Nier l’affamement de Gaza n’est pas moins vil que de nier l’Holocauste

Le déni est légitime en Israël, il est cohérent avec le « politiquement correct » local — il n’y aurait pas de famine et les descriptions d’un affamement délibéré de Gaza seraient une conspiration antisémite

Il n’y a pas beaucoup de phénomènes plus vils que le déni de l’Holocauste juif. Des négationnistes ont affirmé qu’il n’avait jamais eu lieu et que s’il avait eu lieu, le nombre de ses victimes était petit, ou qu’il n’y avait jamais eu aucune chambre à gaz.

Ils ont mesuré et ils avaient des données pour appuyer cela : l’Holocauste aurait été une conspiration conçue pour extorquer des compensations et de la compassion. Son déni a en fait été criminalisé dans de nombreux pays et les négationnistes sont considérés comme antisémites. L’historien britannique [négationniste] David Irving a été emprisonné en Autriche et ostracisé.

Jeter des doutes sur le 7 octobre a été condamné en Israël et quiconque osant le faire a été étiqueté antisémite. Quand Roger Waters a affirmé qu’il n’y avait aucune preuve de viol et que l’histoire des bébés brûlés dans des fours était un mensonge israélien, il a été largement attaqué, comme l’ont été beaucoup d’autres qui ont fait remarquer des exagérations dans le récit israélien.

Ces dernières semaines, une vague de déni méprisable a balayé Israël, entre tous les pays. Elle prévaut dans de nombreuses couches du public, et elle est partagée par presque tous les médias.

Nous avons essayé d’ignorer, de cacher, de détourner notre regard, de blâmer le Hamas, de dire que c’est comme cela que ça se passe dans une guerre, d’affirmer qu’il n’y a pas d’innocents à Gaza, jusqu’à ce que déborde la totalité des crimes d’Israël dans la Bande de Gaza.

Avec l’apparition d’un affamement mortel délibéré, il n’y a pas d’alternative que de se tourner vers le déni, un déni non moins répugnant que le déni de l’Holocauste.

Le déni actuel inclut un déni de l’intention génocidaire et de l’objectif transparent de déplacer la population de Gaza ailleurs.

Un tel déni est légitime en Israël, il est cohérent avec le « politiquement correct » local — il n’y a pas de famine ! Personne ne sera condamné ni pénalisé pour l’avoir causée.

Cette attitude fait maintenant partie de l’opinion standard. Des descriptions de l’affamement délibéré à Gaza seraient une conspiration antisémite. S’il y a une famine, parles-en donc au Hamas.

Des Palestiniens réagissent en attendant de recevoir de la nourriture d’une cantine caritative, au milieu d’une crise de famine, à Gaza, samedi. Crédit : Mahmoud Issa/Reuters

C’est la façon dont cela se passe quand vous êtes à court d’excuses, de mensonges et de propagande. C’est ainsi quand vous devenez si perverti moralement que vous dites qu’il n’y a pas de famine même quand les scènes en sont pleinement visibles. Quel droit les gens ont-ils de dire cela ?

Il y a 50 nuances de déni israélien et elles sont toutes également méprisables. Elles vont du fait de détourner les yeux à celui de les lever au ciel, de brouiller et de dissimuler et de se mentir à soi-même.

Elles ont toutes le même objectif : éviter le blâme, continuer à jouer les victimes tout en nous chantant des chants de louange à nous-mêmes. Les négationnistes viennent de tous les horizons.

Ils incluent quatre chercheurs israéliens qui ont écrit un essai intitulé « Prétendu génocide dans les épées de la Guerre d’acier » — dont la vacuité a été exposée par l’historien de l’Holocauste Daniel Blatman et par le journaliste Nir Hasson (édition de Haaretz en hébreu) — et la femme distribuant le quotidien gratuit Israel Hayom, qui m’a dit avec une grande confiance l’autre jour que les  images de la famine sont « du Yémen et produites par IA ».

Cela inclut aussi le journaliste moralisateur de télévision Moriah Asraf, qui a fait taire avec une arrogance répugnante la journaliste free-lance Emmanuelle Elbaz-Phelps, et tous les rédacteurs des informations télévisées, qui cachent ce qui arrive à Gaza.

Des Palestiniens luttent pour obtenir de la nourriture donnée à une cuisine communautaire, dans la ville de Gaza, au nord de la Bande de Gaza, samedi.Crédit: Abdel Kareem Hana/AP

Le déni a accompagné Israël depuis les jours de la première Nakba en 1948, qui ne serait jamais arrivée et n’aurait été conçue que dans l’imagination de ceux qui haïssent Israël. Il a continué pendant toutes les années de l’occupation et de l’apartheid.

Il n’y a aucune société au monde vivant dans un tel auto-déni, dont une grande partie est la faute de sa presse libre. Mais ce qui s’est produit ces dernières semaines bat tous les records de bassesse.

Il n’y aurait pas de famine à Gaza. Après tout, il y a des camions attendant à la frontière, les parents des enfants mourant de faim sont obèses, il y a une vidéo des terroristes du Hamas mangeant des bananes dans leurs tunnels (une photo prise il y a six mois, maintenant diffusée par le principal diffuseur des mensonges de la propagande dans ce pays, le porte-parole des Forces de défense d’Israël).

Il y a quelque chose d’encore plus méprisable dans cela que d’éviter le blâme : le mépris pour la victime, pour l’enfant mourant dans les bras de sa mère, qui le porte, en pleurant. Lui dire à elle qu’il n’y a pas d’affamement délibéré équivaut à bafouer sa peine.

Pendant des années, j’ai pensé que même si nous présentions aux Israéliens toutes les preuves horribles, ils les rejetteraient. La preuve est ici maintenant. Des images de la famine inondent les écrans de télévision et les journaux du monde entier, et les Israéliens la nient.

En toute confiance ils affirment que ces images sont truquées, qu’il n’y a pas de gens mourant de faim, qu’il y a des bananes, que 80 camions entrent par jour dans Gaza.

C’est exactement ce que l’universitaire français Robert Faurisson a fait : il a affirmé que, sur la base du volume des chambres à gaz, l’Holocauste n’a jamais eu lieu.

  • Photo : Un homme porte le corps du bébé palestinien Zainab Abu Haleeb, qui est mort de malnutrition, selon les responsables de la santé, à l’hôpital Nasser de Khan Yunis, au sud de la Bande de Gaza, samedi. Crédit : Ramadan Abed/