Rencontre avec le premier professeur titulaire licencié pour une intervention pro-Palestine

Maura Finkelstein a été licenciée du Muhlenberg College pour avoir re-posté sur Instagram.

Maura Finkelstein n’a jamais caché son soutien à la libération de la Palestine pendant ses neuf années comme professeure d’anthropologie   au Muhlenberg College, un petit établissement universitaire d’arts libéraux à Allentown, en Pennsylvanie.

« J’ai toujours eu la pratique éthique de m’assurer d’inclure la Palestine dans mon enseignement », m’a dit Finkelstein. « Ce n’était jamais hors des limites de ce que je fais ».

Pour Finkelstein, qui est juive, cela n’a pas toujours été facile. Plus de 30 % des 2200 étudiants de Muhlenberg sont juifs, et beaucoup sont des partisans convaincus d’Israël.

Ni son soutien public de longue date des Palestiniens, cependant, ni les cours sur la Palestine qu’elle a enseignés dans ses premières années au College, n’ont empêché Finkelstein d’obtenir sa titularisation en 2021. Après la difficile procédure de titularisation, les professeurs sont censés bénéficier d’une sécurité d’emploi à vie et de solides garanties de la liberté académique. La barre pour un renvoi d’une position universitaire titulaire est conçue pour être extrêmement élevée, exigeant un motif justifié.

Fin mai, cependant, Muhlenberg College a dit à Finkelstein qu’elle était licenciée. La raison ? Elle avait partagé, sur son compte Instagram personnel et dans une diapo temporaire, un post, écrit non par elle-même mais par le poète palestinien Remi Kanazi, appelant à écarter l’idéologie sioniste et ses partisans.

« Ne battez pas en retraite devant les sionistes », écrivait Kanazi le 16 janvier. « Faites-leur honte. Ne les accueillez pas dans vos espaces. Pourquoi ces fascistes aimant le génocide seraient-ils traités différemment de n’importe quel autre raciste flagrant ». À l’époque, Israël avait déjà tué plus de 22000 Palestiniens à Gaza, dont la majorité étaient des femmes et des enfants.

À cause de ce repost par Finkelstein du message de Kanazi, le College a décidé que le professeur qu’il emploie depuis neuf ans avait violé sa politique d’égale opportunité et de non-discrimination.

« Le College suit à tout moment sa mission, ses politiques et ses procédures par rapport aux questions soulevées en fonction de notre Politique d’égale opportunité et de non-discrimination et selon le manuel de la Faculté », a dit Todd Lineburger, vice-président de Muhlenberg College pour la communication. « Selon ces politiques et procédures, le College ne fait pas de commentaires sur des questions confidentielles. »

« Le premier cas »

En ces temps de répression extraordinaire dans le monde académique, Finkelstein semble être le premier professeur renvoyé d’une position titularisée à cause d’une expression anti-sioniste depuis les contrecoups immédiats des attaques du 11 septembre. Son renvoi crée un nouveau précédent sinistre dans le contexte des attaques de la droite contre l’enseignement supérieur à l’échelle nationale. Comme The Intercept l’a rapporté, de nombreux professeurs dépourvus de la protection d’une titularisation ont été confrontés à la perte de leur travail, en représailles apparentes pour s’être exprimés contre le guerre génocidaire d’Israël et le régime d’apartheid. Des centaines d’étudiants ont été confrontés et continuent à être confrontés à de graves conséquences disciplinaires pour leur participation à des camps de solidarité avec Gaza et à des manifestations.

Dans les 11 derniers mois, d’autres professeurs titulaires ont été suspendus et ont fait l’objet d’enquêtes pour avoir formulé des critiques fortes d’Israël et du sionisme dans leurs interventions hors des murs — des déclarations faites en dehors de la classe.

En 2003, l’université de Floride-Sud a renvoyé le professeur titulaire d’informatique et d’ingénierie Sami Al-Arian, qui est palestinien, après des remarques faites sur la chaîne Fox News à propos d’Israël. L’université a affirmé avoir renvoyé Al-Arian — qui a été ultérieurement confronté à des poursuites controversées et à une condamnation — par inquiétude pour la sécurité du campus, mais des défenseurs de la liberté académique ont condamné à l’époque son renvoi comme un acte de censure et de discrimination.

En 2014, dans le cas précédent le plus proche de celui-ci de Finkelstein, l’universitaire américano-palestinien Steven Salaita a poursuivi l’université d’Illinois pour l’avoir licencié deux semaines avant qu’il ne commence à enseigner dans une position titularisée. La mesure est tombée après que ses tweets critiquant le bombardement d’Israël sur Gaza ont attiré la censure des médias de droite. L’université a conclu un accord avec Salaita pour 845 000 dollars lorsque des requêtes pour consulter des documents publics ont révélé que l’administration avait répondu à des pressions de riches donateurs pour qu’il soit renvoyé.

Jusqu’à Finkelstein, cependant, aucun autre professeur titulaire n’a été signalé comme ayant perdu son emploi de longue date pour une intervention ou une expression concernant Israël–Palestine, et certainement pas pour avoir partagé un post sur les réseaux sociaux.

Maura Finkelstein dans Jérusalem-Est occupée en 2018. Photo: Avec la permission de Maura Finkelstein

« C’est le premier cas que nous ayons vu », a dit Anita Levy, responsable de programme à l’Association américaine des professeurs d’université (AAUP), une organisation non lucrative qui promeut les droits des membres du corps enseignant des universités et la liberté académique, et cherche à ce que les institutions d’enseignement supérieur rendent des comptes lorsque les normes sont violées. « Les violations apparentes de sa liberté académique sont assez évidentes, particulièrement parce qu’elles semblent impliquer principalement ses posts sur les réseaux sociaux, ce que nous appellerions ses interventions hors les murs ».

Levy a déclaré: « Nous prenons ce cas au sérieux ».

La répression et les représailles sur le lieu de travail ne sont pas en quelque sorte pires dans le cas de Finkelstein à cause de sa position de titulaire ; tous les travailleurs universitaires devraient jouir de la liberté qu’obtiennent les titulaires. Pourtant le renvoi d’un professeur titulaire pour un repost anti-sioniste sur Instagram est un signal du degré auquel les institutions d’enseignement supérieur sont prêtes à trahir leurs propres prétendues normes pour se plier à des narratifs pro-Israël, intellectuellement malhonnêtes et conservateurs.

Campagne de pression

La décision de Muhlenberg College de renvoyer Finkelstein n’a pas commencé et fini avec le message de Kanazi sur Instagram qu’elle a repostée mi-janvier. Cette décision a suivi des tentatives de plusieurs mois visant à faire pression sur le College pour renvoyer la professeure, avec des croisades en ligne menées principalement par d’anciens étudiants anonymes de Muhlenberg College.

Finkelstein a été l’objet d’une campagne de milliers de mails anonymes, engendrés par des bots envoyés chaque minute pendant plus de 24 heures, aux administrateurs de l’université — ainsi qu’à des medias locaux et à des politiciens — demandant son renvoi et l’accusant de « haine contre les juifs ». Finkelstein a expliqué que la direction du College lui a dit que de nombreuses familles d’étudiants avaient appelé pour exprimer leur inquiétude à propos de sa position. Une pétition sur Change.org lancée fin octobre anonymement par des « Anciens étudiants et supporters de Muhlenberg » appelait au renvoi de Finkelstein pour une rhétorique prétendue « pro-Hamas » ; elle a recueilli près de 8000 signatures.

« Je pense que la pression des donateurs et des anciens étudiants était si intense que je suis devenue un immense fardeau », a dit Finkelstein.

Les exemples d’interventions prétendues « dangereuses » de Finkelstein listés dans la pétition incluent un mail que la professeure a envoyé aux étudiants, au personnel administratif et au corps enseignant de Muhlenberg College le 10 octobre dans lequel elle qualifiait les attaques du 7 octobre de « dévastatrices » et écrivait : « Nous devons pleurer tous les morts civils ». L’objectif du mail de Finkelstein, cependant, était d’alerter la communauté du College sur le fait qu’Israël bombardait déjà Gaza avec des « frappes aériennes d’une intensité sans précédent » et avait menacé le territoire en danger de couper ses ressources de base.

« Pour les Palestiniens de Gaza, les actes de vengeance d’Israël vont probablement résulter en une annihilation absolue », écrivait Finkelstein. « Muhlenberg College peut être un espace difficile pour parler ouvertement sur la Palestine et les Palestiniens et les pleurer. Sachez s’il vous plait qu’il y a des espaces sûrs sur le campus — n’hésitez pas à me contacter si vous en avez besoin. »

Une capture d’écran du mail est incluse dans la pétition sur change.org comme prétendu exemple de la menace que Finkelstein aurait posée aux étudiants juifs.

La pétition montrait aussi des captures d’écran de posts des comptes personnels de Finkelstein sur les réseaux sociaux, aucun d’entre eux ne nommant Muhlenberg College. Les posts dénoncent Israël comme force d’occupation et accusent l’État de génocide, une affirmation jugée plausible par la Cour internationale de justice. Aucun des posts de Finkelstein n’est dirigé contre des personnes juives — étudiants ou autres— en tant qu’elles seraient juives.

Collecte de fonds militaire israélienne

La pétition attirait aussi l’attention sur un autre moment clé des tensions de Finkelstein avec le College au cours des 11 mois précédents : sa réaction à une campagne de collecte de fonds pour l’armée israélienne promue sur le campus. Finkelstein m’a dit que le 17 octobre, en quittant sa salle de cours, elle a été choquée de découvrir une table d’affichage nouvellement installée par Hillel [une organisation juive sur les campus universitaires, très importante à l’échelle mondiale].

«  Vous pouvez aider à collecter de l’argent pour des efforts de guerre variés en Israël », disait une pancarte sur la table, suivie par des QR codes liés à des campagnes, dont une collectant de l’argent pour l’armée israélienne. Finkelstein n’a pas immédiatement posté publiquement sur la collecte, mais elle a envoyé un mail au président et à l’aumônier de l’université et au directeur de Hillel.

« Comment, en toute conscience, le College peut-il permettre que cela soit étalé devant nos étudiants ? L’armée israélienne vient de bombarder un hôpital à Gaza, tuant 500 personnes », écrivait-elle. « Je pense que c’est une honte absolue. J’espère que ce sera retiré immédiatement ». Après plusieurs plaintes à la direction de l’université, il a été dit à Finkelstein, explique-t-elle, que les étudiants de Hillel avaient le droit de collecter des fonds pour toutes les causes qu’ils voulaient.

« J’ai demandé si, puisque les étudiants avaient le droit de collecter des fonds pour un génocide, moi ou quiconque d’autre — d’autres enseignants, des étudiants — avait la liberté d’écrire là-dessus, et on m’a répondu que oui », a dit Finkelstein. Le jour suivant, elle a posé une photo de la pancarte de collecte sur ses comptes X et Instagram, sans indiquer Muhlenberg College comme lieu. « Des étudiants collectant des fonds pour un génocide », a-t-elle écrit. « La peine ne sera pas éteinte par la vengeance — cessez-le-feu maintenant ».

Ce post — une plainte à propos d’une collecte de fonds sur le campus pour une armée étrangère qui était déjà en train de tuer des civils en masse — a été présenté sur la pétition de change.org comme un exemple de « la rhétorique pro-Hamas et de la partialité flagrante en classe contre les étudiants juifs  » de Finkelstein.

Elle a dit qu’elle a reçu des menaces anonymes de viols et des messages de personnes disant qu’ils l’observaient quand elle allait promener son chien.

Plaintes

Tout au long du semestre d’automne, Finkelstein a été appelée à des réunions régulières avec la provost Laura Furge [l’administratrice principale] et Jennifer Storm, la responsable à l’université de l’amendement IX [interdisant la discrimination sexuelle dans les programmes éducatifs d’État et plus généralement la discrimination dans l’enseignement supérieur]. « On m’a constamment demandé de leur dire ce que j’avais enseigné dans mes cours, ce que j’avais dit à mes étudiants et on m’a dit que les étudiants ne se sentaient vraiment pas en sécurité », a expliqué Finkelstein.

Les administratrices lui ont dit que de « multiples » étudiants de ses cours se plaignaient. Finkelstein m’a dit qu’elle avait appris plus tard, cependant, par une enquête indépendante commandée par le College sur sa conduite, qu’un seul de ses anciens étudiants s’était plaint d’elle et que cette plainte n’avait jamais eu de suite.

La plainte formelle qui a eu un effet — et qui finalement a mené à son renvoi — a été déposée par un étudiant dont Finkelstein a dit qu’elle ne l’avait jamais eu comme étudiant dans ses cours, ni même rencontré. La plainte était seulement centrée sur le message Instagram temporaire de Finkelstein, qui a reposté l’appel de Kanazi à faire « honte » aux sionistes.

Selon Finkelstein, les réunions avec la provost et la responsable de l’amendement IX lui ont semblé une série de poteaux de but mobiles, où elle devait lutter pour clarifier les choses. En plus de questions sur le contenu de son enseignement, Finkelstein a dit qu’on lui avait parlé de ses écrits hors les murs, y compris un court essai publié fin octobre intitulé « ‘Jamais plus’ signifie ‘jamais plus pour quiconque ‘», et qui parlait de sa position comme juive anti-sioniste.

« ‘Ne jamais oublier’ », écrivait-elle à propos de la demande clé d’une mémoire de l’Holocauste, devrait «  faire de tous les juifs des militants en faveur du peuple palestinien ». Elle m’a dit que la provost avait qualifié l’essai de « biaisé » et lui avait demandé de s’assurer que ses écrits hors les murs de cette sorte ne mentionnent jamais son affiliation avec Muhlenberg College, ce que celui-ci ne faisait d’ailleurs pas.

« Il m’a semblé que l’administration avait besoin de se débarrasser de moi, et qu’elles essayaient de construire d’abord une affaire autour de mon enseignement, mais ceci s’est effondré », a dit Finkelstein. « Ensuite, brusquement, il y a beaucoup d’inquiétudes à propos de choses que j’avais publiées ».

«  Une Toundra glaciale »

Finkelstein croyait que ses problèmes avec le Muhlenberg College s’étaient « évanouis » pendant les vacances d’hiver, particulièrement avec l’augmentation des critiques internationales d’Israël. Le 17 janvier, cependant, le premier jour du semestre de printemps, elle a été informée par la provost qu’elle était nommée dans une plainte du Département fédéral de l’Éducation contre l’université.

Le Bureau des droits civils du Département de l l’Éducation a actuellement 118 enquêtes ouvertes sous l’amendement VI [article sur les droits civils interdisantt la discrimination sur la base de la race, de la couleur , de la nationalité et de l’ascendance], enquêtes sur la base de plaintes déposées depuis le 7 octobre, qui tombent dans la catégorie de discrimination « fondée sur une ascendance commune ». Ces affaires couvrent des incidents allégués d’antisémitisme, ainsi que la discrimination contre les musulmans et d’autres religions.

Pour déposer une plainte, une personne n’a pas besoin d’être affiliée à l’institution dont il est question. Comme The Intercept l’a rapporté auparavant, un homme, Zachary Marschall, le rédacteur du site de droite Campus Reform, est responsable pour plus de 10% des plaintes ouvertes, selon une base de données des plaintes et des enquêtes collectées à partir de données publiques par l’Agence télégraphique juive.

Comme listée dans la base de données, l’enquête sur Muhlenberg College date du 16 janvier et demeure ouverte. La plainte, telle qu’elle est résumée dans la base de donnée, est attribuée à un « membre juif du campus » qui n’est pas nommé. Finkelstein n’est pas non plus nommée dans la description de l’enquête, mais la base de données dit : « La lettre de plainte concerne un professeur juif anti-sioniste sur le campus, qui a écrit des articles louant le Hamas et s’est impliqué dans d’autres comportements que des étudiants juifs, actuels et anciens, trouvent néfastes pour les étudiants juifs. La lettre demande le renvoi du professeur. »

Finkelstein a partagé le post de Kanazi « Ne battez pas en retraite devant les sionistes » sur Instagram le soir du 17 janvier, après sa discussion avec la provost l’informant de l’enquête du Département de l’Éducation. Une semaine plus tard, Finkelstein était placée en congé administratif.

« J’ai été exclue des cours, coupée de mon compte mail de Muhlenberg, avec interdiction d’enseigner pendant le reste du semestre », a dit Finkelstein. À ce moment, en réponse à une plainte interne au bureau de l’amendement IX du College, Muhlenberg a engagé un enquêteur extérieur pour mener une investigation afin de déterminer si la professeure violait les politiques du College.

Selon un article dans le journal étudiant de Muhlenberg College à cette époque, les étudiants inscrits dans les cours de Finkelstein ont reçu peu d’information sur sa suspension, à part un mail de la provost le 24 janvier leur disant que leur professeure était en congé.

« J’ai été immédiatement contrarié à cause du College, parce qu’il n’y avait aucune mise à jour sur ce qui se passait », a dit un étudiant anonyme au Muhlenberg Weekly. « À partir du peu d’information que je connaissais, cela me semble une violation odieuse de la liberté académique du Dr Finkelstein, liberté que Muhlenberg College se targue fièrement de respecter. »

Les collègues enseignants qui ont cherché des détails supplémentaires sur la situation ont aussi déclaré avoir l’impression d’être maintenus dans l’ignorance.

« Nous n’avons pas été autorisés à poser des questions, nous n’avons reçu aucune information », m’a dit Janine Chi, professeure de sociologie à Muhlenberg College.

« Cela faisait froid dans le dos », a-t-elle dit du traitement de Finkelstein par le College, puis elle est revenue sur sa réponse : « J’ai utilisé le mot ‘froid’ pendant l’automne. Je pense que maintenant je l’appellerai une toundra glaciale ».

 «  N’a pas semblé comprendre »

Pendant que Finkelstein était mise en congé, l’enquête externe a été menée par D. Stafford & Associates, une firme de consulting spécialisée dans la sécurité et le maintien de l’ordre sur les campus. L’enquête, qui s’est terminée en avril, a conclu que le repost Instagram de Finkelstein atteignait le niveau d’une violation des politiques d’égale opportunité et de non discrimination de l’université, qui peut contrôler les interventions hors les murs en plus de la conduite dans les classes.

Selon Finkelstein, l’enquête a estimé que le post partagé « encourageait un comportement discriminatoire », mais que ses posts ne présentaient pas les critères « de sévérité, de persistance ou de généralité » nécessaires pour constituer un harcèlement.

Pour qu’une conduite compte comme violation de la politique d’égale opportunité et de non discrimination, elle doit concerner une classe protégée. Les enquêteurs extérieurs ne concluaient pas eux-mêmes que les sionistes constituaient une classe protégée en soi, mais que c’était la responsabilité de Muhlenberg College, en utilisant les lignes directrices du Département de l’Éducation de décider dans ce cas spécifique si le plaignant s’identifiant comme un sioniste devrait être considéré comme faisant partie d’une classe protégée « fondée sur la race, la couleur, l’origine nationale, y compris sur une ascendance commune ou des caractéristiques ethniques ».

Pour affirmer que Finkelstein méritait un renvoi pour un motif légitime, la direction du Muhlenberg College devait conclure que la professeure parlait d’une classe protégée — que quand elle parlait de sionisme, elle voulait vraiment dire « Israéliens » et « peuple juif ».

Finkelstein m’a dit qu’elle avait été explicite lors des réunions avec les administratrices sur ce qu’elle voulait dire quand elle utilisait le terme « sioniste » : qu’elle rejetait fermement les allégations que ce terme représente le peuple juif et que des juifs anti-sionistes comme elle-même s’opposent au maintien d’Israël comme ethno-État suprémaciste juif.

« Elle ne semblait pas comprendre ce que je voulais dire par ‘sioniste’ », a dit Finkelstein, racontant son expérience de la réunion d’octobre avec la provost, Furge. « Et donc je lui ai expliqué que le judaïsme est une religion et que le sionisme est une idéologie politique ».

Au contraire, la position de Muhlenberg College s’est aligné avec le consensus grandissant des institutions éducatives et gouvernementales qui confondent anti-sionisme et antisémitisme.

L’exception Palestine

Les conclusions de l’enquête externe ont été envoyées à un panel de trois membres de l’administration et du corps enseignant du College ostensiblement impartiaux, choisis par le bureau de l’amendement IX, auxquels était impartie la tâche de faire des recommandations. Le panel à conclu que Finkelstein était responsable de quatre chefs de discrimination et de harcèlement et a recommandé « un licenciement pour motif légitime » (le panel a annulé la conclusion de l’enquête selon laquelle la conduite de Finkelstein ne constituait pas un harcèlement).

La direction de l’université a informé Finkelstein que son dernier jour d’emploi serait le 30 mai. Finkelstein a déposé deux appels par des canaux séparés. Dans un cas, un agent d’appel désigné par l’administration de l’université a maintenu la conclusion de la direction dans sa décision du 16 septembre. La politique de l’université, selon la lettre de l’agent d’appel, affirme que « la décision de l’agent d’appel doit faire preuve de respect par rapport à la décision initiale » — avant même de considérer les preuves dans l’affaire. Finkelstein a aussi commencé une procédure d’appel à laquelle elle a droit, par l’intermédiaire du Comité du personnel et des politiques de l’université.

Une pancarte à côté d’un drapeau palestinien près d’un campement de protestation sur le campus d’UCLA le 30 avril 2024 à Los Angeles. Photo: Mario Tama/Getty Images

« Nous pensons vraiment qu’il y aurait une base solide pour un litige », a dit Stacey Leyton, avocat représentant Finkelstein. « Nous examinerons également d’autres demandes, notamment l’échec à protéger Maura alors qu’elle était elle-même harcelée en raison de ses opinions. »

« J’ai représenté des professeurs de nombreuses fois », m’a dit Leyton. « Je n’ai pas connaissance d’un seul cas qui ressemble à celui-ci ».

À titre de comparaison, Leyton a évoqué les cas de professeurs qui avaient fait des déclarations contestables et gardé leurs postes. L’une d’elles était la professeure de droit Amy Wax, titulaire de l’université de Pennsylvania, qui s’est attirée la colère publique et même des sanctions de son employeur, après des années d’interventions hors murs relevant explicitement de suprémacisme blanc, anti-immigrant, y compris l’allégation que « notre pays se porterait mieux avec plus de blancs et moins de non-blancs » ( Wax a été suspendue cette semaine à cause de ses commentaires).

Leyton a dit : «  Vous pouvez voir comment cela affectait directement l’expérience éducative de ses étudiants. Et elle est toujours employée après trois ans de procédures ».

Levy de l’ AAUP a envoyé une lettre au président de Muhlenberg College le 24 septembre, transmettant son inquiétude à propos du traitement de Finkelstein par le College, et se demandant si l’université adhérait à ses propres règlements, tout en notant que « des questions d’intérêt primordial pour notre Association demeurent, particulièrement par rapport à la liberté académique ». L’association envoie un comité de trois consultants à Allentown, selon la lettre, « pour discuter de la situation avec Prof. Finkelstein, d’autres membres du corps enseignant impliqués et des membres clés de l’administration et du conseil d’administration, avant de préparer un rapport de conclusions ».

Alors que d’autres professeurs ont dénigré sans ambiguïté des classes protégées et sont restés en poste, Finkelstein a perdu sa position pour avoir dénigré une idéologie et ses adhérents — et à un moment où cette idéologie est utilisée pour justifier un génocide en cours, pour réprimer la lutte palestinienne pour la liberté et pour réduire au silence toute critique d’Israël. Les militants et les universitaires ont depuis longtemps baptisé cela «  l’exception Palestine à la libre expression ». 

«  En tant que personne qui a été active dans le soutien et sla olidarité avec le peuple palestinien et l’auto-détermination palestinienne depuis des décennies, une partie de moi n’est pas surprise de ce qui est arrivé », m’a dit Finkelstein. « Et une part de moi ne peut croire que cela soit arrivé ».

Correction: 27 septembre 2024
Cet article a été corrigé pour refléter le fait que l’université de l’Illinois a renvoyé Steven Salaita plutôt que de retirer une offre d’emploi. Il a aussi été mis à jour pour inclure le cas de Sami Al-Arian, un universitaire palestinien renvoyé de l’université de Sud-Floride en 2003 pour ce que l’université a dit être des inquiétudes sur la sécurité du campus, mais que les défenseurs de la liberté académique ont dit être liés à ses commentaires critiques d’Israël.