Un soldat tire et tue Muhammad Suliman (16 ans) qui lançait des pierres à Silwad

Le vendredi 24 juin 2022, vers 16h30, un groupe de 15 à 20 adolescents Palestiniens s’est rassemblé sur un terrain libre au sud-ouest de la ville de Silwad dans le….

Le vendredi 24 juin 2022, vers 16h30, un groupe de 15 à 20 adolescents Palestiniens s’est rassemblé sur un terrain libre au sud-ouest de la ville de Silwad dans le district de Ramallah. Il se tenaient à environ 500 m d’une tour de contrôle de l’armée qui se trouve aux abords de la ville. Certains des adolescents ont jeté des pierres sur des voitures israéliennes passant sur la route principale.

Vers 17h, deux jeeps militaires se sont dirigées vers la tour de contrôle. Quatre soldats sont sortis, se sont tenus près des jeeps et ont observé les adolescents. Au bout de 15 minutes à peu près, un soldat est sorti de derrière le mur d’une ferme où il était caché et a tiré quatre coups sur trois ou quatre garçons, qui étaient à environ 50 mètres. Parmi eux se trouvait Muhammad Suliman âgé de 16 ans. Les jeunes n’ont pas été touchés et se sont enfuis du lieu et le soldat est retourné en embuscade.

Quelques minutes plus tard, Muhammad et deux de ses amis, l’un âgé de 14 ans et l’autre de 15, se sont mis à jeter des pierres sur le soldat et vers la Route 60, pour provoquer les soldats et les faire sortir de leur cachette. Après plusieurs vaines tentatives, les jeunes ont quitté le site de la ferme et de la route et ont allumé un feu de camp.

Vers 18h30, Muhammad et un de ses amis se sont rendu là où les soldats se tenaient en attente et de nouveau ont essayé de les attirer hors de leur cachette. Ils se sont assis à environ 50 mètres de la route et de la cachette des soldats. Lorsqu’ils ont remarqué que les jeeps étaient sur le point d’avancer vers eux, Muhammad s’est levé et a lancé une pierre vers la cachette. À ce moment-là, quatre soldats sont sortis de leur cachette et se sont rapidement rendu vers lui et son ami. Tandis qu’ils avançaient, un des soldats a tiré deux ou trois balles réelles à une distance d’environ 50 mètres. L’une d’elles a atteint Muhammad au cou et il est tombé. L’ami de Muhammad s’est échappé et les soldats se sont approchés de Muhammad qui était étendu face contre terre et ils sont restés près de lui. Au bout de quelques minutes, d’autres soldats sont arrivés et se sont tenus près de Muhammad qui était silencieux et inerte.

Pendant ce temps, les amis de Muhammad et d’autres habitants de Silwad se sont rassemblés à quelque distance de la scène parce qu’ils avaient peur des soldats. Des ambulances israéliennes sont arrivées quelques minutes plus tard et l’équipe médicale a commencé à s’occuper de Muhammad. Au bout d’une heure à peu près, l’équipe a transféré Muhammad dans une ambulance israélienne. Vers 21h30, environ deux heures après le début de son placement en ambulance, l’ambulance est partie avec Muhammad. Vers 2h du matin, les parents de Muhammad ont appris par les réseaux sociaux que leur fils avait été tué.

Israël a gardé le corps de Muhammad cinq jours jusqu’au 30 juin 2022 à 1h du matin, durée pendant laquelle les membres de la famille ne savaient pas quand ils pourraient se séparer de leur fils et le faire reposer. Le corps a été passé à la médecine légiste par l’Autorité Palestinienne et enterré à Silwad ce matin-là à 10h.

Au cours des sept premiers mois de 2022, les forces israéliennes ont tiré et tué 15 mineurs palestiniens en Cisjordanie. Israël a gardé trois corps pendant plusieurs jours avant de les rendre à leurs familles. Depuis 2016, Israël a gardé les corps de sept mineurs palestiniens de Cisjordanie.

Le meurtre de Muhammad Suliman est le résultat direct de la politique de feu ouvert injustifiée, illégale qu’Israël applique en Cisjordanie, avec l’autorisation du commandement militaire supérieur, l’échelon politique et le soutien du système judiciaire. Il est clair que Muhammad et ses amis ne mettaient pas en danger la vie des soldats armés, bien protégés, et qu’il n’était pas justifié de tirer et certainement pas de façon à tuer. Ces meurtres se produisent régulièrement en Cisjordanie, mais comme ils sont largement soutenus, personne ne sera tenu pour responsable – pour le meurtre de 15 mineurs jusqu’à présent en 2022, ni pour les meurtres encore à venir.

Le père de Muhammad, Abdallah Suliman, âgé de 50 ans, père de six enfants, a parlé au chercheur de terrain de B’Tselem, Iyad Hadad le 26 juin 2022, avant que le corps ne soit rendu ; dans son témoignage, il a décrit le meurtre de son enfant et l’angoisse infligée à la famille par Israël par la rétention du corps :

Muhammad a quitté la maison dans l’après midi sans nous en informer. Vers 16h30, une voisine a appelé et a dit qu’elle avait entendu qu’il avait été blessé par des soldats. Nous avons rapidement appelé ses amis et découvert que des soldats lui avaient tiré dessus alors qu’ils lançaient des pierres près de la Route 60, au sud-ouest du village et que les soldats l’avaient emmené. Au début on nous a dit qu’il avait été touché à la jambe par une balle enrobée de caoutchouc.

Vers 19h, quelqu’un du village a appelé et nous a dit que Muhammad avait été atteint à la poitrine par une balle enrobée de caoutchouc. Nous étions très inquiets et nous avons contacté les représentants officiels du village, le commissaire palestinien et tous les centres de premiers secours que nous connaissons pour savoir ce qu’il s’était passé. Nous ne savions pas dans quel état se trouvait Muhammad et personne ne pouvait nous le dire parce qu’il était entre les mains de l’armée et pris en charge par des infirmiers israéliens et que personne ne pouvait se rapprocher de lui. Plus tard ce soir-là nous avons appris qu’il avait été emmené à une destination inconnue par une ambulance israélienne et nous avons été de plus en plus inquiets. Nous avions peur qu’il soit arrêté et blessé. Ce n’était qu’un adolescent et il n’aurait pas dû se trouver dans une telle situation.

Vers minuit, Qadura Fares, l’ancien ministre qui dirige maintenant le Club des Prisonniers Palestiniens, est venu. Il a contacté tous les officiels et nous a informés que Muhammad avait été touché au visage et emmené à l’hôpital en Israël. À partir de ce moment, ma femme n’a cessé de pleurer et de cacher son visage dans ses mains. J’ai essayé de la calmer. Il n’y a que deux mois que l’armée a arrêté notre second fils, Ahmad, âgé de 21 ans et voici que nous recevions encore une terrible nouvelle.

De nombreux habitants du village sont venus, se faisant du souci pour Muhammad. Tout le monde l’aimait. Nous avons passé toute la nuit dans l’incertitude. Nous ne savions pas à quoi nous attendre. Ce n’est que vers 2h du matin que mon fils Salah, 34 ans, a lu sur les réseaux sociaux que Muhammad avait été tué. Cela nous a frappés comme un éclair. Ma femme est entrée dans un état de choc profond.

Nous avons réclamé le corps et le commissaire palestinien nous a dit qu’Israël le rendrait le lendemain à 8h. L’ambulance du village a attendu au lieu prévu de 8h jusqu’à l’après midi, mais les Israéliens n’ont pas tenu leur promesse, ils n’ont pas rapporté le corps. Ils continuent à retarder la restitution. Chaque jour on nous dit que ce sera ce jour-là mais cela n’arrive pas. Ils nous tourmentent et refusent à Muhammad son droit fondamental à un enterrement digne. Nous ne savons pas quoi faire – nos vies se sont arrêtés et nous sommes suspendus dans l’air. Je ne peux pas aller travailler et tout le monde autour de moi a abandonné son quotidien pour être disponible au moment où le corps sera restitué.

Les forces israéliennes ont perturbé nos vies et Dieu seul voit nos nerfs à vif. Muhammad mérite d’être étendu pour un repos éternel, comme tout le monde. Au maximum il a lancé des pierres. Il n’a pas été impliqué dans quelque activité violente pouvant être la raison de garder son corps et de nous punir. Nous ne pouvons plus croire personne sauf Dieu – puisse-t-il nous apporter du réconfort.