YouTube devient le nouveau champ de bataille d’Israël contre les Palestiniens

Autrefois, il incombait aux politiques et aux diplomates de résoudre les conflits internationaux. Maintenant, selon le premier ministre d’Israël Benjamin Netanyahu, la responsabilité se trouve dans les médias sociaux. Tzipi….

Autrefois, il incombait aux politiques et aux diplomates de résoudre les conflits internationaux. Maintenant, selon le premier ministre d’Israël Benjamin Netanyahu, la responsabilité se trouve dans les médias sociaux.

Tzipi Hotovely, vice-ministre des Affaires Etrangères d’Israël, s’est envolée vers Silicone Valley à la fin du mois dernier pour rencontrer les dirigeants de Google et de sa filiale YouTube. Sa mission était de les persuader que, dans l’intérêt de la paix, ils devaient censurer le nombre croissant de vidéos postées sur YouTube.

Netanyahu prétend que ces vidéos poussent d’autres Palestiniens à conduire des attaques, ce qui serait démontré par les semaines d’agressions au couteau et d’attaques à la voiture contre des soldats ou des civils israéliens.

Après la rencontre, la ministre des Affaires Etrangères a émis un communiqué de presse prétendant que Google avait rejoint Israël dans sa « guerre contre l’incitation » et qu’il installerait un « dispositif conjoint » pour empêcher la publication de vidéos incendiaires. La semaine dernière, Google a nié avoir conclu quelque accord que ce soit.

Sur d’autres fronts de cette soi-disant guerre, l’armée israélienne a fermé trois stations de radio en Cisjordanie, les accusant de fomenter de l’agitation. Et en Israël même, des fonctionnaires ont fermé un journal et des sites web indépendants desservant la large minorité palestinienne d’Israël.

Pendant ce temps, des Palestiniens, dont des enfants, ont été arrêtés en raison de leurs messages sur Facebook. D’autres, accusés par Netanyahu de répandre une incitation de type terroriste, comprennent le Hamas, le président palestinien Mahmoud Abbas, le système éducatif palestinien, les partis palestiniens au parlement d’Israël et les organisations de défense des droits de l’Homme.

Un profond cynisme est ici à l’oeuvre.

C’est vrai, les Palestiniens enragent de voir des enregistrements qui montrent leurs compatriotes tués ou exécutés par des Israéliens, souvent après qu’ils aient été désarmés ou acculés, ou – dans le cas de deux adolescentes le mois dernier – gravement blessées.

Mais, dans de nombreux cas, ces sortes de vidéos sont publiées, non pas par des Palestiniens, mais par de simples israéliens ou par leur gouvernement comme preuves d’une prétendue « barbarie » palestinienne.

La plupart des vidéos palestiniennes ne sont qu’un récit de leurs amères expériences de l’occupation aux mains des soldats et des colons. Ce sont ces expériences, pas les vidéos, qui conduisent les Palestiniens au point de rupture.

Une « guerre à l’incitation » menée sur YouTube et Facebook ne changera pas la souffrance des Palestiniens. Mais elle peut, c’est probablement ce qu’espère Netanyahu, cacher la brutalité d’Israël aux yeux du monde.

L’agitation s’est accrue ces derniers temps, non pas à cause des réseaux sociaux, mais parce que les Palestiniens, confrontés à un gouvernement israélien implacablement opposé à mettre fin à l’occupation, perdent tout espoir.

Des généraux israéliens ont averti Netanyahu que, sans un processus diplomatique, il n’y aurait pas de fin aux attaques. Faute de pouvoir cacher cette vérité évidente, la droite israélienne a besoin de tout blâmer, sauf son idéologie intraitable.

La bataille d’Israël contre l’ « incitation » n’est pas simplement destinée à détourner l’attention de l’échec de la politique de la droite. Elle est aussi elle même une forme d’incitation et il n’est pas surprenant que cette campagne soit menée par deux maîtres de la provocation : Netanyahu et Hotovely.

Israël a accusé les Palestiniens de chercher à suggérer que Al Aqsa, mosquée très révérée de Jérusalem, était menacée, et pourtant Hotovely a dit récemment qu’elle « rêvait » de voir le drapeau israélien flotter sur Al Aqsa.

On a rappelé aussi les sinistres propos de Netanyahu lui-même. Une enquête a été abandonnée le mois dernier contre le premier ministre à propos de ses alertes, dans lesquelles il utilisait la terminologie israélienne en cas d’urgence militaire, comme quoi les citoyens palestiniens allaient venir « en masse » pour voter aux élections législatives du mois de mars.

Une conséquence de cette incitation inspirée par le gouvernement est un climat encore plus affreux. Dans beaucoup de villes, des foules criant « mort aux Arabes » ne font même plus lever un sourcil.

La ministre de la Justice, Ayelet Shaked, a soutenu le projet de loi de stigmatisation des associations israéliennes de droits de l’Homme qui reçoivent des financement étrangers, principalement européens. Et la ministre de la Culture, Miri Regev, a exigé que la présentation de films sur la Nakba, dépossession de masse des Palestiniens en 1948, dans un festival israélien, soit revue pour « incitation », et que les cinémas qui les programment soient menacés de retrait des financements.

Les meetings publics avec des associations telles que Breaking the Silence (Rompre le Silence), vétérans de l’armée israélienne qui veulent mettre les projecteurs sur l’occupation, sont annulés sous la pression de la police.

Et pendant ce temps, Netanyahu donne carte blanche au sites d’information de l’extrême droite lorsqu’ils font des déclarations fausses et pernicieuses.

L’un d’eux, Newsdesk Israel, a utilisé une vidéo vieille de quatre ans sur des Palestiniens se réjouissant de leur entrée aux Nations Unies et l’a reconditionnée en scène de réjouissance de Palestiniens célébrant les massacres de Paris par Daesh. Un autre enregistrement fabriqué suggérait que des citoyens palestiniens faisait de la propagande pour Daesh en mettant ses chants à fond sur la stéréo de leurs voitures.

En réalité, aucun objectif ne semble trop gros pour éviter la diffamation de la droite israélienne – pas même l’Europe, partenaire commercial le plus important d’Israël.

Les politiques israéliens ont travesti en véritable boycott la récente et timide démarche de l’UE pour étiqueter les produits issus des colonies illégales de Cisjordanie et donc leur refuser les exemptions de taxes douanières dont bénéficient les produits israéliens. La droite décrète qu’Israël est le seul à être puni par l’Europe, alors qu’en réalité l’UE a renforcé ses sanctions économiques, et pas seulement l’étiquetage, contre 38 pays.

L’incitation représente vraiment une menace pour l’avenir des Israéliens et des Palestiniens. Mais il faut la chercher dans les mensonges avancés par Netanyahu et ses ministres, pas dans les amères vérités publiées sur YouTube.