Lettres de professeurs, anciens élèves, Noam Chomsky, sur la déclaration de Fortier sur le BDS (McGill)

Pas en notre nom : des professeurs répondent à Fortier sur le BDS En tant que professeurs de McGill épris de justice et d’équité, nous désapprouvons avec force la réponse….

Pas en notre nom : des professeurs répondent à Fortier sur le BDS

En tant que professeurs de McGill épris de justice et d’équité, nous désapprouvons avec force la réponse officielle de la proviseure Suzanne Fortier au nom de l’administration à la récente motion de la Société des étudiants de l’université McGill (SSMU) qui soutient le Boycott, le Désinvestissement et les Sanctions (BDS) contre Israël, ainsi que le processus en ligne qui n’a pas réussi à ratifier ce vote. Sa réponse par courriel, adressée à tous les étudiants, enseignants et membres de l’association des anciens élèves, est arrivée juste après que le résultat du processus en ligne a été annoncé, et elle fait écho à la motion, décevante et mal informée, qui a été votée par le Parlement canadien et qui condamne le mouvement grandissant pour le BDS.

Pour la proviseure Fortier, dénoncer un mouvement qui défend les droits des Palestiniens contre ceux qui les oppriment est en fait dénoncer ce qui « va à l’encontre de la tolérance et du respect » – pas le mouvement BDS lui-même. L’appel au BDS, qui se fonde sur les enseignements tirés des mouvements internationaux antérieurs contre l’Afrique du Sud de l’apartheid, exhorte effectivement les universités à mettre fin à leurs relations institutionnelles avec les institutions financées et parrainées par l’État israélien, et qui sont complices de l’occupation et des violations du droit international. Le mouvement BDS est une réponse mesurée, non violente, et de principe, à la vie sous l’occupation et le colonialisme où les droits fondamentaux d’un peuple sont violés et niés.

L’appel BDS exige « la tolérance et le respect » pour les Palestiniens – quelque chose qui leur est refusé par l’État d’Israël. C’est précisément parce que les Palestiniens se voient dénier les mêmes droits que les autres peuples que le BDS est nécessaire. Les Palestiniens n’ont pas de droits égaux en matière d’éducation, et ils sont constamment privés de leur liberté académique. Mais leur sont aussi refusées la liberté de mouvements, la liberté d’association, et même celle de vivre. « La liberté, l’équité, l’intégration et l’échange de points de vue et d’idées dans un discours responsable, ouvert », qui sont les principes de base de l’université McGill comme l’a déclaré Fortier, sont précisément ce que les Palestiniens revendiquent avec cet appel.

Si ces principes fondamentaux guident réellement la communauté McGill, alors il est de notre responsabilité de soutenir un mouvement populaire initié par une immense majorité de la société civile palestinienne. Les exigences du mouvement BDS sont simples. Israël doit se conformer au droit international en mettant fin à son occupation et sa colonisation des terres arabes et en démantelant le mur, en reconnaissant les droits fondamentaux des citoyens palestiniens-arabes d’Israël à une pleine égalité, et en respectant, protégeant, et promouvant les droits des réfugiés palestiniens au retour dans leurs foyers et propriétés, comme stipulé par la Résolution 194 des Nations-Unies. Quand Israël se pliera au droit international de cette façon, alors il n’y aura plus besoin de BDS.

Notre mission d’éducateurs est de faire progresser l’apprentissage et de créer et diffuser la connaissance en offrant à nos étudiants la meilleure éducation possible. Nous croyons que faire respecter les normes internationales les plus élevées en matière d’enseignement, de recherche et d’érudition, ainsi que le service aux communautés locales et internationales, signifie de se tenir du côté de ce qui est juste quand un appel est lancé dans ce but – localement, en soutenant les étudiants qui oeuvrent pour la justice pour la Palestine, et internationalement, en répondant à l’appel lancé par la société civile palestinienne.

Alors que nous respectons la liberté d’expression de tous les membres de notre communauté, ce qui comprend le droit de la proviseure Fortier à condamner publiquement le mouvement BDS, nous sommes résolus à poursuivre avec détermination notre soutien au BDS et au travail de nos étudiants à McGill qui persévéreront et continueront de construire cette lutte. Dans cette situation, l’administration McGill, comme le gouvernement canadien, se trouve du mauvais côté de l’histoire. La motion du Parlement canadien sur le BDS n’est pas un acte en notre nom. En tant que professeurs de McGill, nous déclarons aussi maintenant, et nous continuerons de le déclarer, que si c’est là la réponse de l’administration de McGill au mouvement BDS, alors ce n’est pas non plus un acte en notre nom.

—Malek Abisaab, Associate Professor, Department of History and Classical Studies
Rula Jurdi Abisaab, Associate Professor, Institute of Islamic Studies
Diana Allan, Assistant Professor, Department of Anthropology and the Institute for the Study of International Development
Alia Al-Saji, Associate Professor, Department of Philosophy
Isabelle Arseneau, professeure agrégée, département de langue et littérature françaises
Jodie Beck, Course Lecturer, Department of East Asian Studies
Arnaud Bernadet, professeur agrégé, département de langue et littérature françaises
Lara Braitstein, Associate Professor, Faculty of Religious Studies
Brian Bergstrom, Visiting Professor, Department of East Asian Studies
Curtis Brown, Faculty Lecturer, Department of English
Mary Bunch, Faculty Lecturer, Institute for Gender, Sexuality, and Feminist Studies
Michelle Cho, Korea Foundation Assistant Professor, Department of East Asian Studies
Aziz Choudry, Associate Professor and Canada Research Chair in Social Movement Learning and Knowledge Production, Department of Integrated Studies in Education
Barry Eidlin, Assistant Professor, Department of Sociology
Shanon Fitzpatrick, Assistant Professor, Department of History and Classical Studies
Allan Greer, Professor and Canada Research Chair in Colonial North America,
Department of History and Classical Studies
Sumi Hasegawa, Retired Faculty Lecturer, Department of East Asian Studies
Jill Hanley, Associate Professor, McGill School of Social Work
Michelle Hartman, Associate Professor, Institute of Islamic Studies
Adrienne Hurley, Associate Professor, Department of East Asian Studies
Sandra Teresa Hyde, Associate Professor, Department of Anthropology
Ahmed F. Ibrahim, Assistant Professor, Institute of Islamic Studies
Steven Jordan, Associate Professor, Department of Integrated Studies in Education
Pasha M. Khan, Assistant Professor, Institute of Islamic Studies
Thomas Lamarre, James McGill Professor in East Asian Studies and Associate in Communications Studies
Catherine Leclerc, professeure agrégée, département de langue et littérature françaises
Andrée Lévesque, Professor Emerita, History Department
Abby Lippman, Professor Emerita – Epidemiology, Biostatistics, and Occupational Health
Margaret Lock, Marjorie Bronfman Professor Emerita, Department of Social Studies of Medicine
Laura Madokoro, Assistant Professor, Department of History and Classical Studies
Setrag Manoukian, Associate Professor, Institute of Islamic Studies and Department of Anthropology
Gregory M. Mikkelson, Associate professor, Department of Philosophy
Charmaine A. Nelson, Associate Professor of Art History, Department of Art History and Communication Studies
Naomi Nichols, Assistant Professor, Department of Integrated Studies in Education
Máire Noonan, Course Lecturer & Research Assistant, Department of Linguistics
Kristin Norget, Associate Professor, Department of Anthropology
Anthony Paré, Professor Emeritus, Department of Integrated Studies in Education
Laila Parsons, Associate Professor, Department of History and Classical Studies
Glyne Piggott, Emeritus Professor, Department of Linguistics
Bruce Reed, Professor, School of Computer Science
Jarrett Rudy, Associate Professor, Department of History and Classical Studies
Jessica Ruglis, Assistant Professor, Department of Educational & Counselling Psychology
Mela Sarkar, Associate Professor, Department of Integrated Studies in Education
Colin Scott, Associate Professor, Department of Anthropology
Richard Shearmur, Professor, McGill School of Urban Planning
Jon Soske, Assistant Professor, Department of History and Classical Studies
Maria Theresia Starzmann, Assistant Professor, Anthropology Department
Gavin Walker, Assistant Professor, History & Classical Studies and East Asian Studies
Robert Wisnovsky, Professor and James McGill Chair, Institute of Islamic Studies
Brian J. Young, Professor Emeritus, Department of History

Corriger la présentation déformée du BDS

Chère professeure Fortier,

Nous nous sentons obligés d’exprimer nos préoccupations concernant la formulation et une omission importante dans la déclaration que vous avez publiée après le vote récent de l’assemblée générale en faveur de BDS et son échec ultérieur à être ratifié par la SSMU.

BDS a été lancé par la société civile palestinienne en 2005, comme un appel à la société internationale pour qu’elle exerce des pressions sur Israël afin que celui-ci mette fin à son occupation militaire des territoires palestiniens, qu’il reconnaisse une égalité entière aux citoyens palestiniens-arabes d’Israël, et qu’il protège le droit au retour des réfugiés, conformément à la Résolution 194 des Nations-Unies. Le mouvement a recueilli un soutien dans le monde entier, un soutien qui grandit, notamment parmi des personnes juives et des Israéliens. Tous ceux qui défendent activement les droits humains des Palestiniens ne souscrivent pas nécessairement au BDS dans sa formulation initiale, et ceci comprend certains groupes palestiniens. L’argument, cependant, n’est pas de savoir si BDS est une stratégie légitime ou non, mais si c’est une stratégie constructive dans la situation donnée. Votre déclaration que le mouvement BDS « va à l’encontre de la tolérance et du respect » présuppose, et renforce, une dangereuse déformation de ce que ce mouvement cible, ou bien elle est intolérante vis-à-vis de groupes particuliers – ethniques, nationaux, ou politiques. Ceci fait le jeu de ceux qui assimilent volontairement les critiques de la politique d’Israël à de l’antisémitisme. BDS ne cible pas explicitement les personnes. Dire qu’il est intolérant, ou qu’il cible de toute façon les étudiants juifs ou israéliens sur les campus, est une présentation déformée qui fait potentiellement beaucoup de mal en victimisant à tort des groupes ethniques particuliers. Le mouvement BDS n’est pas intolérant ; il exige au contraire la tolérance envers les Palestiniens par des moyens pacifiques mondialisés.

Vous écrivez encore que le BDS présente « des actions qui sont contraires aux principes de la liberté académique, de l’équité, de l’intégration et de l’échange de points de vue et d’idées dans un discours responsable, ouvert ». Nous sommes d’accord que de tels principes doivent absolument guider l’université McGill. Nous espérons, cependant, que vous conviendrez que l’université se doit de soutenir ces principes d’une façon universelle. Par conséquent, si l’université a le droit de rejeter BDS, nous croyons fermement que sa déclaration, dans ce contexte, se devrait d’aborder de manière critique les violations parfaitement documentées de la liberté académique, de la liberté d’expression, et de la liberté de mouvements des Palestiniens qui vivent en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, comme de celles des citoyens arabes non juifs d’Israël. L’incapacité d’agir ainsi prête à l’université l’apparence d’appliquer un deux poids deux mesures concernant le respect de ces droits, et de perpétuer, de façon impardonnable, la nature partiale des médias qui rapportent, se concentrent presque exclusivement sur les droits et le besoin de sécurité des Israéliens, négligeant d’appliquer ces mêmes droits aux Palestiniens.

En 2012, nous nous sommes rendus à Gaza pour participer à une conférence et nous avons pu faire l’expérience des effets épouvantables du siège d’Israël sur la vie académique à Gaza. Durant ce séjour, nous avons rencontré des étudiants, des membres du corps professoral et des organisateurs de la société civile, et nous avons été les témoins de première main de la façon dont la population souffre du blocus israélien qui se poursuit, et des agressions militaires qui se multiplient. La population souffre aussi d’un gouvernement Hamas répressif. Cependant, jusqu’à ce que les conditions politiques soient normalisées pour les Palestiniens, et que la souveraineté et la liberté de mouvements leur soient garanties, cette répression interne ne sera probablement pas résolue pour les Palestiniens de Gaza, dont beaucoup ne souhaitent pas vivre sous un gouvernement islamique répressif. Une autre expérience personnelle pertinente a eu lieu en 2010, quand Noam Chomsky qui était invité à l’université de Birzeit, en Cisjordanie, s’en est vu refuser l’entrée par Israël sans raison valable.

En conclusion, qu’on soutienne BDS ou qu’on ne le soutienne pas, nous nous félicitons que les étudiants aient voté en sa faveur pour se dresser contre la répression malgré les tentatives qui se multiplient de la part du gouvernement et d’autres organisations pour répandre des désinformations diffamantes contre le mouvement. Toute déclaration à propos de la liberté académique dans le contexte Israël-Palestine doit absolument tenir compte du fait que la liberté académique est de toute évidence violée pour les professeurs et étudiants palestiniens. Nous espérons vous avoir convaincue de corriger ces omissions et de publier une déclaration rectifiée.

—Máire Noonan, Course Lecturer and Research Assistant, Department of Linguistics, McGill University (McGill alumna)
Hagit Borer, Professor of Linguistics, Queen Mary University of London, London
Antoine Bustros, Composer, film composer and writer, Montréal (McGill alumnus)
Noam Chomsky, Institute Professor and Professor of Linguistics (Emeritus), Massachusetts Institute of Technology
David Heap, Associate Professor, French Studies Department and Linguistics Program, University of Western Ontario
Stephanie Kelly, Assistant Professor, French Studies Department and Linguistics Program, University of Western Ontario
Philippe Prévost, Professor, François Rabelais University Tours, Tours, France (McGill alumnus)
Verena Stresing, PhD, biochemist
Laurie Tuller, Professor, Linguistics, François Rabelais University Tours, Tours, France

Des anciens élèves de McGill soutiennent le BDS

À nos amis de McGill

Nous nous félicitons, et nous célébrons, avec toutes celles et ceux qui ont travaillé de façon inlassable ces dernières semaines – et de ces dix dernières années – de leur réussite à mobiliser plus de 2100 étudiants qui approuvent le mouvement de Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) en solidarité avec le peuple palestinien. C’est une grande victoire, et une victoire obtenue face à une mobilisation anti-palestinienne massive d’organisations à l’extérieur du campus. La défaite de la motion ne doit en rien ébranler notre confiance dans ce qui est maintenant devenu clair : le vent est en train de tourner contre l’occupation par Israël de la Palestine et de son peuple.

Lancé en 2005, le BDS est un outil important dans la lutte pour la libération palestinienne. À travers le monde, des étudiants, des associations académiques, des syndicats, des groupes communautaires et des individualités, rejoignent le soutien aux trois exigences du mouvement : la fin de la partie de l’occupation commencée en 1967 et le démantèlement de son mur, des droits égaux pour les citoyens arabes d’Israël, et le droit des réfugiés palestiniens à rentrer dans leurs maisons et sur leurs terres.

À McGill, l’approbation de la motion par des groupes comme KANATA (Revue de la communauté des études autochtones de McGill), Queer McGill, l’association des employés de soutien de l’université McGill (AMUSE), le Réseau des étudiants noirs de McGill, les Femmes de couleur de la faculté de droit de McGill, et McGill contre l’austérité, cette approbation nous rappelle que se tenir aux côtés des Palestiniens dans leur lutte signifie aussi se battre activement contre l’oppression raciale, patriarcale, économique, et coloniale sous toute ses formes.

À la lumière de cela, nous nous disons écoeurés – quoique non surpris – par le courriel adressé par la proviseure de McGill, Suzanne Fortier, aux étudiants et anciens élèves aussitôt après l’annonce des résultats de la ratification en ligne, condamnant le mouvement BDS au nom de « la tolérance et du respect qui nous sont si chers comme valeurs fondamentales pour une université ». Nous rejetons l’adoption unilatérale, par la proviseure, d’une position politique au nom de l’université sans qu’il n’y ait eu consultation, démocratiquement, des étudiants et autres personnels.

Nous sommes également curieux d’entendre ce que McGill trouve de tolérant et de respectueux à investir continuellement dans l’entreprise de surveillance L-3 Communications, dans la banque israélienne Mizrahi-Tefahot, et dans RE/MAX – toutes ces entreprises soutenant activement, et en en tirant profit, l’occupation, l’incarcération, et le meurtre des Palestiniens. Tout cela alors que l’université, pendant des années, a résisté contre la création d’un Programme d’études autochtones, et qu’elle continue de s’opposer à un désinvestissement dans les combustibles fossiles et à mettre fin à sa collaboration en matière de recherche militaire.

Le combat continue, mais nous ne nous laisserons pas décourager : depuis le bureau de la proviseure jusqu’au gouvernement de Justin Trudeau et jusqu’à la Knesset israélienne, la réponse réactionnaire au BDS est de plus en plus désespérée. C’est là le résultat direct du mouvement dirigé par les Palestiniens et du travail de toutes celles et ceux d’entre vous qui donnent de leur temps, de leur énergie, et de leurs ressources pour soutenir leur cause, et la cause de tous les peuples opprimés et occupés, partout ailleurs.

Plus que 300 anciens élèves de McGill