[Publié avec la permission de l’auteur]
Au lieu d’un résumé, voici un bref extrait du contenu :
« Plaidoyer contre les boycotts académiques d’Israël » (The Case Against Academic Boycotts of Israel), sous la direction de Cary Nelson et Gabriel Noah Brahm (2015), a l’ambition d’être « une ressource qui fournisse bon sens, histoire et solide information aux campus confrontés à un programme BDS [Boycott, Désinvestissement et Sanctions] (19). Les auteurs ont nettement l’impression que leur livre a atteint ce but – Cary Nelson lui a attribué cinq étoiles dans le compte-rendu de son propre livre sur Amazone.
Oui, ce recueil est clairement et inébranlablement partisan et, en tant que tel, ses revendications de bon sens, d’histoire et de solide information doivent être prises, pour le moins, avec retenue. Le constat de l’assitance du Réseau d’Action Israélien à la fabrication de ce livre apporte une preuve supplémentaire (s’il en était besoin) de son programme et de ses partis pris.
Cela dit, cela ne me pose pas de problème. Et je n’ai non plus aucun problème à dévoiler mon adhésion, avec ma carte de membre etc., à l’Organisation Collective de la Campagne Américaine pour le Boycott Académique et Culturel d’Israël. En réalité, ce que j’apprécie à propos de ce recueil, ainsi que devraient le faire ceux qui se trouvent d’un côté ou de l’autre du débat, c’est son étendue et son approfondissement. Les auteurs nous ont rendu à tous le service de collecter la plupart, sinon la totalité, des arguments les plus courants contre le boycott académique d’Israël. Ils aident ainsi à établir une ligne de démarcation claire entre leur côté et le côté pro-boycott, qui lui est bien représenté dans un autre recueil, dirigé par Bill Mullen et Ashley Dawson, sous le titre Contre l’Apartheid : L’Affaire pour le Boycott des Universités Israéliennes (2015). Ceux qui souhaitent avoir une bonne compréhension du débat devraient lire l’un et l’autre de ces volumes.
Le volume de Nelson et Brahm est constitué de quelques 32 essais et documents, comprenant également des ressources en ligne. En quelque sorte, Cary Nelson a obtenu quatre essais, dont le plus long, attaque ad homina contre Judith Butler (« Le Problème avec Judith Butler »), mais Nelson n’a jamais été quelqu’un de timide et réservé et je suppose que, en tant que coauteur, il jouit de certains privilèges.
Il y a beaucoup à dire à ce sujet mais, si on veut se focaliser sur ce qui est essentiel pour comprendre le clivage entre les anti-boycott et les pro-boycott, je me limiterai à quatre sujets et laisserai le lecteur libre d’explorer n’importe quel autre sujet qu’il trouve digne d’intérêt.
L’attaque de Nelson-Brahm contre le boycott tient pour beaucoup au fait qu’ils le caractérisent comme antisémite et contre la liberté académique. Ils pensent que le boycott est donc excessif , surtout à la lumière de ce qu’ils prétendent être une situation bien meilleure en Israël-Palestine que nous ne l’imaginons, situation qu’il faut préserver. Ils pensent que le coût d’un boycott inclut la rupture d’une relation délicate et significative entre les universités israéliennes et américaines. Mais plus importante est leur croyance que le but du boycott est la destruction de l’État d’Israël et ceci, plus que tout, justifie une condamnation du boycott.
De mon côté, je soutiendrai, premièrement, que l’accusation d’antisémitisme est faible, même selon les propres standards des auteurs ; deuxièmement, que leur plaidoyer en faveur de la liberté académique ne tient pas et sert avant tout de prétexte pour détourner la critique d’Israël ; troisièmement, que leurs prétentions au sujet de la situation des universitaires en Israël et dans les Territoires Occupés sont contredites par les faits aujourd’hui. Je soutiens que leur défense implacable d’Israël en tant qu’Etat juif suprémaciste est au coeur de ce volume et que les questions de l’antisémitisme du boycott et du déni de liberté académique sont au mieux secondaires.
L’engagement absolu de ces auteurs dans la préservation de cette vision spécifique d’un Etat juif explique leur incapacité à voir plus loin que ce but. Ils sont profondément indifférents à ce que précisément le boycott académique d’Israël cherche à aider à atteindre – l’égalité des droits pour les Palestiniens. Non seulement ils sont insensibles à ces droits, aussi longtemps qu’ils penseront que ces droits là pourraient conduire à la « destruction » de l’État d’Israël, mais ils y sont carrément opposés.
En résumé, les auteurs de ces essais s’intéressent entièrement à la survie de leur vision particulière de l’État d’Israël en tant qu’Etat juif ; ceux qui sont favorables au boycott académique s’intéressent à la justice pour les Palestiniens.