Au nom de plus de huit cents universitaires, membres d’Academia for Equality, nous lançons l’alerte dans l’urgence contre la décision de l’administration de l’Université hébraïque de suspendre le professeur Nadera Shalhoub-Kevorkian de ses fonctions d’enseignante en raison de ses déclarations sur la guerre actuelle.
Au nom de plus de huit cents universitaires, membres d’Academia for Equality, nous lançons l’alerte dans l’urgence contre la décision de l’administration de l’Université hébraïque de suspendre le professeur Nadera Shalhoub-Kevorkian de ses fonctions d’enseignante en raison de ses déclarations sur la guerre actuelle. Outre la violence extrême exercée par l’armée israélienne sur la population civile de la bande de Gaza, d’autres branches de l’État tentent de détruire la société civile critique en Israël et de réduire au silence les voix des intellectuels opposés à la guerre et à d’autres politiques israéliennes, en particulier celles de citoyens palestiniens de l’État.
La législation israélienne et les règlements des universités prévoient des mesures qui permettent de poursuivre les partisans du terrorisme et du racisme et de prendre des mesures disciplinaires à leur encontre. Mais la loi et les règlements n’ont pas été utilisés dans les innombrables cas où des universitaires et des étudiants juifs ont incité au génocide dans la bande de Gaza et à la violence contre les membres de la communauté universitaire. En revanche, sous la pression d’organisations fascistes proches du gouvernement et de ministres de haut rang, de nombreuses procédures ont été engagées depuis le début de la guerre contre des étudiants et des universitaires, palestiniens et juifs, qui ont exprimé leur solidarité avec le peuple palestinien et leur opposition aux atrocités commises dans la bande de Gaza. De même, les mesures prises à l’encontre du professeur Shalhoub-Kevorkian sont en contradiction avec le règlement de l’université, qui n’autorise pas le président ou le recteur à suspendre un enseignant en raison de ses propos, et avec la loi, qui n’interdit pas l’expression de tels points de vue.
Nous avons écouté attentivement les remarques du professeur Shalhoub-Kevorkian, y compris l’interview en podcast sur laquelle sont basés les raisons officielles de sa suspension. Bien que nous ne soyons pas nécessairement d’accord avec toutes les opinions exprimées, les allégations de l’université à son encontre ne sont pas fondées ; elles semblent n’être que de simples répétitions paresseuses des plaintes déposées par des organisations fascistes contre l’université et des membres de la Knesset, telles qu’elles ont été rapportées dans les médias. Les remarques du professeur Shalhoub-Kevorkian ne constituent pas une incitation à la haine, une menace, un soutien au terrorisme ou au racisme, ou un déni du massacre du 7 octobre. Elles représentent plutôt un point de vue critique sur les actions d’Israël pendant la guerre actuelle. En tant que telle, l’attaque contre la professeure Shalhoub-Kevorkian représente un phénomène global : les administrations des établissements d’enseignement supérieur israéliens sont devenues des pions entre les mains du gouvernement d’extrême droite, cherchant à intimider la minorité palestinienne de l’État et à faire taire toute critique – y compris les critiques qui seraient conformes à la vision binationale des fondateurs de l’Université hébraïque, Judah Magnes et Martin Buber.
Nous souhaitons donc mettre en garde l’ensemble de la communauté universitaire : si nous tolérons le préjudice subi par la professeure Shalhoub-Kevorkian, aucun d’entre nous ne sera à l’abri. La liberté d’expression et de recherche est la quintessence de la vie académique, et sans elle, les universités perdent leur raison d’être. Si l’administration de l’Université hébraïque ne revient pas sur sa décision indéfendable, les vannes risquent de s’ouvrir sur un déluge d’actes de répression qui n’épargnera pas ceux qui estiment que leur acquiescement à l’effort de guerre les absoudra du « péché » d’avoir protesté contre le gouvernement avant la guerre. Ceci est un signe avant-coureur clair de ce qui nous attend.