« Salut, Cathy. Il y a eu un bombardement sur un café. La jambe de Bashar est gravement atteinte. 80% de ses amis sont morts”

C’est le message alarmant que le docteur Catherine Le Scolan-Quéré a reçu en juin 2025 alors qu’elle accomplissait son travail habituel en Bretagne. Il s’agissait de son ami, Bashar Al-Belbeisi, un pharmacien de Gaza âgé de 25 ans.
Un mois plus tard, exactement, le 31 juillet, Bashar a été l’un des cinq patients évacués de Gaza vers la France pour raisons médicales. Il est soigné dans un hôpital de Rennes, dans l’ouest de la France, où les médecins tentent de sauver sa jambe.
Depuis octobre 2023, 919 patients ont été évacués de Gaza vers 16 pays dans la région Europe de l’OMS. La France en a reçu 27 ; sa direction humanitaire dans cette évacuation médicale illustre à quel point le multilatéralisme est essentiel dans notre monde interconnecté pour renforcer la santé au niveau mondial.
Un engagement commun à guérir
Bashar est un pharmacien qualifié et un danseur. Lui et Catherine partagent l’amour de la médecine et un engagement fort pour aider autrui. Tous deux aussi s’intéressent vivement à l’art.

Il se passionne pour le dabke, une danse traditionnelle palestinienne dont il a contribué à l’obtention de la reconnaissance par l’UNESCO ; la passion de Catherine, parallèlement, est pour la photo. Ils se sont rencontrés en 2023 lors d’une tournée de Bashar en France avec sa troupe de danse, Al Farsan. Après la tournée, ils sont restés en contact. Cette année-là, après les attaques du 7 octobre et la guerre qui s’en est suivie, ils ont communiqué plus régulièrement.
Tandis que les fournitures médicales baissaient à Gaza, Bashar a été de plus en plus frustré dans son incapacité à porter de l’aide ; il s’est jeté dans l’animation de sessions de dabke et de yoga pour enfants et jeunes, afin de soutenir leur santé mentale et les distraire du conflit.
« Bashar est une personne intelligente, calme, discrète et à l’esprit très ouvert, doué d’une forte volonté et d’une mentalité impressionnante. Il ne divise pas mais unit plutôt des gens autour de ses projets. C’est une belle âme » dit Catherine. En 2024, elle a signé pour un travail de deux semaines à l’hôpital Al-Nasser de Gaza, offrant ses compétences de médecin.
« J’ai eu le sentiment d’avoir beaucoup de chance en pouvant aider. Quand je suis arrivée dans la cour de l’hôpital al-Nasser, Bashar m’attendait avec sa famille »
Blessure et plaidoyer
Un an plus tard, le 30 juin, Bashar se détendait avec des amis dans un café du front de mer qui a été frappé par un missile. Nombre de ses amis ont été tués sur le coup et il a été horriblement blessé.

« Je pensais que ma jambe avait complètement explosé parce que des os étaient cassés et c’était affreux à voir » dit Bashar.
Pour autant, son supplice ne faisait que commencer.
“Lorsque je suis arrivé à l’hôpital, à cause du nombre de morts et de blessés, on m’a laissé dans le couloir. Le processus de traitement a été très difficile. On manquait de médicaments et l’intervention chirurgicale a été repoussée. Au début, on a dit à ma famille que ma jambe devrait être amputée parce que la plaie ne pouvait pas être nettoyée quotidiennement. J’avais besoin d’antibiotiques et d’analgésiques, mais les produits manquaient. J’ai dû subir quelques nettoyages de la plaie et remplacement de pansements sans anesthésie ».
« Sa jambe nécessitait en urgence de recouvrir le point de fracture d’un lambeau de peau, mais cela ne pouvait pas être fait à Gaza » dit Catherine. « Il souffrait constamment et il ne pouvait dormir qu’une à deux heures par nuit. Il n’y avait rien pour le nourrir ».
Elle a commencé à argumenter pour qu’il soit évacué.
L’évacuation médicale – une chaîne d’humanité
« Chaque patient évacué de Gaza rappelle que derrière les nombres il y a des gens qui ont des espoirs et des aspirations, comme vous et moi » a dit le docteur Hans Henri P. Kluge, le directeur Europe de l’OMS. « Quand des pays ouvrent leurs hôpitaux à des personnes malades et blessées venant de zones de guerre, ils montrent que la coopération est plus forte que le conflit. Jusqu’à présent, 16 pays sur 53 de la région Europe de l’OMS ont accepté 919 patients de Gaza. Mais les besoins restent énormes, avec plus de 14 800 patients nécessitant une évacuation d’urgence. Je remercie la France pour l’accueil de 27 patients à date d’aujourd’hui et j’incite davantage de pays à avancer dans l’aide – en particulier envers les enfants malades et blessés. L’histoire se souviendra de ceux qui ont agi avec compassion et en solidarité ».
Au début de juillet, le programme des urgences de santé de l’OMS Europe, a reçu une demande de soutien pour l’évacuation médicale de Bashar vers la France. Le premier pas a été d’obtenir les documents nécessaires auprès des autorités de santé de Gaza, pour confirmer que son état médical nécessitait une évacuation urgente. Par une communication constante avec le bureau de l’OMS des territoires palestiniens occupés (TPO) de Jérusalem Est, l’approbation demandée a été obtenue.
L’étape suivante a impliqué l’accord officiel du gouvernement français pour recevoir et traiter Bashar. L’équipe OMS a maintenu des relations avec des parties prenantes compétentes dont l’équipe du consulat de France à Jérusalem, le ministère des Affaires étrangères et de l’Europe à Paris, la DG ECHO de l’UE pour la protection civile et les opérations d’aide humanitaire et le Centre de coordination de la réaction d’urgence (ERCC). Cette collaboration a abouti à l’accord du gouvernement pour l’évacuation vers la France, non seulement de Bashar mais de quatre autres patients et leurs compagnes.
La poursuite d’une coordination avec l’ERCC, l’OMS des TPO et les autorités espagnoles a été organisée pour assurer le transport aérien et d’autres dispositions. Cet effort coordonné a conduit à une évacuation médicale réussie pour Bashar et 28 autres patients qui sont actuellement en traitements spéciaux dans quatre pays de la région Europe : France, Norvège, Espagne et Turquie.
Bashar est maintenant à Rennes, en France. Il a déjà subi une première opération et il est suivi par un chirurgien plasticien. Son rétablissement sera long et ardu.
Catherine a été l’une des premières personnes à le saluer à son chevet. « Un mois après qu’il a été blessé, nous ne savons pas si sa jambe peut être sauvée – je l’espère » dit Catherine. « Sa jambe est infectée mais les conditions dans lesquelles il est soigné sont optimales et les chirurgiens vont tout essayer. Pour le moment, il a beaucoup d’amis à Rennes et il est en vie et en sécurité.
« L’évacuation de Bashar a été un succès grâce au professionnalisme et à l’humanité de l’ensemble des équipes de l’OMS et du consulat » poursuit-elle. « C’est un devoir moral du soin de sauver les gens de Gaza. Ce n’est pas une question de politique. C’est une question d’humanité. Toute vie mérite d’être respectée et protégée – c’est ce que l’OMS fait chaque jour ».
« Les blessés et les malades de Gaza sont comme tout un chacun dans le monde », dit Bashar. « Ils ont des rêves, des ambitions et des espoirs, mais ils sont actuellement dans une situation catastrophique. Ils souffrent tous. Les services accessibles dans les hôpitaux de Gaza sont très, très limités. Les patients à Gaza ont besoin de repos et d’un endroit sûr pour leur traitement, aussi est-il très important que des pays aident à évacuer et à porter assistance aux blessés ».
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On estime à 14 800 patients ceux qui ont besoin d’une évacuation médicale urgente de Gaza pour des chirurgies compliquées et /ou des traitements. L’OMS Europe est vivement reconnaissante envers les pays qui se sont engagés à recevoir des patients de Gaza via une évacuation médicale. Nous incitons davantage de pays à aller de l’avant en acceptant des patients et pour que des évacuations médicales soient diligentées par toutes les voies possibles.
L’OMS continue à veiller à ce que la solidarité soit accompagnée d’une coordination et de ressources oeuvrant avec les pays d’accueil et avec les collègues des TPO, du bureau régional de l’OMS pour la Méditerranée orientale et de partenaires de l’Union Européenne et de l’ERCC pour coordonner les évacuations médicales transfrontalières et l a planification logistique.