Un responsable de l’Unicef parle d’‘anéantissement total’ après avoir parcouru toute la Bande de Gaza

James Elder décrit des enfants au seuil de la mort et des familles cherchant désespérément de l’eau potable, de la nourriture et un abri.

Un responsable de l’aide, qui a traversé cette semaine Gaza dans sa longueur, a décrit des paysages d’« anéantissement total », « rien ne restant » de ce que furent autrefois des villes prospères et très peuplées dans ce territoire.

« L’ampleur de l’horreur dépasse notre capacité à la décrire », a dit James Elder, porte-parole du Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (Unicef).

« Dès que vous roulez à travers le nord, vous voyez ce geste universel des gens affamés qui mettent la main à la bouche. Quantité d’enfants et de femmes aux visages décharnés. Dans [la ville de] Khan Younis, il y a un anéantissement total.

« Je n’ai jamais vu un tel niveau de dévastation en 20 ans à l’ONU. Dans le nord, la capacité d’adaptation des gens a été réduite à néant et, dans le sud, elle ne tient qu’à un fil », a dit Elder vendredi dans une interview.

Elder a dit qu’il a vu une douzaine d’enfants « squelettiques » dans l’hôpital Kamal Adwan de Beit Lahia dans le nord de Gaza.

« Nous constatons des cas de malnutrition sévère… Des enfants qui sont au seuil de la mort, juste la peau sur les os… et ceux-là sont ceux qui ont pu arriver à l’hôpital. Il y a une véritable crainte pour ceux qui ne le peuvent pas », a dit Elder. « Cette situation est de la main de l’homme et peut être évitée. »

Le personnel de l’hôpital faisait des journées de 36 heures, puis chacun-e rejoignait sa famille à la recherche d’eau potable, de nourriture et d’un abri, a dit Elder.

Les commentaires arrivent au milieu d’une activité diplomatique de plus en plus frénétique visant à mettre fin aux hostilités à Gaza et à permettre qu’un afflux d’aide puisse atteindre le territoire après presque six mois de guerre, durant lesquels la fourniture des nécessités élémentaires a été drastiquement coupée.

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Des enfants palestiniens se tiennent au milieu des ruines d’un bâtiment détruit après un bombardement israélien sur Rafah, au sud de Gaza. Photographie : Mohammed Abed/AFP/Getty Images

Un rapport de l’initiative de cette semaine de la Classification Intégrée de la Phase de Sécurité Alimentaire (IPC) a averti que toute escalade de la guerre pourrait conduire en quelques mois la moitié de la population totale de Gaza au seuil de la famine. La famine est imminente au nord de Gaza, où 70 % de la population subissent une faim catastrophique, a dit IPC.

Elder a dit qu’il y avait une énorme surpopulation sur la route côtière de Gaza, l’une des rares voies existant sur ce territoire utilisable par les camions et autres véhicules.

« Si vous conduisez sur cette route côtière [de Rafah vers le nord], vous vVendreoyez des centaines de milliers de personnes. Elles dorment dans les rues, sur la plage, sur le sable et derrière la plage, sur n’importe quel espace disponible », a-t-il dit.

Sa description a été confirmée par quantité d’interviews avec d’autres travailleurs sociaux et résidents du territoire. La plupart décrivent des conditions épouvantables, avec aucune ou peu d’installations sanitaires pour un nombre énorme de personnes, des approvisionnements alimentaires insuffisants, même dans les zones les plus accessibles, et un effondrement généralisé de l’ordre civil.

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Carte des dégâts sur Gaza

Israël est maintenant sous une pression sans précédent pour autoriser l’entrée de davantage d’aide à Gaza. Le conseil de sécurité de l’ONU devrait se prononcer vendredi sur le vote d’une résolution parrainée par les États-Unis déclarant qu’ « un cessez-le-feu immédiat et durable » est « impératif » pour protéger les civils et permettre à l’aide humanitaire d’être livrée.

Les responsables de l’aide disent que le nombre de livraisons par terre a besoin d’être rapidement augmenté et qu’il faut le maintenir sur une longue période afin de s’approcher de la satisfaction des besoins.

Israël nie qu’il bloque l’aide alimentaire, mais les agences d’aide disent que les processus bureaucratiques et les vérifications sont lentes et opaques et qu’Israël n’accorde pas d’accès ou de sécurité. Les experts disent que les récents efforts pour envoyer de l’aide par mer ou largage aérien ne sont pas efficaces et que les points d’entrée qui permettraient la fourniture directe de l’aide dans les zones les plus démunies au nord du territoire sont restées fermées depuis le début du conflit.

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Des enfants attendent pour recevoir de la nourriture d’une cuisine caritative à Rafah. Photographie : Ismael Mohamad/UPI/Rex/Shutterstock

Vendredi, le secrétaire d’État des États-Unis, Antony Blinken, a rencontré le premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, pour demander l’assurance d’une augmentation de l’entrée de l’aide à Gaza, dans le cadre de relations de plus en plus tendues entre les deux alliés au sujet de la guerre.

Ce sixième voyage de Blinken au Moyen Orient depuis le début de la guerre le 7 octobre intervient alors que des échanges se poursuivent à Doha en vue d’assurer un cessez-le-feu dans ce conflit.

« Cent pour cent de la population de Gaza connaissent des niveaux sévères d’insécurité alimentaire aiguë. Nous ne pouvons pas, nous ne devons pas permettre que cela continue », a dit Blinken dans une conférence de presse jeudi tard dans la soirée.

On s’attend aussi à ce que Blinken discute l’intention d’Israël de lancer une offensive terrestre sur Rafah, ,où plus de la moitié de la population de Gaza se réfugie dans des abris de fortune.

Netanyahou a promis à plusieurs reprises de lancer une attaque sur la ville, dont il dit qu’elle est le dernier bastion du Hamas. Le président des États-Unis, Joe Biden, a dit que ce serait le franchissement de la ligne rouge pour les États-Unis.

La guerre a été déclenchée par une attaque surprise sur le sud d’Israël par des combattants du Hamas qui ont tué 1.200 personnes et enlevé environ 250 otages, principalement des civils. Plus de 32.000 Palestiniens ont été tués dans les bombardements israéliens qui ont suivi, principalement des civils, disent les autorités de santé de Gaza.

Elder a décrit le projet d’attaque sur Rafah comme « terrifiant ».

« Une offensive militaire sur Rafah serait absolument catastrophique. Les seuls points d’eau et hôpitaux qui restent [à Gaza] s’y trouvent et il n’y a plus nulle part d’autre où aller. Khan Younis, Gaza ville n’existent pratiquement plus », a-t-il dit. « Rafah est le dernier espoir de Gaza et il est tout à fait ahurissant qu’une conversation sur une potentielle opération militaire soit encore en cours. »