‘C’était une vengeance contre notre film’ : Lauréat d’un Oscar, il dit que des soldats ont aidé les colons à l’attaquer en Cisjordanie

Hamdan Ballal dit que les Israéliens l’ont frappé à coups de crosse et ont menacé de le tuer.

Dans une interview au Guardian, Ballal, l’un des quatre réalisateurs du film No Other Land, documentaire sur la destruction de villages de Cisjordanie qui a gagné l’Oscar du meilleur documentaire cette année, a raconté comment lundi deux soldats israéliens l’ont d’abord entouré tandis qu’un colon l’attaquait, avant de le frapper violemment à la tête et de le menacer de le tuer.

« Ça a commencé vers 18h, lundi » a dit Ballal, qui a été libéré mardi après son arrestation par les forces israéliennes qui l’ont détenu dans un commissariat de police de Cisjordanie . « Nous avions fini notre jeûne quotidien de Ramadan à Susya dans la région de Masafer Yatta, au sud de Hebron, lorsque quelqu’un m’a appelé en disant que des colons étaient entrés au village ».

Certains colons étaient armés de bâtons, d’autres avaient des couteaux et l’un d’eux portait un fusil M 16, ont dit des témoins au Guardian. Parmi eux se trouvait un groupe de soldats israéliens qui ont escorté les colons dans le village où vit Ballal.

« Comme je travaille pour une organisation humanitaire appelée Hagel, pour la défense des droits humains, et parce que je suis aussi photographe, j’y suis allé pour voir ce qu’il se passait » a-t-il dit. « J’ai pris trois ou quatre photos puis j’ai constaté que la situation se détériorait. Il y avait des dizaines de colons et ils étaient de plus en plus agressifs ».

Des colons masqués, porteurs de matraques, ont commencé à attaquer les habitants palestiniens, dont un groupe de militants juifs ; ils ont fracassé les parebrises de leurs voitures et lacéré les pneus, selon Josh Kimelman, un activiste du Centre pour la non-violence juive (CJNV). Une vidéo fournie par le groupe montrait un colon masqué en train de bousculer deux activistes et de leur donner des coups de poing dans un champ poussiéreux, le soir.

« À ce moment précis, j’ai pensé à ma famille qui était à la maison a dit Ballal. « J’ai couru vers eux et j’ai dit à ma femme : « Ferme la maison à clef et garde les enfants à l’intérieur ». Ils auraient pu m’attaquer mais avec ce que j’ai fait, ils n’auraient pas porté atteinte à ma famille ».

Un colon, escorté par deux soldats israéliens, s’est dirigé droit sur la maison de Ballal. Les soldats ont commencé à tirer en l’air pour empêcher qui que ce soit de soutenir Ballal, qui appelait à l’aide.

« Les soldats ont pointé leurs fusils vers moi tandis que le colon, par derrière, a commencé à me frapper » a dit Ballal. « Ils m’ont jeté à terre et le colon s’est mis à me taper sur la tête. Puis un soldat s’est mis aussi à me frapper ; avec la crosse de son fusil, il m’a donné un coup sur la tête. Après ça, il a tiré en l’air. Je ne comprends pas l’hébreu, mais j’ai saisi qu’il disait que le prochain tir serait pour moi. À ce moment-là j’ai pensé que j’allais mourir ».

Blessé, menotté et les yeux bandés, Ballal et deux autres Palestiniens ont été emmenés par les soldats dans un véhicule militaire à un commissariat de police dans la colonie de Kiryat Arba en Cisjordanie , où ils ont passé la nuit sur le sol et ont été forcés à dormir sous un climatiseur glaçant.

Ballal a dit qu’il a été frappé par des soldats de l’armée israélienne pendant sa détention. « C’était une vengeance contre notre film » a-t-il dit. « J’entendais les voix des soldats, ils se moquaient de moi… J’ai entendu le mot « Oscar ».

Son avocate, Lea Tsemel, a dit que ces trois personnes n’ont reçu que des soins minimes pour leurs blessures dues à l’attaque et qu’elle n’avait pas eu accès à eux pendant plusieurs heures après leur arrestation.

Un porte-parole des Forces de Défense d’Israël a nié que Ballal ait été battu en détention, disant que « il s’est avéré que les accusations de coups portés pendant la nuit dans un centre de détention de l’IDF n’avaient aucun fondement ».

« Les forces de l’IDF ont facilité le traitement médical des détenus après le transfert initial des suspects à la police d’Israël, et pendant toute la nuit les détenus sont restés dans un centre de détention militaire, menottés selon le protocole opérationnel ».

Le porte-parole n’a pas répondu aux accusations de Ballal disant qu’il avait été battu par des soldats de l’IDF devant chez lui.

Né en 1989 à Susya, Hamdan Ballal Al-Huraini est devenu cinéaste, photographe et militant des droits humains. Il a été applaudi en tant que coréalisateur de No Other Land (2024), qui montre la violence des colons et le déplacement des villages palestiniens de Masafer Yatta entre 2019 et 2023.

Plus tôt dans le mois, lui et les autres réalisateurs du film sont apparus sur la scène des 97è Academy Awards, à Los Angeles, où ils ont reçu l’Oscar du meilleur documentaire.

La création israélo-palestinienne a gagné une série de récompenses à partir du festival international de films de Berlin de 2024. Elle a aussi entraîné de la colère en Israël et ailleurs. Le maire de Miami Beach en Floride a proposé de supprimer le bail locatif d’une salle qui a projeté le film. La ministre de la culture d’Israël, Miki Zohar, a appelé la victoire aux Oscars « un triste moment pour le monde du cinéma ».

« Nous avons remporté l’Oscar il y a tout juste trois semaines et la violence s’est accrue » a dit Ballal. « non seulement contre moi , non seulement contre les activistes et d’autres membres de l’équipe du film, mais contre tous les habitants ».

Le coréalisateur de No Other Land, Yuval Abraham a déclaré sur X que l’Académie des Arts et des Sciences du Cinéma qui organise les Oscars, a refusé de soutenir publiquement Hamdan Ballal, et c’est triste, alors qu’il a été frappé et torturé par des soldats israéliens et des colons. Plusieurs membres de l’Académie US – en particulier dans le domaine du documentaire – ont poussé à faire une déclaration, mais cela a finalement été refusé. On nous a dit que parce que d’autres Palestiniens avaient été battus pendant l’attaque des colons, cela pouvait être considéré comme étant sans lien avec le film et que donc ils ne voyaient pas la nécessité de répondre.

« En d’autres termes », a dit Abraham, « tandis qu’Hamdan était clairement ciblé pour avoir réalisé No Other Land, il était aussi ciblé en tant que Palestinien – comme un nombre incalculable d’autres chaque jour, qui sont méprisés. Cela a, semble-t-il, donné un prétexte à l’Académie pour garder le silence quand un réalisateur de cinéma qu’elle a honoré, qui vit sous occupation israélienne, avait le plus besoin d’elle ». 

Un commentaire a été demandé à l’Académie.

L’armée israélienne a désigné Masafer Yatta dans le sud de la Cisjordanie comme zone d’entraînement au tir dans les années 1980 et a ordonné l’expulsion des habitants, des Arabes Bédouins en majorité. Un millier de personnes environ sont restées sur place, mais les soldats sont régulièrement venus démolir des maisons, des tentes, des réservoirs d’eau et des oliveraies et les Palestiniens craignent qu’une véritable expulsion se produise à tout moment.

Pendant la guerre contre Gaza, Israël a tué des centaines de Palestiniens en Cisjordanie, au cours d’opérations militaires de grande ampleur et il y a aussi eu une augmentation des attaques de colons contre les Palestiniens.

Le CJNV a donné des détails d’au moins 43 attaques du village de Susya depuis le début de l’année, perpétrées par des colons violents.

« Ils ne vont pas s’arrêter maintenant » a dit Ballal. « Les colons vont continuer à nous attaquer. Désormais, je suis plus effrayé qu’avant.

« Après ce qu’ils m’ont fait », a-t-il ajouté, « je crains que maintenant cela arrive à d’autres ». 

  • Photo : Hamdan Ballal, réalisateur d’un film palestinien lauréat d’un Oscar a dit que les colons israéliens qui l’ont attaqué ont été aidés par deux soldats israéliens qui l’ont frappé avec les crosses de leurs fusils devant sa maison et qu’ils l’ont menacé de mort.