Ce qui se passe aujourd’hui à Gaza est encore une horreur. Ce n’est pas qu’une question de défense. C’est, je pense, une violation massive des droits de l’Homme. L’Union Européenne continuera à soutenir les Palestiniens, mais en même temps, en sachant que nous devons chercher une solution politique. Parce que, donner à quelqu’un à dîner ce soir, afin qu’il soit tué demain, ce n’est pas vraiment la solution.
Bonjour, bon après-midi à tou-te-s,
Merci, Gouverneur, pour votre accueil. Merci aux représentants – en priorité, tous ceux qui travaillent ici – [la Société] du Croissant Rouge [Égyptien], [ERCS], l’Organisation des Nations Unies pour les Droits de l’Enfant (UNICEF), [la Protection Civile] de l’Union Européenne, [et les Opérations] de l’Aide Humanitaire. [Et] beaucoup d’autres. Je ne les citerai pas toutes, mais il y a quantité de gens qui travaillent ici, essayant de soutenir la population de Gaza.
Vous savez, j’ai l’habitude d’avoir un regard sur cet endroit via les images satellites Je vois le passage de Rafah presque tous les jours, par les yeux des satellites.
Je sais qu’il y a des milliers de camions qui attendent d’entrer, par jour, par semaine, par mois.
Et je sais qu’il y a des ambulances – ces voitures jaunes et bleues – qui attendent d’accueillir les blessés. Mais une chose est de le voir via les images satellites, et autre chose de le voir en vrai, un camion après l’autre.
Aujourd’hui, 1.400 camions attendent pour entrer. Lors d’une bonne journée, peut-être que 50 entreront. A l’époque de Ramallah, il y en avait 600 par jour. C’est une goutte dans l’océan des besoins de l’autre côté.
Et je dois vous remercier vous tous et rendre hommage au travail du gouvernement égyptien. Tout le travail que vous accomplissez ici, vous, le gouvernorat, l’armée égyptienne, tous les travailleurs des organisations humanitaires, l’Organisation des Nations Unies – qui accomplissez un travail irremplaçable pour faire face à la situation dramatique qui sévit à 500 mètres d’ici.
Je veux aussi souligner l’importance du soutien de l’Union Européenne. Je veux souligner l’importance du nombre d’avions qui atterrissent à l’aéroport près [d’] ici, la quantité d’argent, la quantité d’aide physique que nous avons fournis.
L’Union Européenne a fait un effort incroyable afin d’assurer l’approvisionnement. Mais maintenant, les fournitures n’entrent pas ; elles sont juste bloquées.
Oui, nous avons beaucoup fait. Les États membres de l’Union Européenne et les institutions de l’Union Européenne ont beaucoup fait pour fournir de l’aide humanitaire à la population de Gaza.
Mais ce qui se passe juste de l’autre côté de ce mur, ce n’est pas une crise provoquée par la nature. Ce n’est pas une inondation. Ce n’est pas un tremblement de terre. Ce n’est pas une de ces crises créées de temps à autre par la nature et que nous ne pouvons empêcher ou éviter. C’est une crise créée par l’homme. Une tragédie de la main de l’homme.
Oui, cela a commencé avec une attaque terroriste du Hamas, il y a presque un an. Et c’était une horreur que nous avons condamnée dans les termes les plus forts possible. Nous continuons de [la] condamner. Mais une horreur ne peut justifier une autre horreur.
Ce qui se passe à Gaza aujourd’hui, c’est une autre horreur. Ce n’est pas qu’une simple question de défense. C’est, je pense, une violation massive des droits de l’Homme. L’Union Européenne continuera de soutenir les Palestiniens, mais en même temps, en sachant que nous devons rechercher une solution politique. Parce que, donner à quelqu’un à dîner ce soir, afin qu’il soit tué demain, ce n’est pas vraiment la solution.
Nous devons fournir de l’aide humanitaire parce que c’est urgent et nécessaire, et nous devons faire plus et plus vite. Nous faisons beaucoup – permettez moi de le dire – mais certainement pas assez, et certainement pas aussi vite qu’il le faudrait. En particulier parce qu’il y a trop d’obstacles.
J’ai appris que les barres énergétiques – qui sont le meilleur moyen pour se nourrir, avec le moins de poids et le moins de volume pour la même quantité de calories – ont été refusées à la frontière, parce qu’ils considèrent que c’est un produit de luxe. Nous verrons les articles qui ont été refusés et qui sont toujours refusés.
C’est important pour moi d’être ici, afin de faire le point sur la situation et rapporter à Bruxelles à quel point cette situation est dramatique et doit être résolue par des moyens politiques.
Aujourd’hui, le plus urgent, c’est de faire entrer ces ambulances ou de recevoir les blessés. C’est pourquoi l’Union Européenne est prête à présenter ses capacités, à offrir ses capacités logistiques pour rouvrir cette frontière. Faire déployer le personnel européen de l’autre côté de cette frontière, afin que la frontière soit ouverte et que les blessés soient capables de traverser la frontière jusqu’à un hôpital. Et que le soutien humanitaire puisse entrer et que les gens puissent entrer et sortir. Et particulièrement, les gens qui en ont besoin.
Mais nous devons continuer de demander un cessez-le-feu, la libération des otages et l’arrêt des bombardements. Cessez-le-feu : c’est un appel que nous, de l’Union Européenne, mes amis ministres, collègues, ministres du Conseil des Affaires Étrangères, lançons.
Malheureusement, les négociations ne vont pas aussi rapidement – comment puis-je utiliser le mot « rapidement » quand elles sont bloquées depuis des semaines et des mois ?
C’est une belle et bonne expérience, un expérience importante. Je pense que nous, politiquement responsables, devons enfiler nos bottes et aller sur le terrain pour savoir ce qui se passe.
Une fois encore, merci à vous tou-te-s, Gouverneur, merci pour votre accueil.
Q&R
Q. A propos du cessez-le-feu, que peut faire l’Union Européenne pour faire pression sur les deux côtés, spécifiquement sur le Premier Ministre israélien, pour faire adopter le cessez-le-feu et mettre fin à la guerre à Gaza ?
L’Union Européenne peut utiliser ses outils diplomatiques. Il y a quelques jours, la ministre des Affaires étrangères d’Allemagne [Annalena Baerbock] était en visite en Israël et a demandé la mise en place de ce cessez-le-feu et l’arrêt de la violence en Cisjordanie. Nous pouvons exercer une pression politique et diplomatique sur les autorités israéliennes, mais notre capacité est limitée. Nous faisons ce que nous pouvons. Les États-Unis aussi font ce qu’ils peuvent. Mais quelque chose ne va pas ici. Je ne comprends pas pourquoi on n’est pas encore arrivés au cessez-le-feu. Quelqu’un procrastine.
Q. Y a-t-il eu des discussions avec vos homologues égyptiens sur la possibilité d’avoir des troupes de maintien de la paix à la frontière ?
Nous n’en sommes pas là. Nous sommes très loin, malheureusement, de la possibilité de déployer des troupes d’un [côté] ou de l’autre. C’est sûr, nous devons éviter que Gaza devienne un nouveau Mogadiscio. Un Mogadiscio de la Méditerranée ou un nouvel Haïti. Une terre sans foi ni loi, abandonnée aux gangs, à la violence contre le peuple au désespoir. Quelqu’un devra s’occuper de l’ordre public à Gaza. Je ne sais pas qui, mais certainement, en priorité, l’Autorité Palestinienne détient une responsabilité à ce sujet. Je pense que l’Autorité Palestinienne aura besoin d’un vrai soutien pour que la loi et l’ordre puissent revenir à Gaza. Vous savez, parfois, même [l’aide humanitaire] qui entre à Gaza est inutile parce qu’il n’y a aucune possibilité de [la] distribuer – parce que c’est l’anarchie totale. Aussi, l’idée que Gaza peut devenir le Mogadiscio de la Méditerranée ou le Haïti de la Méditerranée – avec ce que cela signifie en termes de violence, en termes de terrorisme, en termes de migration forcée de la population – c’est quelque chose que chacun doit avoir à l’esprit. Non seulement pour soutenir la population de Gaza, mais aussi parce que c’est la sécurité et la stabilité de toute la région qui est en jeu.
Q. L’Union Européenne était sur le point d’imposer des sanctions à deux ministres israéliens. Pourtant, cela n’a pas réussi. A votre avis, quels moyens de pression a l’Union Européenne sur les tribunaux afin d’obliger Israël à mettre fin à ses atrocités ?
Eh bien, oui, c’est vrai. En ma capacité de Haut Représentant, j’ai fait une proposition aux ministres du Conseil des Affaires Étrangères pour qu’on impose des sanctions aux deux ministres du gouvernement israélien pour propos haineux. Le Conseil en a discuté et a décidé de s’adresser aux organismes techniques. Ce n’est pas encore un ‘Oui’, ce n’est pas ‘Non’. Je ne sais pas quel sera finalement le résultat, je ne sais toujours pas. Les organismes techniques du Conseil y travaillent. Il y a non seulement ces deux ministres, mais aussi certaines agences, certaines institutions dont nous pensons qu’elles sont responsables de l’expansion illégale des colonies (colonies de peuplement) en Cisjordanie – dont on propose également qu’elles soient sanctionnées. Alors, voyons, mais je pense que l’Union Européenne a une liste à étudier et doit considérer ces cas.
Q. Où en est aujourd’hui l’Union Européenne dans ses efforts de médiation ? Si dans cette situation à 100 mètres d’ici, Israël voulait rester et occuper le passage de Rafah, êtes-vous prêt à venir avec une mission européenne au passage ? Comment pouvez-vous venir, comme vous le disiez à l’instant ?
L’Union Européenne soutient les efforts de médiation de l’Égypte, des États-Unis et du Qatar, qui sont en charge du processus de médiation. Le problème, ce n’est pas d’avoir davantage de médiateurs – ces trois là suffisent : le Qatar, l’Égypte et les États-Unis. S’ils n’y arrivent pas, cela va devenir très difficile que quelqu’un d‘autre y parvienne. Nous soutenons donc ces efforts diplomatiques, nous participons – tout ne peut pas être rendu public – à cet effort. Nous regrettons que, pour une raison ou une autre, la solution ne soit pas encore là. Nous faisons pression autant que nous le pouvons via les canaux diplomatiques, qu’on ne va pas expliquer ici dans le cadre de cette conférence de presse, mais ils existent. Que pouvons nous faire d’autre ? Que pouvons nous faire d’autre, [que] d’utiliser nos capacités ? Certainement, nous pourrions faire plus, mais je ne pense pas qu’il y ait une volonté politique de faire plus.
Q. Qu’en est-il de votre mission ici ?
La mission ? J’ai la responsabilité de déployer des gens sur le terrain. Je dois aussi m’inquiéter de leur sécurité. Je dois donc m’assurer que les conditions de sécurité sont présentes et qu’on puisse également arriver à des conditions politiques. J’ai besoin de l’accord des Égyptiens. J’ai besoin de l’accord de l’Autorité Palestinienne. Et, que cela plaise ou non, j’ai besoin de l’accord du côté israélien. Pour l’instant, ce n’est pas possible. La première condition, c’est un cessez-le-feu. Sans cessez-le-feu, personne ne déploiera ici aucun groupe de civils parce que c’est trop risqué. La première chose, c’est le cessez-le-feu, la libération des otages, et puis un accord afin de déployer le personnel civil – qui est prêt à venir, pourrait venir et être déployé. Mais j’ai besoin qu’on ait obtenu les conditions de sécurité et l’accord politique. Et croyez moi, je passe un temps considérable à essayer d’y parvenir.
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