Des manifestants de la Bande de Gaza ont subi des blessures aux chevilles, rapporte le personnel médical

Un afflux de blessures peut suggérer un ciblage délibéré par l’armée d’Israël, dont les associations des droits de l’homme disent qu’il est illégal.

Des médecins de la Bande de Gaza ont rapporté avoir traité un afflux de manifestants qui semblent avoir été délibérément visés aux chevilles lors des troubles récents à la frontière instable de l’enclave palestinienne sous blocus.

Une personne au moins a été tuée et des dizaines d’autres blessées depuis le début des manifestations à la mi-septembre par des groupes de jeunes gens, certains d’entre eux lançant des pierres et des cocktails Molotov.

Les manifestations ont été ostensiblement organisées pour répondre à la hausse du nombre de visites à Jérusalem dans l’enceinte sensible d’al-Aqsa par des groupes de Juifs, aux raids continus des Forces de Défense Israéliennes (FDI) qui ciblent les cellules palestiniennes armées en Cisjordanie occupée, et à la misère économique causée par le siège israélo-égyptien de Gaza qui atteint sa 16ème année.

Un calme instable est revenu dans la bande et les passages de la frontière pour l’entrée des travailleurs en Israël ont rouvert le 29 septembre après les efforts de médiation de l’ONU, de l’Égypte et du Qatar. Hazem Qasem, porte-parole du Hamas, le groupe militant islamiste qui contrôle la zone depuis 2007, a dit au Guardian : « Les gens de Gaza veulent vivre en paix et dans la dignité. D’autres troubles sont possibles si nos conditions ne sont pas respectées. »

Sept personnes admises à l’hôpital al-Awda dans la ville nordique de Beit Lahia sont encore soignées pour des blessures par balle à la cheville, articulation dont le Dr. Jean Pierre, responsable des activités médicales de Médecins Sans Frontières (MSF) à Gaza, a dit qu’elle était très difficile à soigner.

« Elle est beaucoup plus difficile à soigner que toute autre partie de la jambe parce que c’est une articulation qui porte du poids », a-t-il dit. « Elle comporte une greffe compliquée appelée opération avec ‘lambeau libre’, et cela ne veut pas forcément dire que le patient pourra remarcher. Si elle rate, l’amputation est souvent nécessaire. »

Seuls deux médecins à Gaza peuvent la pratiquer et ils ne disposent pas de l’équipement microscopique nécessaire pour effectuer des réparations vasculaires complexes. »

Les associations de défense des droits de l’homme disent que ces procédures de ciblage sont illégales car elles permettent l’utilisation d’une force potentiellement létale sans menace immédiate sur la vie des soldats.

Dans une déclaration, les FDI ont dit : « Au cours des quelques dernières semaines, l’organisation terroriste Hamas a organisé de violentes émeutes le long de la barrière frontalière dans l’intention de nuire aux forces de sécurité israéliennes … Il convient de noter que les FDI n’ont recours aux tirs à balles réelles qu’après avoir épuisé toutes les options disponibles et uniquement s’il est nécessaire de maîtriser une menace imminente »

Ces dernières violences rappellent les manifestations de la « Grande Marche du Retour » qui ont commencé en 2018 et ont duré presque deux ans et dans lesquelles 227 Palestiniens ont été tués dans les manifestations hebdomadaires le long des barrières de séparation. Ces manifestations ont été attisées par la décision de Donald Trump de reconnaître la ville disputée de Jérusalem comme la capitale d’Israël.

Environ 60 % des milliers de blessés ont été frappés aux jambes par les tirs des snipers, d’après le ministère local de la Santé – admissions qui ont surchargé un secteur médical déjà en train de s’effondrer.

Depuis lors, les amputés utilisant des béquilles sont devenus un spectacle courant dans les rues de l’enclave. Pour y répondre, MSF a financé une nouvelle clinique de prothèses pour les résidents de la bande et un centre de reconstruction des membres à l’hôpital al-Awda.

« C’est triste à dire, mais nous sommes devenus des experts dans ce domaine », a dit Rami Abu Jasser, l’un des directeurs du centre. « Nous avons maintenant de bien meilleures installations et équipements qu’en 2018 et nous pouvons effectuer la plupart des interventions orthopédiques et plastiques. Mais nous ne pouvons toujours pas traiter plus d’une poignée de personnes par jour. »

L’un des manifestants blessés, qui dit s’appeler Khalid, avait eu les deux chevilles traversées par une seule balle. Il était en bonne voie de guérison, disaient les médecins, mais on ne saurait pas avant des mois s’il serait capable de remarcher.

« J’ai été blessé cinq fois dans les Marches du Retour », a dit cet homme de 26 ans, retroussant son pantalon pour dévoiler les cicatrices autour de ses genoux. « A la cuisse, aux hanches, et j’ai un shrapnel dans la tête. »

Khalid était l’un des plusieurs centaines de jeunes gens qui ont pris part aux récents affrontements à la barrière de séparation, à la demande d’un nouveau groupe appelé « Les Jeunes Rebelles ». Cependant, de nombreuses personnes de Gaza ont dit qu’elles pensaient que le Hamas était finalement responsable d’avoir attisé la violence en marge. La dernière série de manifestations ne semble pas bénéficier d’un soutien public significatif.

Depuis que le Hamas a pris le contrôle de la bande de 42 km² (16 miles carrés), Israël a lancé quatre guerres et plusieurs plus petites conflagrations contre les dirigeants de la zone et ses autres factions actives. Elles se sont avérées dévastatrices pour les 2.3 millions d’habitants de la zone. Les résidents de Gaza n’ont par ailleurs pour ainsi dire aucune liberté de circulation, et les soins de santé, l’électricité, l’assainissement et autres infrastructures essentielles se sont toutes pratiquement effondrées depuis qu’Israël a imposé ce blocus.

Après la dernière grande guerre en 2021, Israël a progressivement augmenté les permis de travail dans l’agriculture et le bâtiment pour les gens de Gaza, incitation pour le Hamas à se tenir tranquille pour atténuer l’extrême pauvreté de la région et les troubles qui l’accompagnent. Le taux de chômage à Gaza se maintient à environ 50 % depuis des années et plus de la moitié de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté.

Environ 18.500 hommes sont éligibles à un travail en Israël, rapportant environ 2 millions £ par jour à Gaza ; beaucoup de familles et d’entreprises ont vivement ressenti la fermeture de 12 jours de la frontière imposée après le début des manifestations. Israël est maintenant coincé entre un désir de montrer au Hamas qu’alimenter la vague actuelle de troubles en Cisjordanie a des conséquences financières et le besoin de maintenir le calme sur le front de Gaza.

Le Hamas a annoncé le mois dernier qu’il réduirait le salaire de 50.000 fonctionnaires, reprochant au Qatar la redirection de l’aide promise. Les échanges avec Doha sur le financement se poursuivent.

Un récent rapport du Fond Monétaire International a dit que, pour toute reprise économique stable et durable à Gaza, « la levée du blocus et l’assouplissement des restrictions imposées par Israël sont indispensables ».