Trump suspend les sanctions contre des colons israéliens, et menace de saisir les actifs de ceux qui enquêtent sur les crimes de guerre

Trump a levé les sanctions contre des colons israéliens en Cisjordanie. Quelques heures plus tard, Netanyahou a lancé une nouvelle invasion.

Dans son discours d’investiture lundi 20 janvier, le Président [des États-Unis] Donald Trump a dit qu’il voulait être connu comme « faiseur de paix et unificateur » pendant son deuxième mandat, avant d’applaudir ses propres efforts pour garantir un cessez-le-feu entre le Hamas et Israël, ainsi que le retour de Gaza de trois otages israéliens.

Mais plus tard dans la journée, au milieu d’un afflux de directives présidentielles, Trump a paru trahir sa propre vision de la paix. Il a levé les sanctions datant de l’ère Biden et visant à juguler les violences des colons israéliens contre les Palestiniens en Cisjordanie. Il a aussi abrogé une décision qui avait bloqué les sanctions contre le Cour pénale internationale (CPI), exposant ceux qui essaient de faire rendre des comptes aux États-Unis et à ses alliés pour crimes de guerre aux risques d’un nouveau cycle de sanctions financières. 

Quelques heures seulement après la levée des sanctions, les colons israéliens ont attaqué Jinasfut, un village palestinien de Cisjordanie, blessant au moins 21 Palestiniens et mettant le feu à leurs maisons, à leurs voitures, à une crèche et à un atelier, selon les responsables du village. Malgré le cessez-le-feu, l’armée israélienne a fait des raids dans les maisons et les mosquées, arrêtant des dizaines de Palestiniens dans tout le territoire occupé, dont des enfants et des journalistes.

Et mardi, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a lancé une nouvelle opération militaire dans Jénine, une ville du nord de la Cisjordanie, et dans un camp de réfugiés adjacent où sont basés plusieurs groupes militants palestiniens. L’offensive israélienne, renforcée par des drones et des hélicoptères, a tué au moins 10 Palestiniens — dont un garçon de 16 ans —et blessé 35 autres, ont dit des responsables de santé. La campagne porte le nom de « Operation Iron Wall » (Opération du Mur de fer), une référence apparente aux écrits sionistes de Ze’ev Jabotinsky qui argumentait en faveur d’un nettoyage ethnique des Palestiniens pour garantir la sécurité de l’État d’Israël.

« Tout cela était du théâtre politique. »

Des experts ont rapidement fait remarquer que la montée des attaques militaires israéliennes en Cisjordanie ne devrait être considérée indépendamment du cessez-le-feu à Gaza. C’est une continuation, disent-ils, d’une campagne plus large ; certains la voient comme une tentative de Netanyahou pour apaiser les extrémistes de son Cabinet, et en Israël, qui sont contrariés par l’arrêt des combats à Gaza ans avoir éradiqué le Hamas.

« Tout cela était du théâtre politique », a dit Muhannad Ayyash, un analyste politique à Al-Shabaka et professeur d’Études sur la Palestine à l’université Mount Royal [du Canada], se référant au cessez-le-feu, qui a été mis en œuvre quelques jours avant que Trump ne revienne à la Maison blanche.

« Trump n’a jamais vraiment voulu mettre la pression sur Israël pour que le pays arrête sa colonisation de peuplement en Palestine — que ce soit en diminuant l’activité de colonisation en Cisjordanie, ou en réalisant la solution à deux États dans les frontières de 1967, ou en mettant un terme au massacre militaire contre le Bande de Gaza », a dit Ayyash.

« Ce qu’il voulait était seulement l’apparence de la paix et de l’ordre pour accroître son capital politique et ensuite permettre aux Israéliens de continuer leur projet d’annexion de larges parties de la Cisjordanie, et leur projet d’éliminer essentiellement la capacité des Palestiniens à vivre à Gaza et à résister au colonialisme de peuplement israélien. »

Les sanctions que Trump a effacées, et qui avaient été données par l’ancien Président Joe Biden en février dernier, avaient eu peu d’effet pour empêcher la violence des colons en Cisjordanie. De 2023 à 2024, la zone a enregistré un record de plus de 1400 attaques de colons contre des Palestiniens. Aidés par le Cabinet d’extrême-droite de Netanyahou et sous couvert de la guerre d’Israël contre Gaza, des colons ont annexé de larges parts de terres palestiniennes en Cisjordanie, dont une confiscation de terres en juillet qui était la plus vaste depuis les accords de paix d’Oslo en 1993.

Même si les sanctions n’avaient pas d’effet sur le terrain, la politique gelant les avoirs détenus aux États-Unis par des colons israéliens individuels et par des groupes de colons a eu un impact symbolique dans la région, a dit Khaled Elgindy, un universitaire invité au Centre des Études arabes de l’université Georgetown. « Cela a été un précédent important à avoir, sur lequel on pouvait bâtir », a dit Elgindy. Il a plaidé pour que le Département d’État ajoute ces groupes de colons à la liste des organisations terroristes étrangères que maintiennent les États-Unis, ce qui aurait pu entraver encore davantage les efforts d’annexion.

Mais la latitude que Biden a donnée à Israël sera probablement encore plus grande sous Trump, a ajouté Elgindy. 

Même en comparaison avec le soutien constant de Biden pour Israël, le Cabinet d’extrême-droite de Trump — qui inclut des chrétiens évangéliques [sionistes] – semble encore plus aligné sur le plan idéologique avec le contingent pro-colon de Netanyahou. L’ambassadeur nommé par Trump en Israël, Mike Huckabee, est connu pour avoir dit : « La Cisjordanie n’existe pas » et il a contesté l’existence même d’une « colonie » ou d’une « occupation ». Au lieu de cela, il s’est référé à la région sous le nom préféré par Israël de « Judée et Samarie ». Pendant son audition de confirmation mardi, Elise Stefanik, le choix de Trump comme ambassadrice aux Nations Unies, était d’accord avec les ministres d’extrême-droite d’Israël sur l’idée qu’Israël « a un droit biblique sur la Cisjordanie entière ». Elle a aussi refusé de répondre à une question demandant si les Palestiniens ont le droit d’établir leur propre État.

« Il est alarmant qu’ils invoquent un écrit religieux comme base pour la formulation de la politique étrangères des États-Unis, a dit Elgindy. « Mais la signification de cette déclaration est aussi alarmante : effacement total des Palestiniens. Le terme « Judée et Samarie » est basé sur l’effacement de l’existence des Palestiniens, c’est pour cela qu’il a été conçu. »

Avec sa directive présidentielle rouvrant la possibilité de sanctions contre la CPI, Trump semble positionné pour continuer la défense d’Israël par les États-Unis. Des responsables de la CPI, qui a lancé des mandats d’arrêt internationaux contre Netanyahou et l’ancien ministre israélien de la Défense Yoav Gallant pour crimes de guerre présumés, s’arc-boutent déjà devant ce à quoi ressemblerait une nouvelle vague de sanctions. Même si Trump ne sanctionne pas les enquêteurs, les députés de la Chambre des représentants, dont 45 démocrates, ont voté une motion qui imposerait de telles sanctions à la direction de la CPI. Des experts des Nations Unies se sont opposés à la motion, l’appelant « une violation flagrante des droits humains ». Le sénateur Lindsay Graham, Républicain de Caroline du Sud, a dit qu’il se préparait à présenter la loi, qui a été introduite comme une réponse directe aux mandats d’arrêt contre les dirigeants israéliens, à un vote du Sénat cette semaine ou la suivante.   

Trump lui-même semble signaler un intérêt dans l’extension des colonies en Israël. Quand il a été interrogé pour savoir si les États-Unis avaient l’intention d’aider à reconstruire Gaza, il s’est apparemment appuyé sur son expérience dans l’immobilier. « Gaza est intéressant » a-t-il dit aux reporters lundi tout en signant les directives présidentielles. « C’est un emplacement phénoménal sur la mer. Le meilleur temps, tout est bon. De belles choses peuvent être faites avec. » Juste avant l’annonce du cessez-le-feu de la semaine dernière, le gendre de Trump, Jared Kushner, a doublé ses investissements dans une entreprise israélienne qui finance l’expansion des colonies.

Pour Elgindy comme pour Ayyash, les politiques du premier jour de la deuxième présidence de Trump ne sont pas une grande surprise si on prend en compte son premier mandat, au cours duquel il a cherché à permettre à Israël d’étendre les colonies, d’affaiblir la puissance de l’Iran et de normaliser les relations entre Israël et les nations arabes.

Maintenant, Trump a dit qu’il projette d’utiliser le momentum de l’accord de cessez-le-feu pour aider à normaliser les liens entre Israël et l’Arabie saoudite. Un telle démarche stimulerait encore les intérêts des États-Unis dans la région, tant économiques que sécuritaires, et améliorerait la position d’Israël dans la communauté internationale, position qui a été ébranlée par sa guerre génocidaire à Gaza.

Parmi les plus grands obstacles politiques à un tel accord, il y a l’engagement de l’Arabie saoudite de résister à des liens avec Israël jusqu’à ce qu’il reconnaisse un État palestinien à l’intérieur des frontières dessinées après la guerre arabo-israélienne de 1967. Mais l’Arabie saoudite a trop à gagner d’un partenariat avec Israël — potentiellement de nouveaux accords de sécurité avec les États-Unis qui permettrait à la nation de renforcer sa position dans la région alors qu’elle fait face à d’autres pays, comme l’Iran, a dit Ayyash.

Un accord entre l’Arabie saoudite et Israël pourrait faire bouger une chaîne d’autres nations qui se sont opposées à une normalisation des relations avec Israël, comme l’Indonésie ou des pays de l’Union africaine. Il pourrait aussi affaiblir la position des organismes internationaux de défense des droits humains, comme la Cour internationale de justice, qui a un cas de génocide en cours contre Israël.

« Cela signalerait la fin de la cause palestinienne dans l’arène diplomatique internationale », a dit Ayyash. « Cela signalerait que les États du monde entier ont accepté que c’est OK pour Israël de détruire les perspectives d’une solution à deux États, qu’il n’y aura jamais un État palestinien et que c’est juste la nouvelle réalité dans laquelle nous vivons. »

  • Photo : Le Président Donald Trump signe une directive présidentielle à Capital One Arena le 20 janvier 2025, à Washington, D.C. Photo : Evan Vucci/AP