Un étudiant risque l’expulsion des États-Unis après avoir été suspendu pour une manifestation pro-Palestine

L’étudiant suspendu, un doctorant, risque une révocation possible de son visa d’étudiant visiteur étranger. Si son visa est révoqué, il sera probablement expulsé avant la fin de la semaine.

Environ 100 étudiants avec la collaboration de la Coalition pour la libération mutuelle ont bloqué un salon de l’emploi à l’hôtel Statler où participaient les entreprises de défense Boeing and L3Harris. Matt Dougherty

L’université Cornell est devenue la première université à suspendre un étudiant pour organisation pro-palestinienne ce semestre, ce qui lui fait risquer l’expulsion du territoire américain. La suspension était une réponse à la manifestation menée par les étudiants et co-organisée par la Coalition pour la libération mutuelle (CML), qui a bloqué un salon de l’emploi à l’hôtel Statler, auquel participaient les entreprises de défense Boeing and L3 Harris.

La manifestation, selon la CML, faisait partie d’une tentative plus large de s’opposer à la complicité de Cornell dans les industries militaires et de défense tirant profit de la violence dans les territoires palestiniens occupés.

L’étudiant suspendu est le doctorant Momodou Taal, qui a été un défenseur important de la libération palestinienne pendant son séjour à Cornell. Taal est un étudiant international de Grande-Bretagne qui étudie à Cornell sur un visa étudiant (F-1). Il risque maintenant la révocation possible de son visa en conséquence de sa participation à la manifestation. Si son visa est révoqué, il sera probablement expulsé avant la fin de la semaine.

Selon une déclaration de la CML, « Taal a été informé par la police de l’université Cornell que sa suspension était effective immédiatement, ce qui compromet son statut pour le son visa et conduit potentiellement à son expulsion à la fin de cette semaine ».

Taal a décrit sa suspension comme une violation de ses droits. «  Il y a une campagne ciblée d’intimidation et de harcèlement contre moi de la part de l’administration et de la police de Cornell », a dit Taal dans une déclaration postée sur X (anciennement Twitter). «  Je n’ai eu aucune possibilité de contester les accusations ou de voir des preuves ou de faire appel. Ils m’ont informé que je serai expulsé effectivement avant le week-end ».

Taal a continué : « La répression auquel nous sommes confrontés en manifestant contre un génocide est irréelle ». Il a ajouté : « Chaque jour, nous sommes témoins des horreurs qu’Israël inflige aux gens. Et certains d’entre nous qui ont encore de l’humanité — sont confrontés à une telle répression. »

La suspension de Taal a déclenché un tollé parmi les étudiants, qui arguent que Cornell utilise des tactiques répressives pour saper l’organisation pro-palestinienne sur le campus.

Nick Wilson, un étudiant suspendu au semestre dernier pour organisation pro-palestinienne, a exprimé son opposition aux actions de l’université. « Cornell vient de devenir la première université du semestre d’automne à suspendre un étudiant pour organisation pro-Palestine. Ils ciblent intentionnellement un étudiant international [et] un des partisans les plus visibles du désinvestissement [des entreprises et institutions israéliennes] sur notre campus — la communauté de Cornell ne le tolérera pas », a dit Wilson.

Dans une déclaration publiée après l’annonce de la suspension de Taal, la CML a accusé Cornell de « céder à la pression externe de donateurs puissants » et de violer les droits de Taal comme étudiant et employé. La coalition a aussi demandé que Cornell Graduate Students United (CGSU), le syndicat représentant à Cornell les étudiants diplômés employés, soit autorisé à négocier le statut de Taal conformément à un Mémorandum d’Accord de juillet 2024.

Selon une déclaration commune de la branche des Étudiants pour la justice en Palestine à Cornell et des Jeunes socialistes démocrates d’Amérique, « cette suspension viole la nouvelle politique des trois prises de Cornell [aggravant les peines en cas de récidive] et c’est un déni de la procédure régulière fondamentale … Cornell doit répondre à la requête de négociation du syndicat des étudiants ou ils seront en violation du droit du travail ».

Une pétition demandant que Cornell réintègre Taal pour éviter son expulsion explique plus précisément comment Cornell viole l’accord signé avec CGSU : « En juillet dernier, Cornell a validé un accord disant qu’ils négocieraient avec le syndicat à propos des effets de n’importe quelle punition sur un de ses membres … Cornell doit négocier avec le syndicat avant qu’aucun des effets négatifs de la punition ne puisse effectivement avoir lieu, pourtant Cornell a déjà infligé de multiples changements importants à Momodou, en plus d’une menace effective de le faire expulser ».

La pétition a aussi expliqué que Cornell ne respecte pas sa propre procédure régulière et ses propres procédures administratives. Elle a dit que la suspension de Taal viole le code de conduite, qui autorise les suspensions seulement dans les cas de danger immédiat pour un individu ou la communauté. Le code de conduite requiert aussi que la suspension ne soit utilisée que quand des mesures moins restrictives sont insuffisantes et qu’elle doit être proportionnelle à la menace posée. Selon la pétition, l’absence de menace imminente et la conséquence disproportionnée de l’expulsion suggèrent que la suspension était injustifiée.

« Étant donné ces critères, la suspension de Momodou est une réponse totalement disproportionnée à n’importe quelle violation présumée du code étudiant », a affirmé la pétition. « La menace d’une expulsion immédiate est complètement incompatible avec les notions de proportionnalité et de contrainte, ainsi qu’avec les propres politiques de Cornell. »

La pétition continue : « Il est clair que ceci est encore une autre manière de supprimer les manifestations … Ces mesures punitives excessives représentent une répression croissante de la liberté académique et de la liberté d’expression. »

Le président de Cornell par interim Michael Kotlikoff a défendu l’action de l’université, en citant la nature perturbatrice de la manifestation. Selon Kotlikoff, les manifestants sont entrés par la force dans l’hôtel Statler, repoussant sur le côté des officiers de police de Cornell, tapant dans des cymbales et des pots et utilisant des porte-voix pour interrompre l’événement.

« Ces tactiques d’intimidation n’ont aucune place dans une université et violent nos engagements réciproques », a déclaré Kotlikoff. « Les actions ont des conséquences, sur le campus et dans le système de justice pénale ». Il a continué : « Les individus qui sont entrés au Statler et ont perturbé le salon de l’emploi risquent une suspension immédiate ou des sanctions concernant leur emploi jusqu’au licenciement inclusivement.

Kotlikoff a expliqué que les manifestants ont perturbé le salon de l’emploi et ont fait du bruit, ce qui a effrayé les étudiants, le personnel et les recruteurs. Il a aussi dit que tout manifestant qui s’implique dans une activité criminelle serait renvoyé devant le procureur du comté de Tompkins.

En réponse à la déclaration de Kotlikoff, Gali Racabi, professeur assistant en droit du travail et de l’emploi à l’École des relations internationales de travail de Cornell (ILR), a posté sur X (anciennement Twitter) : «  Suspension immédiate/ Renvois à la police ne devraient être utilisés que dans les cas de préjudice imminent aux personnes, et non comme punition pour la perturbation d’un événement ». Il a ajouté : « Contrairement au Moyen-Orient, Cornell n’est pas une zone de guerre. Les enjeux sont faibles et orientés vers l’éducation ; la réponse devrait suivre les enjeux. »

En réponse aux demandes de commenter si Cornell pense que faire risquer une expulsion à un doctorant est une réponse proportionnée à l’implication dans une manifestation, le vice-président pour les relations universitaires de l’université Cornell, Joel M. Malina, a dit : «  Les étudiants internationaux fréquentant une université aux États-Unis sous des visas F-1 sont obligés de satisfaire les critères fédéraux pour maintenir le statut de ce visa. »

Malina a continué en disant que ces règlements fédéraux exigent des universités qu’elles mettent fin au statut F-1 de tout étudiant qui n’est pas autorisé à s’inscrire à cause d’une action disciplinaire. Il a ajouté : « Les Universités peuvent refuser l’inscription et interdire à un étudiant l’accès au campus, mais elles n’ont pas de pouvoirs d’expulsion. »

Selon Malina, « à tout étudiant international retiré administrativement de Cornell en vertu du Code de conduite étudiant, il est vivement conseillé de revoir immédiatement les directives d’immigration et de consulter des experts. » Cependant, Cornell n’a pas répondu aux questions regardant les allégations selon lesquelles cette action disciplinaire avait été lancée contre Taal en violation du code de conduite et des accords avec la CGSU, dont Taal est membre.

L’avocate responsable pour la branche de New York du Conseil sur les relations américano-islamiques (CAIR-NY), Lamya Agarwala, a publié une déclaration condamnant Cornell pour sa suspension d’un étudiant international, lui faisant courir le risque d’être expulsé.

« CAIR-NY est profondément inquiet du traitement injuste de Momodou Taal, un étudiant international motivé, qui risque maintenant des conséquences potentiellement bouleversantes par rapport à l’immigration à cause de son activisme en soutien des droits humains palestiniens et contre le génocide d’Israël à Gaza. » , a dit Agarwala. « La décision de l’université Cornell de suspendre Mr. Taal et, de fait, de révoquer son statut vis-à-vis de l’immigration menace la carrière académique et les moyens de subsistance de Taal aux États-Unis. »

Agarwala a continué : « La décision de l’université envoie aussi un message glaçant à tous les étudiants internationaux qui souhaitent s’impliquer dans la défense pacifique des droits : s’exprimer contre des crimes de guerre et honorer la tradition de dissidence de notre nation peuvent vous coûter votre éducation et votre vie ici aux États-Unis ». Elle a jouté : « Nous soutenons Taal et appelons à l’annulation immédiate de sa suspension. »

Malgré les menaces de l’université, la Coalition pour la libération mutuelle s’est engagée à continuer ses efforts d’organisation. La CML a organisé un rassemblement ce mercredi de 12h30 à 16h30 à l’extérieur de Day Hall, qui héberge les bureaux du président de l’université et du personnel disciplinaire.

Matt Dopughertyu est le rédacteur en chef de The Ithaca Times. Il a écrit auparavant pour The Legislative Gazette et The River Newsroom. Il a aussi opéré un blog média indépendant, The Bull-Moose Note, depuis 2020.