UNRWA: Arrêtez la violente campagne d’Israël contre nous

par Philippe Lazzarini, commissaire général de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA – en anglais : United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Near East)

La guerre à Gaza a produit un mépris flagrant pour la mission des Nations Unies, en particulier des attaques scandaleuses contre les employés, les établissements et les opérations de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine.

Ces attaques doivent cesser et le monde doit agir pour faire rendre des comptes aux coupables.

Alors que j’écris ce texte, notre agence a vérifié qu’au moins 192 employés de l’UNRWA ont été tués à Gaza. Plus de 170 locaux de l’UNRWA ont été endommagés ou détruits. Des écoles dirigées par l’UNRWA ont été démolies ; quelque 450 personnes déplacées ont été tuées alors qu’elles s’abritaient dans des écoles ou d’autres structures de l’UNRWA. Depuis le 7 octobre, les forces de sécurité israéliennes ont regroupé le personnel de l’UNRWA à Gaza, dont les membres font état de torture et de mauvais traitements pendant leur détention dans la Bande de Gaza et en Israël.

Les membres du personnel de UNRWA sont régulièrement harcelés et humiliés aux checkpoints israéliens en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est. Des installations de l’agence sont utilisées par les forces de sécurités d’Israël, le Hamas et d’autres groupes armés palestiniens à des fins militaires.

L’UNRWA n’est pas la seule agence des Nations Unies qui soit confrontée au danger. En avril, des tirs ont frappé les véhicules du Programme alimentaire mondial et de l’Unicef, apparemment par inadvertance, mais cela en dépit d’une coordination préalable avec les autorités israéliennes.

L’attaque contre l’UNRWA s’est étendue à Jérusalem-Est, où un membre de la municipalité de Jérusalem a aidé à fomenter des manifestations contre l’UNRWA. Les manifestations deviennent de plus en plus dangereuses, avec au moins deux attaques incendiaires contre notre enceinte de l’UNRWA, et une foule, comprenant des enfants israéliens, rassemblée à l’extérieur de nos locaux et chantant «  Brûlez les Nations Unies ». À d’autres moments, les manifestants ont jeté des pierres.

Les responsables israéliens ne se contentent pas de menacer le travail de notre personnel et notre mission, ils délégitiment l’UNRWA en le caractérisant effectivement comme organisation terroriste qui encouragerait l’extrémisme et en qualifiant les dirigeants des Nations Unies de terroristes en collusion avec le Hamas. En faisant cela, ils créent u dangereux précédent : l’habitude de cibler le personnel et les locaux des Nations Unies.

Comment cela peut-il être possible ? Où est l’indignation internationale ? Son absence est une permission à mépriser les Nations Unies et elle ouvre la porte à l’impunité et au chaos. Si nous tolérons de telles attaques dans le contexte d’Israël et du territoire palestinien occupé, nous ne pouvons défendre des principes humanitaires lors d’autres conflits dans le monde. Cette attaque contre les Nations Unies diminuera encore nos outils pour la paix et la défense contre l’inhumanité dans le monde. Cela ne doit pas devenir la nouvelle norme.

Si Israël a depuis longtemps été hostile à l’UNRWA, après les horribles attaques du 7 octobre il a déclenché une campagne pour identifier l’UNRWA avec le Hamas et dépeindre l’agence comme promouvant l’extrémisme. Dans une nouvelle dimension à cette campagne, le gouvernement israélien a fait de graves allégations selon lesquelles le personnel de l’UNRWA aurait été impliqué dans l’attaque du Hamas.

Sans aucun doute, une enquête doit être menée sur les individus accusés d’actes criminels, en particulier de la déplorable attaque contre Israël. C’est exactement que les Nations Unies sont en train de faire. Ces individus doivent répondre de leurs actes dans des poursuites pénales et, s’ils sont trouvés coupables, ils doivent être punis.

L’Office des services de surveillance interne, le principal organe d’investigation du système des Nations Unies, supervise cette enquête. Il examine les allégations contre 19 des 13 000 membres du personnel de l’UNRWA à Gaza. À ce jour, un cas a été clos parce qu’il n’y avait aucune preuve. Quatre cas ont été suspendus parce que l’information était insuffisante pour poursuivre. Quatorze autres cas demeurent sous investigation.

Mais nous devons distinguer entre le comportement d’individus et le mandat de l’agence de servir aux réfugiés palestiniens. Il est injuste et malhonnête d’attaquer la mission de l’UNRWA sur la base de ces allégations.

En dehors de ces cas, il y a eu d’autres allégations de collusion avec le Hamas, qui, je pense, ont fait — aux yeux de certains — des travailleurs humanitaires et des biens des Nations Unies des cibles légitimes. C’est un danger auquel sont exposés partout les travailleurs des Nations Unies. Le monde doit agir de manière décisive contre les attaques illégitimes contre les Nations Unies, pas seulement pour Gaza et les Palestiniens mais pour toutes les nations. L’adoption la semaine dernière par le Conseil de sécurité des Nations Unies de la Résolution 2730 sur la protection du personnel humanitaire est un développement bienvenu.

La communauté internationale a des moyens pour traiter le fait de commettre des crimes internationaux, comme la Cour pénale internationale. Cependant, l’échelle et l’étendue des attaques contre le personnel et les locaux des Nations Unies dans les territoires palestiniens occupés au cours des sept derniers mois méritent l’établissement urgent d’un organe d’investigation spécifique et indépendant, par une Résolution du Conseil de sécurité ou de l’Assemblée générale des Nations Unies, afin de s’assurer des faits et d’identifier les responsables des attaques contre ses agences. Un tel organe d’investigation peut garantir que des comptes soient rendus et, de manière cruciale, il peut aider à réaffirmer l’inviolabilité du droit international.

Nous devons défendre de manière significative les institutions des Nations Unies et les valeurs qu’elles représentent devant le déchiquetage symbolique de la charte établissant les Nations Unies. Cela peut seulement se réaliser par une action de principe des nations du monde et un engagement de tous pour la paix et la justice.