Communiqué de presse
Malgré les objections de professionnels de la santé, et en contravention avec l’éthique médicale, le premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a demandé la promulgation express d’une loi qui permettra l’alimentation forcée des prisonniers palestiniens actuellement en grève de la faim pour protester contre leur détention administrative.
Physicians for Human Rights – Israel (PHR-IL) réclame au gouvernement la libération de tous les détenus administratifs, et demande instamment à la communauté médicale israélienne de dénoncer et combattre le projet de loi permettant l’alimentation forcée.
Israël est soumis à une pression croissante alors que la grève de la faim se poursuit. Chaque jour, davantage de détenus palestiniens s’y joignent pour manifester leur solidarité avec les détenus administratifs; le nombre de participants s’élève maintenant à environ 300. Quatre-vingt-dix des détenus administratifs qui ont lancé cette action sont maintenant à leur 41e journée de grève de la faim. Environ 70 ont été transférés pour soins hospitaliers dans des hôpitaux publics en fonction des modalités établies au préalable par les hôpitaux et le ministère de la Santé (voir les détails ci-dessous.)
Durant la dernière année, le gouvernement israélien a fait la promotion d’un projet de loi visant à permettre l’alimentation forcée de détenus en grève de la faim. Ce projet de loi a vu le jour suite à la grève de la faim de 2012, qui s’était soldée par un accord avec les grévistes et la libération de certains détenus administratifs.
Selon les médias, lundi 2 juin, le premier ministre Benjamin Netanyahu aurait ordonné l’accélération de l’adoption du projet de loi. Celui-ci a été approuvé le 18 mai par le comité ministériel sur la législation, et sera ensuite soumis au vote à la Knesset. Ce qui est inquiétant, c’est que le premier ministre ordonnera un processus d’approbation accéléré de cette loi de sorte que le gouvernement puisse y recourir à l’encontre des prisonniers actuellement en grève de la faim.
L’alimentation forcée et les soins forcés tels que stipulés dans le projet de loi constituent des violations graves des droits de la personne et de l’éthique médicale, notamment : légalisation de la torture par l’autorisation et la réglementation de l’alimentation forcée et des soins forcés appliqués aux grévistes de la faim ; usage de médicaments et/ou recours à des médecins à des fins politiques ; violation du droit national, des déclarations sur les droits des patients, ainsi que de nombreuses conventions internationales.
L’Association médicale d’Israël (AMI) a exprimé une opposition ferme à ce projet de loi et a appelé les médecins à ne pas agir d’une manière qui contrevienne à l’éthique médicale. Le Conseil national de la bioéthique, l’organisme professionnel qui conseille le gouvernement israélien sur ces questions, a recommandé le rejet catégorique du projet de loi.
Parmi ses tentatives pour empêcher que le projet de loi soit approuvé, Physicians for Human Rights – Israel a sollicité l’intervention de l’Association médicale mondiale (AAM) et de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).
Les clauses du projet de loi et les déclarations de ses partisans révèlent clairement les motifs qui sous-tendent cette initiative. De même, la position qu’a affirmée le premier ministre devant son cabinet ne laisse aucune place au doute quant à ces motifs. L’unique réponse que choisit l’État d’Israël face à des manifestations non violentes de prisonniers palestiniens est de les réprimer. Au lieu d’examiner les politiques de détention des Palestiniens, l’État d’Israël utilise la force pour briser la grève de la faim et les grévistes.
En réponse à la résistance des organismes professionnels ainsi qu’à l’appel de l’AMM demandant aux médecins d’agir en conformité avec l’éthique médicale, le premier ministre Benjamin Netanyahu a déclaré, lors d’une réunion de son cabinet, qu’il y aurait certainement des médecins qui accepteraient de pratiquer l’alimentation forcée et les soins forcés des prisonniers.
Physicians for Human Rights – Israel, pour sa part, est fermement convaincu de la force et de la stabilité de l’orientation éthique de la communauté médicale israélienne, ainsi que de sa capacité à lutter contre cette indigne proposition. Les médecins ne seront pas complices de torture, ils ne violeront pas l’éthique médicale. PHR-IL invite tous les professionnels de la santé à faire tout ce qui sera en leur pouvoir pour empêcher l’approbation de ce projet de loi.
La grève de la faim : le point
Accès à des médecins indépendants :
Physicians for Human Rights – Israel (PHR-IL) a soumis à l’administration pénitentiaire israélienne (API)des dizaines de demandes pour que des médecins indépendants puissent visiter et soutenir les grévistes de la faim hospitalisés dans les hôpitaux de Kaplan, Meir, Ichilov et Ha-Emek, tous des hôpitaux publics. Une réponse de l’API en date du 3 juin 2014 indique que toute demande de visites à l’hôpital doit être directement approuvée par elle. PHR-IL espère que la coordination entre les hôpitaux et l’API ne sera pas entravée par une bureaucratie futile qui empêcherait l’accès des grévistes de la faim à des médecins indépendants.
Tous les grévistes de la faim devraient avoir accès à des soins médicaux adéquats et à des contrôles de suivi effectués par un médecin avec qui ils puissent établir des relations de confiance, et les instances qui traitent les grévistes de la faim doivent respecter les normes éthiques et professionnelles régissant les soins médicaux.
Réaction de l’administration pénitentiaire israélienne à la grève de la faim : l’API a infligé des sanctions et des punitions aux grévistes de la faim, notamment des peines d’isolement, des fouilles intrusives et de violentes perquisitions de cellules, le refus de visites familiales et des restrictions, encore en cours, aux rencontres entre les grévistes de la faim et leurs avocats.
PHR- IL souligne que les grèves de la faim sont une forme acceptée de protestation non violente et ne doivent pas susciter de mesures punitives. Elles sont la seule voie d’action disponible aux détenus administratifs. Ainsi, il n’est pas acceptable que l’IPS impose les peines ci-dessus aux grévistes de la faim.
Accès aux hôpitaux : En conformité avec les directives du ministère israélien de la Santé (MS), un prisonnier en grève de la faim doit être transféré dans un hôpital civil au 28e jour de grève. Ces directives ont été émises en janvier 2013 suite à des demandes répétées de PHR-IL pour que les grévistes de la faim soient admis dans les hôpitaux civils publics. Au début de mai, à la suite d’une réunion entre les API et les chefs des unités de traumatologie de différents hôpitaux, plusieurs décisions ont été prises, y compris ce qui suit :
a) Les prisonniers en grève de la faim doivent être dispersés dans divers hôpitaux civils afin d’éviter une surcharge hospitalière. Il a été convenu que chacun des hôpitaux recevrait environ 10 patients grévistes de la faim.
b) Les directives du MS selon lesquelles tous les grévistes de la faim doivent être admis à l’hôpital au 28e jour de grève ont été modifiées : c’est maintenant au 35e jour que l’hospitalisation est prévue. Cependant, il a été convenu qu’au 28ejour, tous les grévistes de la faim doivent être présentés à un hôpital civil pour examen.
Les médecins bénévoles de PHR-IL travaillant dans les hôpitaux ont signalé que des grévistes de la faim étaient enchaînés et que de nombreux gardiens de prison étaient présents. Ils soulignent la difficulté à traiter ces patients dans de telles conditions, principalement en l’absence de confidentialité et dans l’impossibilité de respecter le secret médical.
Soins médicaux adéquats et respectueux de l’éthique : Le traitement d’un aussi grand nombre de grévistes de la faim représente un grand défi pour la communauté médicale et exige une attention particulière sur les plans professionnel et éthique. Une réunion organisée par l’Association médicale israélienne (AMI) le 28 mai a permis de tenter de parvenir à un consensus autour de la bonne conduite à adopter et du traitement des grévistes de la faim, et il a été convenu que ces derniers sont avant tout des patients. En outre, la direction de l’AMI a très clairement réitéré que l’alimentation forcée est absolument interdite. Certains points d’intérêt nécessiteront sans doute davantage d’attention et de discussions :
Il faudrait clarifier ce qui peut être fait après qu’un gréviste de la faim a perdu conscience. En effet, l’alimentation artificielle est acceptable sur le plan de l’éthique uniquement avec le consentement explicite ou implicite du gréviste de la faim. Il est donc crucial d’établir avec le patient une relation de confiance permettant un dialogue ouvert et honnête.
Législation visant à permettre l’alimentation forcée : la promulgation d’une loi favorisant l’alimentation forcée est en cours. Le 18 mai 2014, le comité ministériel israélien a approuvé la modification proposée à la Loi sur les prisons [Nouveau formulaire] (Prévention des dommages dus aux grèves de la faim), datant de 2013. Bien que l’ AMI et le Comité national de bioéthique s’opposent fortement à ce projet de loi et à la participation qu’il exige de la profession médicale, le soutien du gouvernement apporté à ce type de conduite risque d’éroder la ferme position qui s’affirme actuellement à son encontre. PHR-IL exprime sa crainte que la pression du gouvernement pour promouvoir ce projet de loi n’augmente à mesure que la grève franchit des étapes cruciales.
Activités de Physicians for Human Rights – Israel : PHR-IL a invité des organisations médicales internationales, telles que l’Organisation mondiale de la santé, l’Association médicale mondiale et les rapporteurs spéciaux sur la torture et sur le droit à la santé, à dénoncer publiquement l’amendement proposé pour les raisons suivantes :
a) Il y a violation d’une longue lignée de principes d’éthique médicale, de déclarations et traités internationaux, ainsi que de la législation nationale en vigueur.
b) Cet amendement tombe sous le coup de dispositions légales accordant l’amnistie, et d’autres mesures prévoyant de facto ou de jure l’impunité, en violation de l’interdiction de la torture.
Face à la grève de la faim en cours, l’appel que lance PHR-IL à ces instances internationales souligne l’urgence d’une telle dénonciation en raison du danger que l’amendement proposé cause pour ceux qui prennent actuellement part à ce mouvement.