogatoires sous la menace d’une arme à feu, et un membre de l’équipe a été détenu et menacé d’arrestation par l’armée. Il n’est pas excessif de dire qu’ils ont risqué leur vie et leur sécurité pour que la représentation ait lieu.
Nous nous posons la question : est-il même juste de faire une déclaration publique sur l’annulation de la pièce alors que les Palestiniens subissent des situations bien pires. Alors que des familles entières sont massacrées à Gaza, alors que des quartiers sont complètement rasés. Alors qu’on voit sur une succession de vidéos des enfants palestiniens assassinés, ou d’autres, presque morts, extraits des décombres en ayant perdu leurs membres. Nous nous posons la question : devrions-nous même nous rendre en France alors qu’il est urgent que nous soyons chez nous, au camp de réfugiés de Jénine, à protéger et à préparer nos enfants en vue de la prochaine invasion.
Mais la façon dont les voix palestiniennes sont réduites au silence est intrinsèquement liée à la facilité avec laquelle Israël continue à enfreindre le droit international et à pratiquer depuis 75 ans avec brutalité son occupation militaire, ses invasions, son apartheid. L’effacement de notre histoire est la raison pour laquelle les gouvernements du monde peuvent inciter à notre mise à mort comme si c’était un sport. Les gros titres à la une qui propagent la désinformation contribuent à justifier les attaques d’Israël, alors que les journalistes eux- mêmes précisent que leurs affirmations ne sont pas vérifiées, enfreignant ainsi le code élémentaire du journalisme. Depuis les présidents jusqu’aux présentateurs de la télévision ou aux stars de cinéma, nos vies sont réputées n’avoir aucune valeur et notre contexte est éliminé alors que leur racisme et leur islamophobie ont le champ libre. Une pièce de théâtre est une petite possibilité de raconter notre histoire et son annulation constitue le choix de participer à la violence que nous subissons.
Le maire de Choisy-le-Roi a déclaré que la décision a été prise par « respect pour toutes les victimes ». C’est tout simplement de l’hypocrisie quand Paris illumine la Tour Eiffel en blanc et bleu, quand la Commission Européenne projette le drapeau national d’Israël sur son siège, quand un ministre français propose de dissoudre les organisations qui soutiennent la Palestine.
Nous, Palestiniens, sommes dénigrés, réduits au silence, condamnés, emprisonnés et assassinés dès que nous agissons pour arrêter le nettoyage ethnique. La censure et les attaques contre notre équipe, dont beaucoup viennent du camp, sont au fond de notre histoire. Notre bâtiment est constamment attaqué violemment et la troupe prise comme bouclier humain, le personnel et les étudiants emprisonnés, le président de notre conseil d’administration emprisonné depuis plus d’un an sans inculpation ni procès et notre directrice artistique adjointe britannique, interdite d’entrer en Palestine. Nous sommes des artistes, rien de plus, mais le simple acte de conter des histoires palestiniennes suffit pour être confrontés à cette brutale censure qui se poursuit quand nous sommes en tournée internationale.
Nous continuerons seulement comme nous savons le faire, en disant notre histoire. Nous tenons à remercier les producteurs, les artistes, les ami.e.s et allié.es qui continuent en France à lutter pour que notre voix soit entendue pendant cette tournée. Malgré l’impact personnel et financier que leur soutien envers nous leur impose, leur solidarité et leur détermination nous emplissent d’espoir et de force.
Nous invitons le public à la prochaine étape de la tournée à Bordeaux les 13 et 14 octobre
Et à Lyon les 18 et 19
LE FREEDOM THEATRE
CAMP DE RÉFUGIÉS DE JÉNINE
PALESTINE