Conférence d’universitaires anti-guerre à Tel Aviv

En réponse à la récente lettre de l’Université de Tel Aviv « ouvrant les bras aux forces de sécurité » et menaçant de sanctions disciplinaires étudiants et employés qui font….

En réponse à la récente lettre de l’Université de Tel Aviv « ouvrant les bras aux forces de sécurité » et menaçant de sanctions disciplinaires étudiants et employés qui font des déclarations blessantes et extrémistes » sur les réseaux sociaux, le département de sciences sociales de l’université a tenu cette semaine une conférence devant une salle comble, avec pour titre : « comment penser la guerre ? »

« Il nous faut faire un effort pour nous débarrasser du discours qui ressasse sans fin la sécurité et le patriotisme, non seulement parce que nous en avons assez mais parce qu’il est conçu pour empêcher de penser. Penser est la première urgence dans cette guerre et c’est ce qui manque le plus. De nombreuses institutions travaillent à faire obstacle à la pensée, les media par exemple » a dit le professeur Ishay Rosen-Zvi, du département de la culture hébraïque, qui est à l’origine de la conférence.

Il a déclaré à Haaretz : « Avec la lettre de l’administration de l’université, nous avons eu le sentiment d’être muselés. De plus, le discours public des media était uniforme et monotone et nous avons ressenti qu’on nous mentait tout le temps ».

Au cours de l’opération « Bordure protectrice », l’administration a envoyé une lettre disant : « l’Université de Tel Aviv ouvre les bras aux forces de sécurité et condamne les réactions blessantes sur les réseaux sociaux » et « condamne vigoureusement les déclarations blessantes et extrémistes qui se répandent ces temps-ci sur les réseaux sociaux et qui n’ont pas place dans le discours public ». La lettre avertissait également que « l’administration agira selon les règles disciplinaires s’appliquant aux étudiants et aux employés dans tout cas de violation ».

Des centaines d’étudiants, de chargés de cours et d’auditeurs libres ont assisté à la conférence, ce qui est remarquable étant donné que c’est la période des vacances d’été et parce que l’événement n’a pas été annoncé dans les principaux media, uniquement de bouche à oreille et sur les réseaux sociaux.

Très effrayant

Lors de sa prise de parole, Rosen-Zvi a dit : « Je souhaite mettre en avant deux points qui me semblent nouveaux et effrayants. D’abord, la mort de soldats n’entraîne pas la même pression publique que par le passé. C’est un mécanisme nouveau qui diffère de ce que nous connaissions lorsque la vue de cercueils provoquait un sentiment d’écoeurement qui entraînait des critiques et une pression des media. Il semble que désormais la mort crée de l’unité et en même temps invite à plus de mort pour justifier cette unité ».

« Ensuite » a-t-il dit, « je veux souligner la normalité de la violence contre la gauche. Dans les manifestations contre la guerre auxquelles j’ai participé, il y avait des bandes de kahanistes qui circulaient en criant « mort aux Arabes et aux gauchistes » et poursuivaient les manifestants pour les frapper et ils en ont effectivement frappé. Les gens avaient peur de se disperser et ont évité de rentrer seuls chez eux. Personne n’a été choqué et ne l’est toujours pas, l’extrémisme de tout bord a été condamné, de droite comme de gauche, alors que des journalistes de droite se déplacent aussi avec des gardes du corps. » Cette dernière remarque était une référence au fait que l’éditorialiste de Haaretz Gideon Lévy a engagé un garde du corps après avoir reçu de nombreuses menaces à propos de ses articles critiques et de ses interviews sur la guerre .

Raif Zarik du Centre Minerve des Sciences Humaines de l’Université de Tel Aviv s’est exprimé contre le fait de tuer des innocents à Gaza. « J’ai du mal à me persuader que porter atteinte à des civils est réprouvé par de nombreux israéliens quand l’air est saturé de slogans « mort aux Arabes ». Il est difficilement croyable que ce ne sont que des dommages collatéraux involontaires. J’ai au contraire toutes les raisons de penser, bien que je n’aie pas de preuves, que cette guerre est une guerre contre notre peuple ».

Le professeur Menaché Lorberbaum, président du cycle supérieur des études de philosophie a critiqué le colonel Ofer Winter, commandant de la Brigade Givati, qui est dit avoir justifié les masses de victimes civiles lors de l’assaut lancé sur Rafah à la suite de l’enlèvement du lieutenant en second Hadar Goldin, déclaré mort par la suite, par les autorités israéliennes. Loberbaum a cité Winter disant que « quiconque kidnappe sait qu’il devra en payer le prix. Ce n’était pas une vengeance. Ils ont simplement lancé une mauvaise brigade… Cette population est prise en otage, mais je pense qu’elle participe aussi… Je ne l’exonère pas de sa responsabilité aussi vite »

Est-ce que la gloire de Givati c’est d’avoir tué des civils ?

C’est ce qu’a demandé Loberbaum : « Ce sont des mots très rudes. Y a-t-il une différence entre « vengeance » et « lancé la mauvaise brigade » ? Est-ce que la gloire de la Brigade Givati c’est le terrible meurtre de tous les civils ? N’ont-ils pas cessé d’être des civils au moment où le commandant a déclaré que la population participe ? Et qui leur a permis de faire ça ? Et qui, plus précisément, parmi eux est un participant ? Les enfants et les bébés ? Les femmes ? »