Un nouveau projet en ligne va aider les bibliothèques de Palestine à se connecter avec ceux qui donnent des livres à travers le monde. Nous parlons aux gens qui sont derrière ce projet motivant.
« Matloub », mot arabe pour « wanted » [désiré, recherché) a pris deux significations distinctes depuis qu’il est attaché à un nouveau projet international « solidarité-bibliothèques » qui récolte des livres pour les bibliothèques palestiniennes.
Tout d’abord, les organisateurs soulignent le fait que les livres qu’ils sollicitent sont désirés, parce que désirés par les lecteurs palestiniens. Mais ils veulent aussi évoquer le sens criminalisé de wanted [recherché], comme dans : proscrit, traqué et jeté derrière les barreaux.
Le projet Matloub/Wanted est issu de réunions entre l’association internationale, Bibliothécaires et Archivistes avec la Palestine (LAP) et les employés des bibliothèques palestiniennes. Les organisateurs de LAP sont d’abord allés en Palestine en 2013 en tant qu’association. L’une de ses membres, Maggie Schreiner, rappelle comment, au cours de ce premier voyage, elle a vu beaucoup de vieux livres « charitablement » offerts aux bibliothèques palestiniennes.
« Nous avons visité des bibliothèques où les donateurs internationaux avaient essentiellement écoulé des surplus de livres, tels que des manuels périmés. »
« Ces livres n’étaient pas désirés par les librairies réceptrices, ils étaient absolument inadaptés a clients des bibliothèques et occupaient physiquement beaucoup de place. »
Comment ça marche
Le projet Matloub inverse le processus. Au lieu de partir de ce qui n’est pas désirable et donc disponible à peu de frais, il commence par demander ce que veulent les lecteurs. Onze bibliothèques de Cisjordanie et six de Gaza soumettent des listes de titres qu’elles aimeraient voir sur leurs étagères. Ces demandes sont traitées par l’Institut Tamer pour la Communauté Educative, ONG palestinienne primée, et sont acheminées vers une section spéciale du site internet de LAP : matloub.librarianswithpalestine.org.
Là, les visiteurs du monde entier peuvent butiner dans les titres et choisir un livre ou deux à offrir. Ainsi, au lieu d’étagères croulant sous les copies de l’édition de 1984 de Modern Biology, les utilisateurs de la bibliothèque peuvent découvrir des titres amusants, pertinents et récemment édités.
Mais ce projet ne consiste pas simplement à partager des livres avec les bibliothèques palestiniennes. « Nous avons aimé aussi le double sens, présent dans les deux langues, anglais et arabe, de ‘wanted’ dans un sens criminel », a dit Melissa Morrone de LAP. « La littérature est tout aussi soumise à la criminalisation et à l’oppression israéliennes que le sont les autres dimensions de la vie des gens, créatives et autres, et nous voulons que ce projet le fasse voir clairement. »
Comment a débuté le projet
L’initiative a débuté quant Hannah Mermelstein, qui avait conduit les délégations en Palestine pendant près de dix ans, a changé de profession et est devenue bibliothécaire. Au bout d’environ deux ans dans son nouveau métier, une collègue bibliothécaire, Jenna Freedman, lui a demandé : « Que penserais-tu d’une délégation de bibliothécaires ? »
Les quelques premiers membres ont lancé un appel pour des applications et en ont reçu plus du double de ce qu’ils pouvaient accepter. L’association a dressé un petit budget et a obtenu un financement collectif pour aller en Palestine où ils ont partagé leur expertise et appris des employés des bibliothèques palestiniennes. Comme Mermelstein l’a dit depuis le début, l’association ne cherche pas à adopter une « politique de témoignage », comme le font de nombreuses délégations en Palestine. Elle veut plutôt établir des relations mutuellement bénéfiques.
La Palestine, dit Mermelstein, est « tellement habituée à être regardée de façon uni-directionnelle qu’il n’est pas toujours facile d’établir un genre de relations vraiment multi-directionnelles. Partager la même identité professionnelle est un atout, mais nous avons dû travailler à établir la confiance et des relations suivies avec nos partenaires sur le terrain. »
En apprendre plus sur les bibliothèques palestiniennes
Bien que cela ne soit pas tout d’abord évident, Matloub/Wanted est aussi un projet multi-directionnel. Un bibliothécaire de Détroit, Dublin ou Dubaï, par exemple, pourrait aller sur le site web et acheter un livre pour une bibliothèque de Tammoum. Mais il peut aussi bénéficier de l’expérience des bibliothécaires de Tammoum, en utilisant les listes sur Matloub pour avoir des idées pour leurs propres collections en arabe. Les éditeurs internationaux pourraient aussi découvrir des livres demandés qu’il serait intéressant de traduire dans d’autres langues.
LAP a lancé quantité d’activités ces dernières années. Elle a mené une campagne pour emmener deux bibliothécaires palestiniennes à la conférence de 2016 de l’Association des Bibliothèques Américaines, et elles ont aussi conduit un groupe international du livre appelé « Un Livre, Nombreuses Communautés ».
En réalité, les bibliothèques et les archives palestiniennes ont tellement de besoins que, parfois, il est difficile de savoir par où commencer. « L’une des raisons qui nous font aimer Matloub », a dit Mermelstein, « c’est que c’est une façon d’éveiller l’attention sur beaucoup de ces questions qui concernent l’accès à la littérature, tout en répondant en même temps à un besoin direct. »
Le site web de Matloub met au premier plan le travail de sensibilisation et il fournit des informations sur chacune des bibliothèques qui participent au projet ainsi que sur l’ensemble des bibliothèques de Palestine. Les organisateurs de LAP disent qu’ils espèrent que les visiteurs du site ne donneront pas un livre en un acte unique, mais plutôt que le projet les encouragera à « en apprendre plus sur les conditions dans lesquelles les bibliothèques palestiniennes fonctionnent. »
Par exemple, les visiteurs du site de Matloub trouveront sous chaque livre un lien qui demande : « Pourquoi le transport est-il si cher ? » Ici, le coup du transport n’est pas un simple coût DHL, mais représente le coût total d’arrivée du livre à la bibliothèque demandeuse. Ailleurs sur le site, les organisateurs expliquent plus en détail les difficultés de circulation des livres à l’intérieur du pays et aux alentours.
« Même les livres édités en Palestine ont beaucoup de mal à trouver leur chemin, par exemple de Akka ou Haïfa à Ramallah ou Naplouse, et vice-versa. Checkpoints, routes bloquées et législation sur les papiers d’identité empêchent les livres, comme les gens, de traverser les frontières arbitraires, et Gaza est complètement isolée du reste de la Palestine, et en réalité du monde. »
Et après ?
Le site tient à faire remarquer que, ce n’est pas parce que vous achetez un exemplaire du livre de Rania Zabeeb Dhaler Maza fi Batn Mama ? (Qu’y a-t-il dans le Ventre de Maman?) que cela signifie qu’il partira immédiatement vers la bibliothèque qui l’a choisi.
Les dons s’organisent de telle sorte que les livres puissent être expédiés ensemble, et l’Institut Tamer doit trouver un équilibre. Même s’il achètera en fait les livres listés sur le site, il veut aussi être sûr que « toutes les bibliothèques en recevront le même nombre « .
Néanmoins, dit Schreiner, les possibilités pour l’avenir du projet sont nombreuses. Elles comportent « des listes de ressources, des bandes dessinées sur internet qui décrivent les trajets que les livres font en Cisjordanie ou à Gaza, et même des vidéos animées ».
L’association est petite, mais elle est – comme les directeurs des bibliothèques palestiniennes – extrêmement experte à faire beaucoup avec quoiqu’elle ait.