Un Fonds d’aide pour Gaza soutenu par les États-Unis propose «  des zones de transit humanitaires » pour « déradicaliser » les Palestiniens

Ce plan de deux milliards de dollars, soumis à l’administration Trump, décrit les camps comme des endroits « à large échelle », où « sur la base du volontariat » la population gazaouie pourrait « résider temporairement, se déradicaliser, se réintégrer et se préparer à un déménagement ».

La « Fondation humanitaire pour Gaza » soutenue par les États-Unis a proposé de construire des camps appelés « zones de transit humanitaires » à l’intérieur — et peut-être à l’extérieur — de Gaza pour héberger la population palestinienne, selon une proposition présentant sa vision pour « remplacer le contrôle du Hamas sur la population de Gaza », proposition qui a pu être examinée par Reuters.

Ce plan de deux milliards de dollars, créé peu après le 11 février pour la Fondation, a été soumis à l’administration de Trump et discuté récemment à la Maison Blanche, selon une source informée de la question.

Le plan examiné par Reuters décrit les camps comme des endroits « à large échelle » où la population gazaouie, « sur la base du volontariat », pourrait « résider temporairement, se déradicaliser, se ré-intégrer et se préparer à un déménagement s’ils souhaitent le faire ».

Une source qui a travaillé sur la planification de ces camps a dit à Reuters que l’intention « est de faire disparaître le facteur ‘peur’ », en permettant aux Palestiniens d’« échapper au contrôle du Hamas » et en leur fournissant « une zone sécurisée pour héberger leurs familles ».

Un diaporama vu par Reuters fournit des détails plus précis sur les « Zones de transit humanitaires », y compris comment elles seraient mises en oeuvre, ainsi que les coûts associés.

Il appelle à utiliser des installations très étalées afin de « gagner la confiance de la population locale » et de rendre possible « la vision pour Gaza » du président des États-Unis Donald Trump.

La proposition ne spécifie pas comment les Palestiniens seraient relogés dans les camps, ni où les camps seraient construits à l’extérieur de Gaza. Mais une carte montre des flèches pointant vers l’Égypte et vers Chypre, ainsi que vers d’autres points étiquetés « Destination additionnelle ? ».

La « Fondation humanitaire pour Gaza » (Gaza Humanitarian Foundation, GHF) « superviserait et régulerait toutes les activités civiles requises pour la construction, la déradicalisation et le déménagement volontaire temporaire », disait la proposition.

Le groupe d’aide, répondant aux questions de Reuters, a nié avoir soumis une proposition et a dit que les diapos « ne sont pas un document de la GHF ». La GHF a dit qu’elle avait étudié « une gamme d’options théoriques pour livrer de manière sûre de l’aide à Gaza », mais qu’elle « ne planifie pas, ni ne met en œuvre des zones de transit humanitaires (Humanitarian Transit Zones, HTA) ».

L’organisation a dit qu’elle se focalisait plutôt exclusivement sur la distribution alimentaire à Gaza.

Un porte-parole de Safe Reach Solutions (SRS), une entreprise contractante à but lucratif qui travaille avec la GHF, a dit à Reuters : « Nous n’avons pas eu de discussions avec la GHF sur les HTA, et notre ‘phase suivante’ est de nourrir plus de personnes. Toute autre suggestion est entièrement fausse et déforme la représentation de l’étendue de nos opérations. »

Le document examiné incluait le nom de la GHF sur la couverture et celui de SRS sur plusieurs diapos.

Des craintes sur un déménagement

Le 4 février, Trump a dit publiquement pour la première fois que les États-Unis devrait « prendre le contrôle » de l’enclave meurtrie par la guerre et la reconstruire comme « la Riviera du Moyen-Orient », après avoir relogé ailleurs sa population de 2,3 millions de Palestiniens.

Les commentaires de Trump ont suscité la colère de nombreux Palestiniens et de groupes d’aide humanitaire à propos de ce déménagement forcé de Gaza. Même si la proposition de la GHF n’est plus envisagée, l’idée de déplacer une large portion de la population dans des camps ne fera qu’aggraver les inquiétudes, ont dit à Reuters plusieurs experts de l’humanitaire.

La proposition a été exposée dans un diaporama qui a été soumis, a dit une source, à l’ambassade des États-Unis à Jérusalem plus tôt cette année.

Le Département d’État des États-Unis n’a pas souhaité commenter. Un responsable de haut rang de l’administration a dit : « Rien de la sorte n’est envisagé. De plus, aucune ressource n’est dirigée vers cet objectif, de quelque façon que ce soit. »

Dimanche, le Bureau de l’État-major des Forces de défense d’Israël a dit à la Cour suprême que l’armée n’impose pas d’expulsions forcées à la population, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur de la Bande de Gaza. Le Bureau du chef d’État-major des Forces de défense, Eyal Zamir, a ajouté de plus que mobiliser la population et la concentrer à l’intérieur de Gaza ne font pas partie des objectifs de l’opération.

La source travaillant sur le projet a affirmé qu’il n’avait pas progressé à cause d’un. manque de financement. Reuters a rapporté auparavant que la GHF avait essayé de mettre en place un compte bancaire suisse à partir duquel solliciter les dons, mais qu’UBS et Goldman Sachs ont refusé de travailler avec l’organisation.

Ismail Al-Thawabta, directeur du bureau des médias du gouvernement de Gaza géré par le Hamas, a dit à Reuters rejeter la GHF « catégoriquement », disant qu’elle est « non pas une organisation de secours, mais plutôt un instrument de renseignement et de sécurité affilié à l’occupation israélienne, opérant sous un faux déguisement humanitaire ».

Des camps « à large échelle »

La présentation non datée de diapos, qui inclut des photos du 11 février, disait que la GHF « travaille à obtenir » plus de deux milliards de dollars pour le projet consistant à « construire, sécuriser et superviser des zones de transit humanitaires (HTA) à large-échelle à l’intérieur et potentiellement à l’extérieur de la Bande de Gaza pour que la population y réside pendant que Gaza est démilitarisée et reconstruite ».

Les Zones de transit humanitaires décrites dans les diapos seraient la phase suivante d’une opération qui a commencé quand la GHF a ouvert des sites de distribution alimentaire dans l’enclave fin mai, selon deux sources impliquées dans le projet.

La GHF est coordonnée à l’armée israélienne et utilise des entreprises privées américaines de sécurité et de logistique pour faire entrer de l’aide alimentaire dans Gaza. Elle est privilégiée, pour mener les efforts humanitaires dans Gaza, par l’administration de Trump et par Israël, opposés au système géré par les Nations Unies dont ils disent qu’il laisse les militants [du Hamas] détourner l’aide.

Le Hamas le nie et dit qu’Israël utilise la famine comme arme. En juin, le Département d’État des États-Unis a approuvé un financement de 30 millions de dollars à la GHF et a appelé d’autres pays à soutenir aussi le groupe.

Les Nations Unies ont qualifié l’opération de la GHF d’« intrinsèquement dangereuse » et en violation des règles humanitaires d’impartialité. Le bureau des droits humains des Nations Unies dit avoir enregistré au moins 613 morts aux points d’aide de la GHF et près des convois humanitaires gérés par d’autres groupes de secours, dont les Nations Unies.

Une diapo esquissant un calendrier affirmait qu’un camp serait opérationnel dans les 90 jours suivant le lancement du projet et qu’il hébergerait 2160 personnes, avec des installations telles qu’une blanchisserie, des toilettes, des douches et une école.

Une source travaillant sur le projet a dit que le diaporama fait partie d’un processus de planification qui a commencé l’an dernier et qui envisage un total de huit camps, chacun d’eux pouvant héberger des centaines de milliers de Palestiniens.

Répondant aux questions de Reuters, trois experts de l’humanitaire ont exprimé leur inquiétude à propos des détails du plan destiné à construire des camps.

« Il n’y a pas de déplacement volontaire pour une population qui a subi des bombardements constants depuis presque deux ans et a été coupée de toute aide essentielle », a dit Jeremy Konyndyk, président du groupe de plaidoyer Refugees International et ancien haut responsable de l’Agence des États-Unis pour le développement international, qui a examiné le plan.

Ni la Maison Blanche ni l’Ambassade israélienne aux États-Unis n’ont répondu à notre demande de commentaires.

  • Photo : Des Palestiniens derrière des grilles avant d’entrer dans un site de distribution alimentaire géré par la « Fondation humanitaire pour Gaza » en mai. Crédit : AP