Un chirurgien londonien dit qu’il a vu “un massacre se dérouler” pendant qu’il travaillait dans des hôpitaux de Gaza

Le professeur Ghassan Abu-Sittah affirme que la destruction du système de santé palestinien était un objectif israélien

Un chirurgien londonien dit qu’il a été témoin du “déroulement d’un massacre” au long des 43 jours qu’il a passés sous les bombardements à Gaza, affirmant que la destruction du système de santé palestinien était un objectif militaire de la guerre.

S’adressant à une conférence de presse à Londres, le professeur Ghassan Abu-Sittah, un spécialiste de la chirurgie plastique et reconstructive, qui témoignera ultérieurement auprès de Scotland Yard, a raconté des scènes effroyables dans les hôpitaux al-Ahli Arab et Dar al-Shifa lorsqu’ils ont cessé de fonctionner et a dit avoir été témoin de l’utilisation de munitions au phosphore blanc. Les Forces de défense d’Israël (FDI) ont démenti avoir utilisé de telles armes.

“Pour moi qui ai vu ce massacre se dérouler, la création d’une Bande de Gaza inhabitable était le but, et la destruction de tous les éléments de la vie moderne dont le système de santé fait partie intégrante était l’objectif militaire”, souligne Abu-Sittah, qui a un cabinet dans l’ouest de Londres et qui a travaillé à Gaza depuis 2009, exerçant aussi sur des lieux de guerre au Yémen, en Iraq, en Syrie et au Liban.

Questionné sur les affirmations d’Israël qui dit être en guerre avec le Hamas et dément tout ciblage des civils à Gaza, il répond : “Statistiquement, il semble que les chiffres racontent une histoire différente.”

En octobre Human Rights Watch a également déclaré que le phosphore blanc avait été utilisé à Gaza, pendant qu’Amnesty International disait avoir des éléments de preuve sur son usage dans le Sud-Liban. Les FDI ont affirmé que les allégations de Human Rights Watch étaient “incontestablement fausses”, ajoutant : “Les FDI n’ont pas eu recours à l’utilisation de telles munitions.”

Depuis une attaque du Hamas contre Israël au cours de laquelle 1200 personnes ont été tuées et 240 prises en otage, les bombardements de représailles d’Israël ont tué plus de 16 000 personnes – surtout des civils- et en ont blessé 34 000. Malgré la prolongation de deux jours d’une trêve annoncée lundi, Abu-Sittah affirme que l’approvisionnement récent en médicaments, en nourriture et en eau est très loin de répondre aux problèmes humanitaires.

Pendant six semaines, il a fait la navette entre les hôpitaux de Gaza. Il est tout de suite apparu qu’environ la moitié des blessés seraient des enfants, dit-il. À mesure que le temps passait, le personnel médical a d’abord traité des patients qui souffraient de blessures liées à l’effet de souffle puis des patients exposés à des projectiles à fragmentation, ou touchés par des tirs de snipers ou des bombes incendiaires – dont Israël a démenti l’usage.

“Nous avons commencé à voir des brûlures au phosphore ”, a déclaré Abu-Sittah lors de la conférence de presse. “J’avais soigné des brûlures au phosphore blanc dans la Bande de Gaza pendant la guerre de 2009 – j’étais familiarisé avec les blessures et les brûlures très caractéristiques qu’elles provoquent.”

Les FDI affirment : “Les FDI n’utilisent que des armes et des munitions légales. Les projectiles fumigènes de base utilisés par les FDI ne contiennent pas de phosphore blanc.

Un fauteuil roulant démantibulé au milieu des décombres. Photo Ghassan Abu-Sittah

“Comme beaucoup d’armées occidentales, les FDI possèdent des projectiles fumigènes qui contiennent du phosphore blanc et sont conformes au droit international. Ces obus sont utilisés par les FDI pour produire des écrans de fumée et non pour cibler un objectif ou provoquer un incendie, et ne sont pas définis juridiquement comme des armes incendiaires.”

Le jour où l’hôpital al-Ahli Arab, le plus ancien de Gaza, a été touché, le 18 octobre, Abu-Sittah a entendu le sifflement d’un missile suivi d’une déflagration. Cette explosion a tué des centaines de personnes et a déclenché des mouvements de protestation dans tout le Moyen-Orient tandis qu’Israël et le Hamas s’accusaient mutuellement de l’explosion meurtrière.

C’était une expérience, affirme Abu-Sittah, destinée à tester ce que les FDI avaient prévu d’infliger au reste du système de santé. À la suite de cette attaque quatre hôpitaux pédiatriques ont été pris pour cibles, indique-t-il. La semaine dernière Israël a ciblé l’hôpital indonésien et l’hôpital al-Awda dans le nord de Gaza, et a arrêté le directeur de l’hôpital Shifa et plusieurs médecins.

“Il existe un schéma directeur pour lequel le but de cette guerre est de transformer Gaza en une zone inhabitable de guerre à mort”, dit Abu-Sittah, qui a assisté à un appel téléphonique des FDI prévenant le directeur médical de l’hôpital al-Awda qu’il devait évacuer les lieux, sans quoi l’hôpital serait pris pour cible.

Au fil du temps, les fournitures médicales se sont épuisées et des opérations ou soins douloureux ont été effectués sans anesthésie, jusqu’au moment où les opérations n’ont plus été possibles. Les blessures des patients étaient parfois nettoyées avec du produit à vaisselle du commerce et du vinaigre, raconte Abu-Sittah, et d’autres étaient infectées par des larves.

Israël affirme que les hôpitaux de Gaza sont utilisés par le Hamas pour des buts militaires.

Depuis qu’il a quitté Gaza, il y a 10 jours, Abu-Sittah dit qu’il éprouve un sentiment écrasant de culpabilité à l’égard de ceux qui sont restés en arrière.

“Ma crainte, c’est que même ceux qui ont assez de ténacité pour rester finiront par partir d’eux-mêmes, et alors nous aurons ce que veulent les Israéliens, un autre 1948”, dit-il.

“Cette guerre est la continuation de la Nakba de 1948.”