Qui est Elham Farah ?

L’enseignante de musique, âgée de 84 ans, a été tuée par un sniper israélien à Gaza. Elham Farah a saigné pendant des heures après avoir été blessée, racontent des membres de sa famille.

Une amie, une fille, une sœur, une tante, une enseignante, une musicienne, une Chrétienne, une Palestinienne, un être humain, une personne.

Ce ne sont là que quelques-uns des mots qui peuvent décrire qui était Elham Farah. Elham était une petite femme avec un chapeau sur la tête, des lunettes sur le nez et un sac toujours accroché à l’épaule. Elham Farah était une Palestinienne – née et élevée à Gaza. Elle est la plus jeune fille du célèbre poète palestinien Hanna Dahdah Farah. La famille Farah est l’une des plus anciennes familles de Gaza, dont les origines remontent aux arabes Ghassanides, communauté éminente de Gaza entre les 4ème et 7ème siècles. La famille Farah tire ses racines de cette ville et est célèbre pour son savoir et son rôle dans la littérature. Comme les autres femmes de sa famille, Elham était instruite et talentueuse. Elle avait beaucoup de volonté et aimait l’aventure.

Elham a servi sa communauté en devenant la toute première enseignante de musique au sein du système éducatif de Gaza. Elle était l’une de ces rares personnes qui peuvent se saisir de n’importe quel instrument de musique et en jouer merveilleusement. Son instrument préféré était l’accordéon ; si vous l’avez connue, vous vous souviendrez de son expression de joie quand elle en jouait. Lorsqu’elle enseignait, elle jouait de la musique pour ses élèves tous les matins. Elle mettait en musique les poèmes de son père, créant de nouveaux chants qu’elle enseignait à ses élèves.

Elham aimait Gaza. Elle aimait ses habitants. Elle était une personne généreuse et aimante. Elle donnait à ceux qui étaient dans le besoin alors que ses moyens étaient limités. Elle aimait être entourée, en particulier par sa famille, proche et élargie. Elham utilisait son talent musical pour servir le Seigneur et son peuple en jouant durant les services religieux à l’église.

Elham a vécu seule dans un petit appartement et pris soin d’elle-même jusqu’à son dernier souffle. Elle avait survécu à de nombreuses guerres et pourtant, elle décrivait la guerre qui se déroule actuellement à Gaza comme la pire chose qu’elle ait vécu.

Depuis près d’un mois, elle avait pris refuge dans l’une des deux seules églises encore debout à Gaza, avec des centaines de personnes, pour éviter les bombardements, les échanges de tir et les éclats d’obus. Elle n’était jamais restée longtemps dans le même lieu, planifiant sans cesse de nouvelles aventures. Avec son caractère audacieux et sa forte volonté, elle ne pouvait plus supporter de rester enfermée à l’intérieur. Elle a insisté pour quitter l’église pour aller voir sa maison et respirer à l’air libre. Elle voulait aller y chercher une veste, et vérifier que sa maison était toujours debout et n’avait pas été détruite. Par le don de sa foi profonde, elle a rassuré les personnes autour d’elle, leur demandant de ne pas se faire de souci et confessant que Jésus Christ serait avec elle où qu’elle aille. Le 12 novembre 2023, Elham a marché de l’église jusque chez elle, mais lorsqu’elle a atteint la maison, un sniper, qui se trouvait sur le toit de son appartement, lui a tiré dans la jambe.

Lorsque les gens du voisinage ont vu Elham à terre sur le bord de la route, ils ont tenté d’aller vers elle pour lui porter secours, mais ils se sont fait tirer dessus aussi. Ils n’ont pas pu l’aider. Quelque temps après qu’elle a été blessée, des voisins ont réussi à contacter sa famille pour l’informer de ce qui s’était passé. Après plusieurs tentatives pour la joindre par téléphone, la nièce d’Elham a finalement réussi à lui parler. Au cours de cette conversation, Elham lui a décrit les grandes douleurs qu’elle ressentait et lui a dit qu’elle appelait à l’aide en vain depuis des heures. Elle lui a dit qu’elle ne pouvait plus sentir sa jambe et pensait que celle-ci avait été amputée du reste de son corps. Sa nièce lui a répondu : « Tante Elham, si elle avait été amputée, tu te serais déjà vidée de ton sang et tu serais morte maintenant. Repose-toi, il commence à faire nuit. On essaiera d’envoyer quelqu’un jusqu’à toi demain matin ». Elham lui a répondu : « D’accord, je pose ma tête sur le trottoir, je vais attendre ici ».

La famille d’Elham a tenté désespérément de contacter la Croix-Rouge ou n’importe qui capable de lui venir en aide. Malheureusement, personne n’a pu y aller. Elham est restée à se vider de son sang sur le bord de la route. Elle a rendu son dernier souffle et trouvé le repos dans le Seigneur le 13 novembre 2023. Ses derniers mots ont été « Priez pour moi, je suis en train de mourir ».

Tante Elham, ton appel à l’aide allant crescendo résonne sur les plages de Gaza. Le monde a perdu une très belle âme, et tu joues maintenant de la musique pour tous ceux qui ont perdu la vie comme tu as perdu la tienne. À Gaza tu es née, et qu’à Gaza tu reposes éternellement en paix. Nous n’oublierons jamais le son de ton accordéon. Nous n’oublierons jamais tes derniers mots. Nous t’aimons et tu nous manques.

« J’écris ton nom, mon pays », l’une des chansons qu’Elham Farah chantait avec ses élèves à Gaza, chantée ici à l’occasion du festival de musique par le groupe Sol Band, gagnant de la Compétition des musiciens palestiniens organisée par l’Institut français à Gaza en 2020.
Des enfants du Conservatoire Edward Said de Gaza chantant l’hymne national palestinien, Mawtini « Mon pays », en 2016.