Oxford et d’autres grandes universités britanniques sous le feu de vives critiques pour envoyer des étudiants dans les colonies illégales israéliennes

Amnesty dit que les universités « tissent activement des liens avec tout un système d’illégalité, de discrimination et d’exploitation ».

Les plus grandes universités britanniques ont été accusées de « tisser activement des liens avec un système d’illégalité, de discrimination et d’exploitation » en participant à l’occupation illégale de Jérusalem Est, peut révéler Open Democracy.

Les institutions, dont les universités d’Oxford, Manchester et Leeds, mènent des programmes d’échanges avec l’Université Hébraïque de Jérusalem. Dans le cadre de ce programme, les étudiants séjournent généralement dans des résidences universitaires dans la zone palestinienne de Jérusalem illégalement occupée par des colons israéliens.

Parlant des universités qui participent à cet arrangement, un expert juridique a dit que « les universités qui ont foi dans les droits de l’être humain, la justice et l’état de droit devraient s’abstenir de devenir partenaires de projets qui sapent le droit international et ignorent les souffrances des victimes ».

Munir Nuseibah, professeur assistant à la faculté de Droit de l’Université Al Quds, l’université palestinienne de Jérusalem, a ajouté : « En participant à cet échange, les universités… ne tiennent aucun compte du consensus international sur le fait que Jérusalem Est est occupée et que son annexion par Israël est contraire au droit international. »

L’importante organisation de défense des droits de l’être humain Amnesty International a elle aussi critiqué les universités, disant qu’elles « se lient activement à tout un système d’illégalité, de discrimination et d’exploitation ».

Kristyan Benedict, directeur de la campagne d’Amnesty en réponse à la crise, a ajouté : « Nous avons appelé toutes les entreprises à mettre fin à leurs opérations dans les colonies israéliennes et les ressemblances sont ici frappantes – un village étudiant est peu différent d’une colonie dans son illégalité s’il est construit sur une terre volée. »

‘Je me suis senti trahi’

Parlant à Open Democracy, sous condition d’anonymat, un étudiant qui a fait partie d’un programme d’un an à l’étranger organisé par son université britannique a décrit le choc ressenti en découvrant que le logement qu’on lui fournissait se trouvait à Jérusalem Est occupée.

« J’ai véritablement ressenti qu’on m’utilisait comme un outil de légitimation de l’occupation », a-t-il dit.

Rob Abrams, Juif britannique diplômé d’un programme d’été à l’Ecole Internationale Rothberg, qui fait partie de l’Université Hébraïque de Jérusalem, a dit : « Je me suis senti comme si on m’avait menti. Je me suis senti vraiment trahi. J’étais dans un programme où on se concentrait sur une coexistence supposée, mais nous étions là, sur une terre qui, selon le droit international, est sous occupation illégale. »

La terre en question, c’est Al Samar, qui faisait partie du village de Lefta et que l’on désigne aujourd’hui comme la colonie ‘Colline Française’ sur laquelle est installé le Village des Etudiants de l’université. Cette terre, et les environs de l’université en général, sont l’objet depuis des décennies d’un contentieux entre les habitants palestiniens et l’université.

L’université s’est étendue en dépossédant les Palestiniens du territoire, selon les experts qui ont étudié le campus. Une stratégie qui consiste à contenir les Palestiniens dans les environs tout en conservant un semblant d’encouragement aux « relations communautaires » a accompagné l’expansion, disent-ils.

Open Democracy a parlé avec de nombreux étudiants qui ont séjourné dans le village d’étudiants et qui ont confirmé que, parmi les résidents de ce logement, se trouvaient des étudiants de SOAS (Ecole d’Etudes Orientales et Africaines), Leeds, et de l’Université de Birmingham, qui toutes font la promotion des programmes d’échanges avec l’Université Hébraïque.

Les universités de Durham et de Manchester et l’University College de Londres offrent de fréquents échanges avec l’Université Hébraïque et font spécifiquement la promotion de son village d’étudiants sur leurs sites internet, bien qu’il soit en territoire occupé.

L’Université d’Oxford, celle de Queen Mary, l’Université de Londres et Trinity College et les Collèges de l’Université de Dublin font eux aussi la promotion d’années à l’étranger à l’Université Hébraïque, mais ne précisent pas sur leurs sites internet quel logement est disponible pour les étudiants sur ces programmes, bien que les étudiants qui ont passé du temps à l’Université Hébraïque aient dit que la majorité des étudiants d’années à l’étranger de toutes les universités sont logés dans le village d’étudiants, et par conséquent en territoire occupé.

‘Ségrégation’

Plus d’un étudiant ayant étudié à l’Université Hébraïque a décrit les conditions sur le campus comme de la « ségrégation ».

« La vérité c’est que les étudiants israéliens, palestiniens et internationaux échangent rarement. La majorité des étudiants palestiniens ne sont là qu’à des moments de l’année où peu d’étudiants israéliens sont présents », a dit Rob Adams.

« Il y a des tas de soupçons et de questions de sécurité entre le campus et les villages palestiniens des alentours. Les soldats harcèlent régulièrement les Palestiniens près du logement des étudiants pour les garder séparés et loin du… village des étudiants.

Une étudiante noire, qui avait suivi des cours à l’université dans le cadre de ses études de danse dans une université américaine, a elle aussi décrit les conditions de vie comme de la « ségrégation ». Elle a ajouté que c’est en faisant le tour du campus à son arrivée qu’on lui a montré la zone palestinienne à côté du campus séparée par une barrière.

Parlant à Open Democracy, elle a dit que son université ne l’avait pas convenablement préparée au contexte hautement racialisé dans lequel elle l’envoyait.

« Mes sœurs noires ont eu des expériences personnellement traumatiques », a-t-elle dit, racontant qu’elles avaient reçu des crachats et des pierres dans un quartier orthodoxe de Jérusalem.

Un autre ancien étudiant avec lequel nous avons parlé a dit qu’une association d’étudiants d’extrême droite sur le campus l’ont harcelé après qu’il ait évoqué la situation.

Campagne étudiante

Une étudiante palestinienne de SOAS, Yara Derbas, membre de l’association de la campagne Apartheid Off Campus (Pas d’Apartheid sur le Campus), a accusé les universités d’ « envoyer leurs étudiants prendre directement part à la perpétuation de crimes de guerre et normaliser les relations avec les institutions enracinées dans la forme la plus brutale de racisme de notre temps : le colonialisme, l’apartheid et la suprématie européenne.

« En premier lieu, on n’aurait jamais dû organiser ces programmes, et il faut y mettre fin immédiatement. »

Plus d’une centaine de membres de l’union des étudiants ont signé une lettre condamnant ces programmes d’échanges.

Dans cette lettre, lue par Open Democracy, ils décrivent un contraste entre les déclarations de soutien des universités au mouvement de La Vie des Noirs Importe et leur implication avec les institutions israéliennes. On y lit : « C’est un fait incontestable que les universités britanniques facilitent activement la politique coloniale d’Israël contre la population indigène de Palestine. »

La lettre se poursuit : « Onze universités britanniques entretiennent des programmes d’échanges avec l’Université Hébraïque de Jérusalem, qui est non seulement construite sur une terre occupée illégalement, mais est aussi ouvertement et systématiquement raciste envers ses étudiants et son personnel palestiniens. Ce type de partenariat signifie effectivement que, dans ces échanges, de nombreux étudiants britanniques étaient logés dans des colonies illégales, contrevenant à tout cadre éthique et au droit international. »

Des universités annulent les programmes

Quand Open Democracy a pris contact avec l’Ecole d’Etudes Orientales et Africaines pour l’interroger sur son implication dans ce programme, un porte-parole a répondu que l’université avait accepté de se retirer de son arrangement avec l’Université Hébraïque à la fin de l’année universitaire 2019-2020.

Le porte-parole a ajouté : « Etant donné les inquiétudes soulevées par la communauté de SOAS, SOAS a étudié les différentes options pour organiser les dispositions pour l’Année Hébraïque à l’Etranger et, finalement, nous sommes tombés d’accord pour prendre comme prestataire l’Université de Haïfa après la prochaine année universitaire. »

L’Université de Londres Ouest a également répondu à notre enquête en annonçant qu’elle avait annulé son partenariat.

En commentant l’annulation de ces programmes, Derbas a ajouté : « Que SOAS et UWL coupent les liens avec l’Université Hébraïque est un jalon dans notre campagne de boycott académique, qui établit un précédent poussant d’autres universités du Royaume Uni à rompre les liens avec le régime israélien d’apartheid. »

Cependant, un certain nombre d’universités ont défendu leurs programmes. Répondant aux questions d’Open Democracy, un porte-parole de l’université de Manchester a dit :

« Ces accords sont vitaux pour procurer une expérience d’études de niveau mondial à nos étudiants et maintenir une expérience internationale sur les campus. L’un de ces accords est tissé avec l’Université Hébraïque de Jérusalem, qui est une institution internationalement largement reconnue d’Israël qui a en retour des accords avec 27 pays. »

L’université a confirmé qu’elle n’avait aucun accord officiel avec une quelconque université palestinienne.

Queen Mary, université de Londres, a confirmé que deux de ses étudiants avaient participé à des échanges avec l’Université Hébraïque de Jérusalem, tous les deux en 2019, mais a jouté qu’elle n’avait aucune information sur le logement où ils avaient séjourné.

Un porte-parole de l’université de Birmingham a dit qu’ils avaient « un solide processus de diligence raisonnable en place, qui place au centre l’expérience de l’étudiant, au moment de considérer quelles institutions prendre comme partenaires pour accueillir les étudiants faisant leurs études à l’étranger. Nous considérons toutes ces questions dans notre processus de diligence pour les renouvellements ou toute continuation d’accord avec nos partenaires ».

Un porte-parole de l’université de Leeds a dit :

« [Nous avons] plus de 300 universités partenaires à travers le monde – permettant à [nos] étudiants de développer leurs compétences et leur expérience et d’augmenter leur possibilité de trouver un emploi. L’un de ces partenariat existe avec l’Université Hébraïque de Jérusalem.

« Un étudiant nous ayant informé à son retour à Leeds d’un problème en rapport avec leur logement, nous faisons des démarches pour en parler avec notre université partenaire. »

A la question de savoir si un de ces partenariats se trouvait être avec des universités palestiniennes, Leeds a confirmé que ce n’était pas le cas. »

L’université d’Oxford et l’Université Hébraïque de Jérusalem n’ont pas répondu à notre demande d’explications.

Etudiants palestiniens derrière les barreaux

Pendant ce temps, les étudiants palestiniens font face à ce qu’ils ont qualifié de campagne d’arrestations par les forces israéliennes qui ont pris pour cible plus de quatre-vingt étudiants d’université ou de lycée dans la seule Cisjordanie. Une lettre du Comité pour la Liberté Académique de l’Association Nord-américaine d’Etudes Moyen-orientales, adressée au premier ministre d’Israël Benjamin Netanyahou et au Général de Brigade Rasan Allan, chef de l’administration civile de Cisjordanie, décrit les arrestations comme « une continuation de la politique israélienne, non déclarée mais indiscutable, de ciblage et d’interruption de l’éducation supérieure palestinienne ».

Plus récemment, la campagne pour le Droit à l’Education à l’université de Birzeit en Cisjordanie a averti que « plus de 80 étudiants détenus sont exposés à un danger imminent étant donnée l’expansion du Coronavirus dans les prisons israéliennes », tandis que la campagne d’arrestation d’étudiants se poursuit.

Krystian Benedict d’Amnesty International a dit : « Les étudiants palestiniens font face à de nombreux obstacles pour accéder à l’éducation – dont les déplacements forcés, les démolitions, les restrictions de circulation, les attaques et le harcèlement de la part des colons israéliens. Les universités britanniques ne doivent pas contribuer à un système d’oppression qui viole systématiquement le droit à l’éducation des Palestiniens. »