5.000 arbres vandalisés en moins de cinq mois dans des villages palestiniens de Cisjordanie

D’après des données réunies par l’ONU, des milliers d’oliviers ont été déracinés dans des dizaines de villages palestiniens. Les résidents sont certains que les colons en sont responsables et dénoncent les autorités israéliennes qui ne s’occupent pas des vandales.

Quelque 5.000 arbres dans des dizaines de villages palestiniens de Cisjordanie ont été vandalisés en moins de cinq mois, d’après les données des Nations Unies rassemblées jusqu’à fin avril et par les rapports de la semaine dernière des résidents locaux.

Dans ces actes de vandalisme, il y a l’abattage principalement d’oliviers, leur arrachage et leur déracinement dans des zones de Cisjordanie sous contrôle sécuritaire total d’Israël. Ces actions se produisent de façon répétée depuis le milieu des années 1990 et les fermiers palestiniens sont certains que les vandales sont des Juifs israéliens qui vivent dans les colonies ou les avant-postes voisins ou qui s’y rendent.

L’Office de l’ONU pour la Coordination des Affaires Humanitaires (OCHA) publie toutes les deux ou trois semaines un résumé des actes de violence commis en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza. En se fondant sur les rapports émis par des Palestiniens, du 20 décembre 2022 à fin avril 2023, OCHA a listé 84 incidents dans lesquels des individus inconnus ont vandalisé plus de 4.000 arbres appartenant à des Palestiniens à travers la Cisjordanie.

Depuis début mai, les Palestiniens ont fait état de dommages sur environ 250 jeunes arbres dans le village de Kufr Ad-Dik au nord de la Cisjordanie. Ils avaient également rapporté la vandalisation d’un bosquet dans la ville de Sinjil, au nord de Ramallah, et dans le village de Deir Sharaf, à l’ouest de Naplouse, où 155 arbres ont été endommagés. Les Palestiniens ont également rapporté que quelques 750 arbres qui venaient d’être plantés ont été déracinés, et certains volés, dans le village de Burqa, également à l’ouest de Naplouse.

Bashar Qaryouti, membre du conseil du village de Qaryut, au nord de Ramallah, a dit à Haaretz qu’au cours des quatre dernières semaines, des individus inconnus ont vandalisé et abattu environ 200 très vieux oliviers (connus sous le nom d’arbres « Romains ») qui appartenaient aux résidents du village. Les vandales ont agi à quatre ou cinq reprises en plein jour et ont continué même après que des plaintes aient été déposées auprès des autorités israéliennes.

Les arbres mutilés se trouvent dans une zone connue sous le nom d’Al-Batisha, où sont plantés des milliers d’oliviers, dont beaucoup ont plus de 100 ans. Les arbres recouvrent les collines qui se trouvent au nord-ouest du village et ne sont donc pas directement visibles depuis les maisons.

Qaryouti dit que l’après-midi du 5 avril (et veille de la Pâque juive), l’un des fermiers du village a entendu le bruit d’une scie électrique et d’arbres abattus. Les résidents qui se sont rués sur la zone ont découvert qu’environ 45 arbres avaient été tronçonnés. Ils ont immédiatement informé le comité de liaison de l’Autorité Palestinienne, la Coordination israélienne du District, et l’Office de Liaison et la police, et leur ont indiqué l’endroit précis. Néanmoins, quand Qaryouti et d’autres résidents locaux sont arrivés sur les lieux les jours suivants, ils ont découvert que d’autres arbres encore avaient été vandalisés et abattus.

Pendant une tournée sur le site jeudi dernier avec Haaretz, Qaryouti et un autre résident local, Yasser Mansour, ont été choqués en découvrant des arbres endommagés, qui étaient encore intacts deux jours plus tôt. « C’est un massacre, une exécution », a dit Mansour en décrivant ces actes. Environ 25 de ses 200 arbres avaient été vandalisés, sans parler des arbres qui appartenaient à ses frères.

Qaryouti a dit que, lorsqu’ils sont allés déposer plainte au poste de police du Conseil Régional de Maleh Binyamin, on lui a dit de revenir un autre jour parce qu’il n’y avait pas d’enquêteur parlant arabe disponible.

Le 19 avril, après que d’autres arbres vandalisés aient été découverts, le policier enquêteur a demandé à Qaryouti de fournir les documents nécessaires pour prouver son droit de propriété sur le terrain, même alors que l’âge des arbres et leur localisation témoignaient de leur appartenance aux familles du village depuis des générations.

Le bureau du parte-parole pour le Coordinateur des Activités du Gouvernement dans les Territoires (COGAT) n’a pas répondu à la question d’Haaretz à ce sujet.

Un porte-parole de la police a répondu : « A la réception du rapport, la police a ouvert une enquête au cours de laquelle une série d’actions ont été menées, dont des enquêtes menées physiquement sur place pour recueillir des preuves. Dans le cadre de cette enquête, et sans aucune connexion avec sa poursuite, on a demandé au plaignant de présenter des documents témoignant de son titre de propriété sur cette terre. »

Les résidents de Qaryut ont parlé à Haaretz d’un Israélien qui vit dans un avant-poste près de la colonie d’Eli, sur la colline qui surplombe exactement les arbres qui ont été vandalisés. Les résidents ont dit qu’ils avaient déposé à la police quantité de plaintes contre lui dans le passé. « Il y a des caméras de sécurité de la colonie d’Eli au sommet. Si la police le voulait, ils auraient immédiatement trouvé qui a attaqué les arbres », a dit Qaryouti.

Depuis 2012, les arbres de la région d’Al-Batisha ont plusieurs fois subi diverses formes de dégâts, a ajouté Qaryouti. « Presque tous les ans, quelqu’un a coupé quelques arbres. Parfois [cela se passe] avant la récolte, parfois nous découvrons pendant la saison des labours qu’un arbre a été attaqué. Une fois, ils ont même mis le feu. Mais cette année, l’étendue et la saison sont différentes », a-t-il dit.

D’après Qaryouti, il y a environ trois ans, les forces de défense israéliennes ont essayé de limiter l’accès des fermiers palestiniens à leurs terres dans cette zone (comme elle le fait tout autant dans d’autres régions), et leur ont imposé de n’accéder à leur terre que quelques jours dans l‘année, après coordination préalable avec les FDI et le COGAT. Les résidents locaux s’y sont opposés par l’intermédiaire de leur avocat, Quamar Mishraqi As’ad, et l’armée a renoncé à faire respecter l’obligation.

Les rapports de l’ONU présentent d’autres violentes attaques des Israéliens contre les Palestiniens et leurs biens qui, au cours des quatre premiers mois de 2023, se montent à 352 incidents, dont 95 cas de dommages corporels. A titre de comparaison, en 2022, l’ONU a fait état de 849 attaques de colons, dont 228 comportaient des dommages physiques aux personnes.