Nous condamnons le meurtre de journalistes à Gaza par Israël et appelons à l’intégrité dans la couverture médiatique occidentale des atrocités commises par Israël contre les Palestiniens.

Les auteurs de la lettre sont un groupe de journalistes basés aux États-Unis et travaillant dans des rédactions locales et nationales. Certains membres du groupe ont également été impliqués dans une lettre ouverte de 2021 faisant état de leurs préoccupations concernant la couverture médiatique américaine de la Palestine.

Toutes les signatures ont été vérifiées. Environ 600 journalistes, actuels et anciens, ont signé la lettre dès sa publication le 9 novembre 2023. Environ 600 autres l’ont signée depuis, portant le total à environ 1 200. Tous les chiffres ont été mis à jour au 13 novembre 2023.

Plus de 30 journalistes ont depuis demandé que leur signature soit retirée, craignant des représailles de la part de leurs employeurs. Ces employeurs comprennent l’Associated Press, le Washington Post, Bloomberg, McClatchy, le Chicago Tribune, LAist, le Modesto Bee, KCRW et KQED.

La campagne de bombardements dévastateurs d’Israël et le blocus des médias à Gaza menacent la collecte d’informations comme jamais auparavant. Le temps presse.

Plus de 11 000 Palestinien.ne.s ont été tué.e.s au cours des quatre semaines de siège israélien. Selon le Comité pour la protection des journalistes, 37 journalistes au moins ont été tué.e.s dans ce conflit, le plus meurtrier pour les journalistes depuis que le Comité a commencé à recenser les décès en 1992. Des dizaines d’autres ont été blessé.e.s, détenu.e.s, porté.e.s disparu.e.s ou ont vu des membres de leur famille tué.e.s.

En tant que reporters, rédacteurs.rices, photographes, producteurs.rices et autres travailleurs.euses des salles de rédaction du monde entier, nous sommes consterné.e.s par le massacre de nos collègues et de leurs familles par l’armée et le gouvernement israéliens.

Nous vous écrivons pour vous demander instamment de mettre fin à la violence contre les journalistes à Gaza et pour appeler les responsables des rédactions occidentales à faire preuve de lucidité dans la couverture des atrocités répétées d’Israël à l’encontre des Palestinien.ne.s.

Les journalistes de la bande de Gaza assiégée sont confronté.e.s à d’importantes coupures d’électricité, à des pénuries de nourriture et d’eau et à l’effondrement du système médical. Ils.elles ont été tué.e.s alors qu’ils.elles travaillaient visiblement comme journalistes, ainsi que la nuit à leur domicile. Une enquête de Reporters sans frontières montre également que les journalistes ont été délibérément pris pour cible lors des deux frappes israéliennes du 13 octobre au Sud-Liban, qui ont tué Issam Abdallah, vidéaste de l’agence Reuters, et blessé six autres journalistes.

Des familles de journalistes ont également été tuées. Wael Dahdouh, chef du bureau d’Al Jazeera à Gaza et célèbre dans le monde arabe, a appris à l’antenne le 25 octobre que sa femme, ses enfants et d’autres membres de sa famille avaient été tué.e.s lors d’une frappe aérienne israélienne. Le 5 novembre, une frappe sur le domicile du journaliste Mohammad Abu Hassir, de l’agence de presse Wafa, l’a tué ainsi que 42 membres de sa famille.

Israël a bloqué l’entrée de la presse étrangère, a fortement restreint les télécommunications et a bombardé des bureaux de presse. Une cinquantaine de sièges de médias à Gaza ont été touchés au cours du mois dernier. Les forces israéliennes ont explicitement averti les agences de presse qu’elles « ne peuvent pas garantir » la sécurité de leurs employé.e.s contre les frappes aériennes. S’inscrivant dans le cadre d’une politique de ciblage mortel des journalistes qui dure depuis des décennies, les actions d’Israël témoignent d’une suppression à grande échelle de la liberté d’expression.

Le Syndicat des journalistes palestinien.ne.s a exhorté les journalistes occidentaux.ales à condamner publiquement le ciblage des journalistes. « Nous appelons nos confrères journalistes du monde entier à prendre des mesures pour mettre fin aux bombardements horribles dont est victime notre peuple à Gaza », a déclaré le 31 octobre le syndicat dans un communiqué publié.

Nous répondons à cet appel.

Nous nous tenons aux côtés de nos collègues de Gaza et saluons leurs courageux efforts pour rendre compte de la situation au milieu du carnage et de la destruction. Sans eux.elles, nombre des horreurs commises sur le terrain resteraient invisibles.

Nous nous joignons aux associations de presse, dont Reporters sans frontières, l’Association des journalistes arabes et du Moyen-Orient et la Fédération internationale des journalistes, pour exiger d’Israël qu’il s’engage explicitement à mettre fin à la violence contre les journalistes et les autres civil.e.s. Les rédactions occidentales bénéficient énormément du travail des journalistes de Gaza et doivent prendre des mesures immédiates pour demander leur protection.

Nous tenons également les rédactions occidentales pour responsables de la rhétorique déshumanisante qui a servi à justifier le nettoyage ethnique des Palestinien.ne.s. Les doubles standards, les inexactitudes et les faussetés abondent dans les publications américaines et ont été bien documentés. En 2021, plus de 500 journalistes ont signé une lettre ouverte dans laquelle ils.elles s’inquiètent du fait que les médias américains ignorent l’oppression des Palestinien.ne.s par Israël. Pourtant, l’appel à une couverture équitable est resté sans réponse.

Les salles de rédaction ont au contraire sapé les perspectives palestiniennes, arabes et musulmanes, les rejetant comme non fiables, et ont utilisé un langage incendiaire qui renforce les clichés islamophobes et racistes. Elles ont publié des informations erronées diffusées par des responsables israélien.ne.s et n’ont pas examiné les massacres aveugles de civil.e.s à Gaza, commis avec le soutien du gouvernement américain.

Depuis l’attaque du 7 octobre par le Hamas, au cours de laquelle plus de 1 200 Israélien.ne.s, dont quatre journalistes, ont été tué.e.s et quelque 240 autres capturé.e.s, ces problèmes se sont aggravés. La couverture médiatique a fait de l’attaque le point de départ du conflit sans offrir le contexte historique nécessaire, à savoir que Gaza est une prison de facto pour les réfugié.e.s de la Palestine historique, que l’occupation israélienne est illégale au regard du droit international et que les Palestinien.ne.s sont régulièrement bombardé.e.s et massacré.e.s par le gouvernement israélien.

Les expert.e.s de l’ONU se sont déclaré.e.s « convaincu.e.s que le peuple palestinien court un risque grave de génocide ». Pourtant, les médias occidentaux hésitent à citer des expert.e.s en génocide et à décrire avec précision la menace existentielle qui pèse sur Gaza.

C’est notre travail : demander des comptes au pouvoir. Sinon, nous risquons de devenir les complices d’un génocide.

Nous renouvelons l’appel lancé aux journalistes pour qu’ils.elles disent toute la vérité, sans crainte ni favoritisme. D’utiliser des termes précis, bien définis par les organisations internationales de défense des droits de l’homme, tels que « apartheid », « nettoyage ethnique » et « génocide ». Reconnaître que le fait de déformer nos propos pour dissimuler les preuves de crimes de guerre ou de l’oppression des Palestinien.ne.s par Israël est une faute professionnelle journalistique et une abdication de la clarté morale.

On ne saurait trop insister sur l’urgence de ce moment. Il est impératif que nous changions de cap.

La liste complète des signataires est disponible ici (1514 au 22 novembre 2023)