L’enquête de B’Tselem publiée aujourd’hui prouve qu’un soldat a tiré à balles réelles, touchant à la tête ‘Abd a-Rahman a-Shteiwi, âgé de 9 ans. A-Sheitwi a été blessé la semaine dernière alors qu’il jouait à l’entrée d’une maison à Kafr Qadum, lors de la manifestation hebdomadaire du village. Hospitalisé dans un état critique, il est la dernière victime en date de la politique irresponsable de feu ouvert qui permet aux soldats de faire feu à balles réelles, même lorsque ni eux ni qui que ce soit n’est en danger.
Vers 13h30 vendredi 12 juillet, la manifestation qui a lieu toutes les semaines se déroulait contre la fermeture de la principale route qui mène de Kafr Qadum à Naplouse, la capitale régionale. L’armée a bloqué la route au début des années 2000, suite à l’extension de la colonie voisine de Kadum. Depuis lors, les habitants ont été obligés d’employer une route de contournement qui rallonge le trajet d’environ une demi-heure.
Pendant la manifestation, quelques dizaines de jeunes ont lancé des pierres vers un certain nombre de soldats déployés le long du massif qui environne le village, à plusieurs dizaines de mètres des manifestants. Les soldats ont tiré des balles enrobées de caoutchouc sur les manifestants, mais, à la différence de ce qui se pratiquait auparavant dans les manifestations de Qadum, cette fois, ils ont aussi abondamment tiré en l’air à balles réelles.
À une distance d’environ 200 m du cœur de la manifestation, une dizaine de manifestants ont lancé des pierres à quatre soldats qui étaient à quelques dizaines de mètres d’eux, sur une autre colline du même massif. À 100 m à peu près de ce groupe, plus bas sur la route, un habitant de Kafr Qadum était assis sous un olivier avec ses deux enfants de 10 ans. En face d’eux, à 10 mètres à peu près, ‘Abd a-Rahman a-Shteiwi, âgé de 9 ans, était assis à l’entrée d’une des maisons à la lisière du village et il jouait avec un morceau de bois.
Vers 14h20, tandis que le cœur de la manifestation commençait à se disperser, à environ 200 mètres de ‘Abd a-Rahman a-Shteiwi, un soldat tira à balles réelles. La tête de l’enfant fut touchée et il tomba aussitôt à terre. Le villageois qui était assis non loin et un jeune homme qui était par là, ont évacué l’enfant vers une ambulance qui attendait à quelque 50 m de là, sur la route. ‘Abd a-Rahman fut emmené inconscient à l’hôpital Rafidia de Naplouse et subit une opération de la tête. Deux jours plus tard, le 14 juillet 2019, il a été transporté sous sédation et ventilation, aux soins intensifs de l’hôpital Sheba de Tel Hashomer.
Dans ses déclarations à la presse, l’armée a nié que des soldats aient utilisé des armes à balles réelles et a même rejeté toute responsabilité pour l’incident. Une réponse publiée par l’armée prétend que les soldats avaient eu recours à plusieurs « méthodes de contrôle des foules » et qu’elle avait reçu un rapport faisant état d’un garçon d’une dizaine d’années, blessé. La blessure d’A-Shteiwi, qui avait 9 ans, est cependant un résultat direct de la politique permettant d’ouvrir le feu, qui est mise en œuvre par l’armée dans les territoires occupés. Cette politique permet, illégalement et sans aucune justification, de tirer sur des Palestiniens qui ne mettent personne en danger. Cette politique reste en place en dépit du fait qu’elle a causé la mort de centaines de Palestiniens et en a blessé des milliers.
L’armée se félicite de règles limitant les circonstances dans lesquelles il est possible d’ouvrir le feu, en prétendant en même temps que le système de respect de la loi va agir contre les soldats qui ne respectent pas les règles. Pour autant, ce sont des déclarations creuses et vides de sens. Dans bien des cas, les règles d’ouverture du feu sont totalement négligées, tandis que le système de respect de la loi est un système de blanchiment censé créer l’illusion que des enquêtes sont menées. A-Shteiwi est la dernière victime en date de cette politique mais, sauf si elle est modifiée, ce n’est qu’une question de temps avant que la prochaine victime ne s’ajoute à la liste.