Les emprisonnements répétés de l’astrophysicien palestinien respecté, le professeur Imad Barghouthi de l’université Al-Quds, ont créé la consternation au sein de la communauté universitaire internationale. En réaction, une lettre qui souligne à la fois l’usage abusif par Israël de son système judiciaire contre Barghouthi et, plus largement, la pratique israélienne de restriction de la liberté académique des palestiniens, a été proposée pour publication à la revue Nature. La lettre a été signée par 14 scientifiques, dont le physicien Freeman Dyson de l’Institut d’Études Avancées de Princeton, David Mumford, lauréat de la médaille Fields en 1974 (le «prix Nobel des maths») et Chandler Davis, professeur émérite de l’Université de Toronto.
Nature a considérablement réduit la lettre, négligeant totalement le contexte des attaques israéliennes contre l’enseignement supérieur palestinien. Ce qui suit est, tout d’abord la lettre publiée par Nature et, ensuite, le texte original de la lettre.
Deux lettres ouvertes en faveur du professeur Imad Barghouti, signées par des centaines de scientifiques, avaient précédemment été envoyées au Premier Ministre israélien->http://www.csun.edu/ vcmth00m/IBletter.html] et au [Commissaire européen pour la Recherche, la Science et l’Innovation.
Politique : Israël doit libérer un physicien palestinien
Nature 535, 231 (14 Juillet 2016) doi:10.1038/535231a
Le 24 avril, Imad Barghouthi, l’astrophysicien palestinien distingué a été arrêté et emprisonné sans chef d’accusation par l’armée israélienne – pour la deuxième fois en moins de 18 mois (voir Nature http://doi.org/bk44 ; 2016). Nous protestons contre cet emprisonnement et relançons l’appel pour sa libération.
Une fois de plus on a prétendu que Barghouthi avait fait des déclarations sur Facebook et à la télévision contre les attaques de l’armée israélienne et contre l’occupation. La pression internationale qui s’est ensuivie a encore une fois contribué à une décision de la cour d’appel militaire, un mois plus tard, pour sa libération (voir go.nature.com/299v9nd). Mais celle-ci n’a pas eu lieu. Barghouthi a au contraire été transféré dans un établissement administré par le Shin Bet, le service de sécurité intérieure d’Israël, et les interrogatoires ont été poursuivis.
Ahmed Abbes, CNRS et IHES, Paris, France.
Jean Bricmont, Université Catholique de Louvain, Belgium.
Chandler Davis, University of Toronto, Canada.
Freeman Dyson, Institute for Advanced Study, Princeton, USA.
Ivar Ekeland, Université Paris-Dauphine, France
Michael Harris, Columbia University, New York, USA.
David Klein, California State University, Northridge, USA.
Robert S. MacKay, University of Warwick, UK.
Mario Martone, University of Cincinnati, USA.
David Mumford, Brown University, Providence, USA.
Chanda Prescod-Weinstein, University of Washington, Seattle, USA.
Vincent Rivasseau, Université Paris-Sud, France.
Jonathan Rosenhead, London School of Economics, UK.
Alan Sokal, New York University, USA ; and University College London, UK.
Voici le texte original de la lettre proposée à Nature :
Pour la liberté académique et le droit à l’éducation en Palestine
Il y a un an et demi, Nature a rapporté la première arrestation et détention de l’astrophysicien palestinien Imad Barghouthi. Alors qu’il se rendait à une réunion de l’Union Arabe d’Astronomie et de Sciences Spatiales, il a été arrêté et interrogé en étant mis par Israël en situation de détention administrative, à cause de déclarations de sa part sur Facebook et à la télévision contre les attaques de l’armée israélienne et contre l’occupation. Dans le cade de la politique israélienne de détention administrative, les prisonniers peuvent être retenus sans chef d’accusation, en violation du droit international. Environ 7 000 Palestiniens sont actuellement dans les prisons israéliennes et plus d’un sur dix est en détention administrative.
La pression internationale a contribué à la libération du Dr Barghouthi, mais il a été de nouveau arrêté le 24 avril 2016 et placé en détention administrative, toujours sans chef d’accusation et encore une fois son arrestation est fondée sur des posts qu’il a mis sur Facebook contre le militarisme israélien. La pression internationale qui s’est ensuivie a encore une fois contribué à une décision->http://www.haaretz.com/israel-news/1.722298] de la cour d’appel militaire, un mois plus tard, pour sa libération. Sans succès, le procureur a demandé au juge militaire de prolonger la détention de Barghouthi afin de chercher des preuves d’actes répréhensibles. Mais, faute de preuve crédible justifiant la poursuite de la détention, le juge a ordonné la libération de Barghouthi. Le procureur militaire israélien a [répondu par l’annulation de la libération de Barghouthi et en l’inculpant d’une vague accusation « d’agitation », toujours à l’appui des mêmes posts sur Facebook et en l’absence de toute nouvelle preuve. Il a été transféré dans un établissement administré par le Shin Bet, le service de sécurité intérieure d’Israël, et les interrogatoires ont été poursuivis.
L’arrestation et la ré-arrestation du Dr Baghouthi font partie d’une pratique plus vaste de perturbation et de destruction des systèmes d’éducation palestiniens. Le propre campus du Professeur Barghouthi, l’Université Al-Quds, a souffert d’attaques continuelles et destructrices de la part de l’armée israélienne. Au cours des années 2012, 2013 et 2014, l’Université Al-Quds a subi 31 attaques qui ont blessé 2 473 personnes. Pendant la seule année universitaire 2013-2014, 640 cours ont dû être annulés, plus de 830 étudiants ont été traités pour des blessures au gaz lacrymogène et plus de 12 000 étudiants ont été forcés d’évacuer l’université à trois reprises à cause de la violence infligée par Israël.
L’Université Al-Quds est loin d’être la seule dans ce cas. Nous n’avons pas la place ici d’entrer dans les détails des attaques israéliennes sur l’Université de Gaza (victime de multiples bombardements), sur l’Université Birzeit (fermée au moins 15 fois, son ex-présidente le Dr Hanna Nasir déporté et tenu d’accomplir ses obligations administratives en exil pendant 19 ans), des centaines d’écoles palestiniennes, même des jardins d’enfants, détruites ou endommagées. Les arrestations d’enseignants et d’étudiants continuent.
L’article 26->http://www.ichrp.org/fr/article_26_dudh] de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, dont Israël est signataire, garantit à tout le monde le droit à l’éducation. À de rares exceptions, la réponse de la communauté scientifique internationale aux violations par Israël de ce droit envers le peuple palestinien, a été le silence. À l’inverse, nombreux sont les membres de la communauté à avoir dénoncé le [boycott académique international des institutions israéliennes, au nom de la protection de la liberté académique. Si ceux qui militent contre le boycott sont vraiment motivés par la liberté académique, on a alors du mal à comprendre leur silence face à la forme la plus extrême du déni de cette liberté, comme dans le cas du Professeur Barghouthi et de tant d’autres universitaires et étudiants palestiniens.
Signatures
Ahmed Abbes, CNRS et IHES, Paris, France.
Jean Bricmont, Université Catholique de Louvain, Belgium.
Chandler Davis, University of Toronto, Canada.
Freeman Dyson, Institute for Advanced Study, Princeton, USA.
Ivar Ekeland, Université Paris-Dauphine, France
Michael Harris, Columbia University, New York, USA.
David Klein, California State University, Northridge, USA.
Robert S. MacKay, University of Warwick, UK.
Mario Martone, University of Cincinnati, USA.
David Mumford, Brown University, Providence, USA.
Chanda Prescod-Weinstein, University of Washington, Seattle, USA.
Vincent Rivasseau, Université Paris-Sud, France.
Jonathan Rosenhead, London School of Economics, UK.
Alan Sokal, New York University, USA ; and University College London, UK.