Les élèves arabes de Jérusalem reçoivent moins de la moitié du financement de leurs homologues juifs

La municipalité transfère moins aux écoles de Jérusalem Est que le budget accordé par le ministère de l’Éducation.

Un élève d’un établissement secondaire municipal de Jérusalem Est obtient moins de la moitié du financement de son homologue dans la partie ouest de la capitale[[[N.D.T.] Jérusalem n’est pas la capitale d’Israël selon le droit international]], d’après le budget de la municipalité de Jérusalem.

En fait, il y a des écoles de Jérusalem Est qui ne reçoivent même pas le financement que le ministère de l’Education attribue pour eux à la ville, comme le montre une analyse du budget. La municipalité déclare que l’analyse n’est pas juste et ne tient pas compte des différences qui existent entre les systèmes éducatifs.

Il y a 782 élèves dans le lycée Beit Hinuch de Jérusalem Ouest et 783 dans le lycée de garçons de Ras al-Amud dans l’Est de la capitale. Ce sont tous les deux des lycées municipaux, ce qui veut dire que leurs budgets proviennent de la municipalité et du ministère de l’Education. Le budget total alloué en 2016 par la ville à Beit Hinuch est de 16.3 millions de shekels (4.3 millions $), tandis que le lycée arabe, avec le même nombre d’élèves, ne recevra que 2.9 millions de shekels (766.993 $). Le nombre de postes d’enseignants approuvé pour Beit Hinuch est de 70,8, tandis que pour Ras al-Amud, il n’est que de 21,7.

Une comparaison de chaque clause du budget indique que le financement pour l’école de Jérusalem Ouest est incommensurablement plus élevé que celui de son homologue de Jérusalem Est.

La municipalité a répliqué que ces écoles ne pouvaient pas être comparées et que le faire était manipulateur. « De la même façon que vous ne pouvez pas comparer Haaretz et Israel Hayom, vous ne pouvez pas comparer différentes écoles de tailles différentes et avec différentes caractéristiques, avec un nombre différent de professeurs et des sources de financement trouvées dans d’autres clauses », a dit la municipalité.

Mais les efforts pour trouver des clauses spéciales qui bénéficieraient aux écoles de Jérusalem Est se sont avérés vains. Par exemple, la municipalité prétend que le manque de bâtiments scolaires à l’Est de la ville exige d’elle qu’elle dépense des sommes très importantes en loyers. En réalité, la ville dépense cette année quelque 42 millions de shekels en location de locaux pour les écoles de Jérusalem Est.

Mais l’école de Ras al-Amud n’est pas sur la liste des écoles situées dans des bâtiments loués pour lesquels on paie un loyer. Et même si c’était le cas, le loyer le plus élevé que la ville paie pour un seul bâtiment, c’est un million de shekels par an, ce qui n’explique pas l’énorme écart de financement de 13 millions de shekels entre les deux écoles.

La ville a aussi prétendu que des dépenses supplémentaires sont faites pour des rénovations à Jérusalem Est, mais le budget montre que le secteur arabe est celui qui obtient le moins des trois secteurs (général, ultra-orthodoxe et arabe) pour des rénovations. Cette année, les écoles arabes ont reçu huit millions de shekels pour des rénovations, tandis que les écoles ultra-orthodoxes (Haredi) ont reçu 42 millions de shekels et que les écoles laïques et nationales religieuses ont reçu 45 millions de shekels.

Par ailleurs, un regard sur les financements versés par le ministère de l’Education révèle que les écoles arabes ne reçoivent pas le montant qui leur est alloué par le ministère. A Jérusalem Ouest au contraire, la ville dépense non seulement l’argent qu’elle reçoit du gouvernement, mais elle ajoute un financement supplémentaire tiré du budget municipal.

Ainsi par exemple, le ministère de l’Education a budgété 4.9 millions de shekels pour l’école de Ras al-Amud, qui n’a pourtant reçu que 2.9 millions de shekels de la ville. Beit Hinuch, de son côté, a reçu la totalité des 14.9 millions de shekels du ministère, plus 1.4 millions de shekels supplémentaires du ministère.

Cette pratique discriminatoire n’est pas réservée qu’à ces seules deux écoles. Une enquête conduite par la conseillère municipale Laura Wharton (du Meretz) a montré que 11 des 17 établissements secondaires de la ville à Jérusalem Est recevaient moins d’argent, parfois des millions de moins, que ce qui avait été alloué par le ministère de l’Education. A Jérusalem Ouest, le contraire est vrai ; absolument toutes les écoles, sauf une, ont obtenu plus d’argent que la somme versée par le gouvernement, ce qui veut dire que la ville a augmenté leurs budgets avec ses propres fonds.

Les écarts sont aussi évidents dans le financement original budgété par le ministère de l’Education. Pour les 12.864 collégiens et lycéens des établissements secondaires municipaux de Jérusalem Est, le ministère a budgété 106 millions de shekels, tandis que pour les 7.009 collégiens et lycéens de Jérusalem Ouest, le budget du gouvernement a atteint 136 millions de shekels.

Il faudrait noter que le financement du gouvernement se fonde sur divers facteurs, dont l’ancienneté du professeur (généralement plus grande à Jérusalem Ouest), la disponibilité de diplômés de l’université et le fait ou non que les enseignants aient accepté les plans de réforme salariale (Oz Letmura et Ofek Hadash).

Les informateurs de l’Education à Jérusalem ont essayé d’expliquer les écarts en disant que l’auto-financement des écoles, habituel à Jérusalem Ouest mais pas à Jérusalem Est, met plus d’argent à disposition des écoles de Jérusalem Ouest. Une autre raison avancée est que les écoles de Jérusalem Est ne peuvent pas utiliser tous les budgets dont ils disposent à cause du manque d’infrastructures. Par exemple, si l’école ne dispose pas de salle d’informatique, elle aura beaucoup de difficulté à obtenir des heures d’enseignement de technologie.

Les éducateurs de Jérusalem Est voient les choses différemment. Un principal de Jérusalem Est a dit que les parents juifs sont bien plus forts pour demander de l’argent pour leurs écoles. « Ils parlent l’hébreu, ils ont des ONGs et des avocats, ils savent exactement quel est leur budget et s’attendent à en obtenir la totalité. Et s’ils ne l’obtiennent pas, ils partent en guerre », a dit le principal.

« Ce que nous voyons là, c’est que, non seulement la municipalité n’accorde pas le même financement à la partie orientale de la ville qu’aux élèves de la partie occidentale, mais elle prélève en réalité de l’argent sur le financement destiné aux élèves de Jérusalem Est », a dit Wharton. « C’est scandaleux. J’espère vraiment que le ministère de l’Education, le contrôleur de l’État et quiconque soucieux d’une administration convenable aideront à mener une enquête et à corriger ce qui doit l’être. »

Dans sa réponse, la municipalité a critiqué Haaretz pour sa « confiance dans des données collectées par une politicienne avec des considérations évidentes et non pertinentes » pour faire les gros titres.

La ville a expliqué la différence entre les écoles autogérées et celles de Jérusalem Est en disant que certaines dépenses des écoles de Jérusalem sont directement payées par la ville, contrairement aux écoles juives à qui on donne la totalité de leur financement avec lequel elles doivent couvrir leurs dépenses. « Il faut souligner que tout argent qui vient du ministère de l’Education est alloué pour des objectifs spécifiques et le ministère en est informé comme exigé », a ajouté la ville.