Adnan Al-Bursh, chirurgien de premier plan à Gaza, meurt dans une prison israélienne

CNN — Un chirurgien de premier plan à Gaza est mort dans une prison israélienne après plus de quatre mois de détention, selon des groupes de prisonniers palestiniens qui ont dénoncé sa mort en estimant qu’elle participe d’un “ciblage systématique” des soignants.

La mort du Dr Adnan Al-Bursh, chef du service d’orthopédie de l’hôpital Al-Shifa à Gaza Ville, a été annoncée le 19 avril par les autorités de la prison israélienne d’Ofer en Cisjordanie occupée, selon un communiqué conjoint publié jeudi [2 mai] par l’Association des prisonniers palestiniens et la Commission des affaires des détenus.

Al-Bursh a été arrêté en décembre en même temps que 10 autres travailleurs médicaux, lors de l’invasion terrestre du camp de réfugiés de Jabalya par l’armée israélienne, comme relaté dans un reportage de CNN. Selon le communiqué, il a été capturé pendant qu’il soignait des patients à l’hôpital Al-Awda.

Son corps n’a pas encore été restitué par les autorités israéliennes.

Les associations de prisonniers ont imputé sa mort à Israël, estimant qu’elle participe d’un “processus de ciblage systématique des médecins et du système de soins à Gaza,” affirme le communiqué.

CNN a sollicité un commentaire des Forces de défense d’Israël (FDI).

Le médecin palestinien “aimait la vie”

La mort de cet homme de 50 ans a “profondément affligé tout le monde, sa famille, le personnel médical de l’hôpital Al-Shifa, et les patients du Dr Adnan”, a déclaré à CNN le Dr Marwan Abu Saada, directeur de l’hôpital Al-Shifa.

“Nous ne nous y attendions pas du tout, et il est difficile pour l’esprit humain de supporter cette nouvelle”, a-t-il souligné. “Le Dr Adnan aimait la vie, il était joyeux, et tout le monde l’aimait.”

Mohammad Al-Bursh, neveu d’Adnan Al-Bursh, a précisé à CNN lors d’un entretien par téléphone qu’il avait appris la mort de son oncle à environ 13h jeudi par l’Association des prisonniers palestiniens.

“Je ne savais pas comment le dire à sa femme et à mon père. Des nouvelles pareilles, c’est difficile à supporter… Nous sommes sous le choc, plus que quiconque ne peut l’imaginer. Nous souffrons”, a-t-il continué.

Dernier de neuf enfants, le Dr Al-Bursh ne pratiquait pas seulement la médecine : il était également conseiller sportif de l’équipe nationale palestinienne de football, a raconté son neveu.

Selon son entretien avec CNN, son oncle a travaillé sans interruption au paroxysme de la guerre de Gaza, s’accordant seulement une heure le matin pour faire du jogging et du sport près de la plage.

Le chirurgien palestinien Adnan Al-Bursh (à gauche) soigne un enfant palestinien blessé dans un hôpital de Gaza. Ministère de la Santé, Gaza

“Après le 10 octobre 2023, il a passé à l’hôpital Al-Shifa tout le temps dont il disposait. Il n’a même pas vu son épouse jusqu’à, peut-être deux semaines plus tard”, a raconté Mohammad.

Selon le récit fait par Mohammad à CNN, lors de la première incursion israélienne dans l’hôpital Al-Shifa, des soldats israéliens ont dit aux membres du personnel médical, y compris le Dr Al-Bursh, qu’ils pouvaient soit quitter l’hôpital et aller vers le sud soit s’exposer à une arrestation.

Toujours selon Mohammad, il a obéi aux ordres et il est allé temporairement vers le sud, revenant vers le nord de Gaza quand il lui a semblé que les routes étaient sûres. Le Dr Al-Bursh a fini par se déplacer d’un hôpital de Gaza à un autre, chacun de ces établissements subissant finalement les incursions israéliennes.

Selon Mohammad, le Dr Al-Bursh a eu la possibilité de fuir et de se mettre à l’abri à Jabalya, mais il était déterminé à continuer à travailler. Jusqu’au jour où il a été arrêté par des soldats israéliens, le 14 décembre de l’an dernier.

Mohammad explique qu’il a essayé d’obtenir des informations sur l’arrestation de son oncle auprès des autorités et des avocats mais qu’on l’a laissé dans l’ignorance.

Al-Bursh avec deux de ses enfants. Selon des propos de ses collègues à CNN, le médecin « aimait la vie ». Mohammad Al-Bursh

Allégations de mauvais traitements physiques et psychologiques

De même que Mohammad, Abu Saada indique qu’il avait demandé auparavant aux autorités israéliennes des renseignements sur l’incarcération d’Al-Bursh mais “n’avait obtenu aucune information”. Selon Abu Saada, un des co-détenus d’Al-Bursh – qui a été libéré par la suite – a dit que le chirurgien avait été torturé et tué.

CNN ne peut pas vérifier de façon indépendante l’allégation selon laquelle des tortures auraient été subies par Al-Bursh en détention. Cependant, selon les témoignages de dizaines de Palestiniens libérés par Israël au cours de ces derniers mois, des mauvais traitements physiques et psychologiques auraient été couramment pratiqués envers les personnes incarcérées par Israël pendant la guerre de Gaza.

Les FDI ont assuré antérieurement qu’elles traitent tous les détenus conformément au droit international.

Un rapport non publié compilé par les Nations unies, auquel CNN a eu accès, décrit des coups, la privation de sommeil, des atteintes sexuelles et des menaces de violences sexuelles contre les femmes et aussi les hommes détenus par l’armée israélienne.

Jeudi, plus tôt dans la journée, Israël a libéré des dizaines de prisonniers de Gaza via le passage de Kerem Shalom dans le sud d’Israël.

À cette occasion, le corps d’Ismail Khadr, un Palestinien de Gaza mort lui aussi récemment pendant son incarcération par Israël, a été restitué, indiquent les associations de prisonniers dans le communiqué conjoint. Le nombre total de détenus palestiniens morts pendant leur incarcération par Israël depuis le 7 octobre s’élevait alors à 18, précise le communiqué.

Israël a lancé son offensive militaire à Gaza après les attaques menées par le Hamas le 7 octobre, lors desquelles des combattants armés ont tué plus de 1200 personnes dans le sud d’Israël et ont pris en otage plus de 200 personnes. La réponse militaire d’Israël a déclenché depuis lors à Gaza une catastrophe humanitaire qui a embrasé les opinions dans le monde.

Sept mois de bombardements à Gaza ont tué plus de 34600 personnes, selon le ministère de la Santé de Gaza. La moitié des 2,2 millions d’habitants de Gaza est menacée d’inanition, et une famine dont les causes sont humaines est imminente, selon une échelle utilisée par les agences des Nations unies. Des préoccupations relatives à la possibilité d’une opération militaire israélienne à Rafah, dans le sud de Gaza, suscitent de nouveaux appels à un cessez-le-feu.

Des critiques véhémentes se sont élevées à l’égard des actions d’Israël dans les hôpitaux de Gaza et à leurs alentours, tandis que des ONG et des groupes médicaux lancent l’alarme quant à un effondrement imminent du système de santé dans le territoire.

Israël a défendu ses incursions contre les installations médicales à Gaza en soutenant que les combattants du Hamas utilisaient les hôpitaux pour mener des activités militaires au moyen d’un réseau de tunnels souterrains. Le Hamas et le personnel médical de divers hôpitaux dans différents lieux de Gaza démentent ces allégations, et Israël a fait l’objet d’une importante pression internationale afin qu’il prouve ces affirmations.

Le Dr Al-Bursh avait cinq enfants, dont le plus jeune a trois ans, et qui n’avaient pas vu leur père pendant presque cinq mois.

“Hier, je suis entré dans la maison du deuil et j’ai vu deux de ses enfants sauter partout en s’attendant à voir leur père. Ils ne savaient pas qu’il était mort en martyr”, a dit à CNN son neveu, en s’efforçant de retenir ses larmes.

La dernière image postée sur X par le Dr Al-Bursh était une caricature le représentant en tenue d’hôpital au milieu des ruines de Gaza, accompagnée du texte suivant en arabe : “Nous mourrons debout et ne nous mettrons pas à genoux… Il ne reste dans la vallée que ses pierres, et nous sommes ses pierres.”