Un ancien négociateur des Accords d’Oslo avertit que l’usage croissant du mot « apartheid » pour décrie le mauvais traitement et le contrôle du peuple palestinien par Israël a des implications profondes.
Deux anciens diplomates israéliens ont publiquement critiqué, en fin de semaine, la politique d’apartheid de leur gouvernement contre les Palestiniens, l’un d’eux, ancien négociateur des Accords d’Oslo qualifiant l’usage croissant du mot apartheid dans le monde de signal d’alarme qui ne saurait être ignoré.
Daniel Lévy, l’ancien négociateur des Accords d’Oslo, actuellement à la tête du projet US/Moyen Orient a dit jeudi à une session du Conseil de sécurité des Nations Unies qui traitait des effets à long terme du maintien du statu quo en Cisjordanie illégalement occupée, que la négation des droits humains fondamentaux des Palestiniens « ne constituera jamais le moyen d’atteindre une sécurité durable ».
« Nous avons connaissance de certaines évolutions qui peuvent être simultanément politiquement inconfortables et politiquement pertinentes » a-t-il ajouté. « Le poids incroyablement croissant de l’opinion juridique et publique qui a dit qu’Israël pratique l’apartheid dans le territoire sous son contrôle est précisément une de ces évolutions ».
Cette désignation émanant d’intellectuels et d’instituts palestiniens, prise ensuite en considération et endossé par la communauté qui défend les droits humains en Israël, conduite par B’Tselem, est maintenant la désignation officielle pour Human Rights Watch et, cette année, pour Amnesty International,’ a dit Lévy .
De nombreux Palestiniens et personnes allant du défunt archevêque sud-africain, militant pour les droits humains, Desmond Tutu, jusqu’à l’ancien président des États-Unis, Jimmy Carter et aux rapporteurs spéciaux des Nations Unies, appellent depuis des années la politique et les actions d’Israël en Palestine, de l’apartheid.
Dans les années récentes, un nombre croissant d’acteurs politiques, de gouvernements locaux et régionaux, des organisations de la société civile, des groupes religieux , des artistes, des universitaires, des journalistes, et autres dans le monde se sont exprimés publiquement contre le crime israélien d’apartheid. On compte parmi eux un nombre croissant d’Israéliens et de Juifs de l’extérieur d’Israël, notamment des États-Unis, où une enquête d’un Institut juif d’études électorales de 2021 a mis en avant qu’un Juif américain sur 4 pense qu’Israël est un État d’apartheid.
Remarquant que de nombreux États africains, arabes et autres membres de l’ONU « ont tous fait référence à cette situation d’apartheid », Lévy a soutenu « que ce ne sera pas une surprise si cela fait écho dans des parties du monde qui ont fait l’expérience de l’apartheid et du colonialisme de peuplement et sont passées par la décolonisation ».
« C’est un paradigme qui va aussi mettre en avant de façon encore plus criante la discrimination à laquelle sont confrontés les citoyens palestiniens d’Israël » a-t-il ajouté. « Ce doit être un signal d’alarme”.
Lévy n’était pas seul à sonner l’alarme sur l’apartheid israélien cette semaine. Dans une interview menée par Ben Lynfield et publiée par Plus 61J Media vendredi, l’ancien diplomate israélien Alon Liel, qui était en Afrique du Sud durant le régime d’apartheid de ce pays soutenu par Israël, a dit que la désignation par Israël de six groupes de la société civile palestinienne comme organisations terroristes suivait un modèle familier.
« Cela me ramène à l’Afrique du Sud de l’apartheid et j’ai honte. Voilà mes souvenirs de l’Afrique du Sud : la chasse aux gens en lutte » a ajouté Liel, qui s’est joint l’année dernière à un autre ancien ambassadeur israélien en Afrique du Sud, Ilan Baruch, dans sa condamnation de l’apartheid israélien.
« J’étais parmi ces personnes qui pensaient que notre alliance avec l’apartheid était moralement erronée, bien que bénéfique financièrement, et j’étais parmi ces diplomates qui la combattaient », a-t-il poursuivi. « Maintenant je vois nos soldats faire ce que la police et l’armée sud-africaines faisaient dans les années 1970 et 1980 ».
Liel a ajouté que « s’il y avait des gouvernements qui rappelaient leur ambassadeur en Europe pour des consultations, Israël se conduirait différemment. Mais rien de tel ne se passe ».
“Aussi longtemps que les Européens ne prennent pas de mesures concrètes aux niveaux diplomatique, sécuritaire et économique, Israël s’en fiche » a-t-il dit. « Il se sent très confiant quant au fait que son comportement contre les droits humains ne lui coûtera rien, politiquement, dans l’arène internationale ».
L’ancien diplomate a ajouté que la politique et les actions d’Israël auront finalement des conséquences négatives.
« La démolition de maisons, le transfert à Masafer Yatta, les arrestations, le blocus (de Gaza], tout cela s’accumule » a-t-il noté. « Et puis il y a les meurtres. Nous avons une moyenne d’un Palestinien tué par jour. Des centaines sont tués chaque année, que ce soit par une opération à Gaza ou par des opérations de routine et des heurts quotidiens ».
Ce comportement agressif, sans aucune menace réelle ni existentielle, finira à long terme par affecter l’image d’Israël, le faisant apparaitre dans l’opinion comme un pays à la gâchette facile, un pays violent et un pays qui ne se soucie pas des droits humains » a prédit Liel. « Cela aura un certain prix à long terme”.