Lettre ouverte à l’Ombudsman de Radio-Canada

Chères et chers collègues, Nous vous écrivons pour avoir votre appui à une démarche qui consiste à soutenir l’un de nos collègues, le Professeur Rachad Antonius, dont l’expertise sur le….

Chères et chers collègues,

Nous vous écrivons pour avoir votre appui à une démarche qui consiste à soutenir l’un de nos collègues, le Professeur Rachad Antonius, dont l’expertise sur le conflit israélo-palestinien ainsi que les motivations ont été mises en cause par un avis mal informé de l’ombudsman de la société d’État Radio-Canada. Cette démarche vise aussi à exprimer notre indignation face à cette décision de l’Ombudsman, car, au-delà du cas spécifique de Rachad Antonius, cette décision de l’Ombudsman soulève l’enjeu d’une information équilibrée sur le conflit israélo-palestinien à Radio-Canada, car elle contribue à la censure et à l’étouffement des voix critiques sur cette question.

Nous vous prions de lire la déclaration ci-jointe et, afin de saisir toute sa signification, nous vous invitons à prendre connaissance de la Révision de l’Ombudsman disponible sur son site ainsi que de la réponse de Rachad Antonius, disponible ici.

Nous vous invitons donc à signer cette déclaration que nous souhaitons envoyer à la direction de Radio-Canada et éventuellement publier dans les médias. Pour ce faire, il suffit d’envoyer vos coordonnés à l’adresse courriel suivante : soutienrachadantonius[at]gmail.com. Nous vous prions, le cas échéant, d’indiquer votre affiliation universitaire et votre domaine d’expertise, car cela donnera du poids à notre démarche collective. Nous ne souhaitons pas rendre publique cette déclaration avant d’avoir récolté un certain nombre de signatures. Pour toute information concernant cette initiative, veuillez contacter le Professeur émérite Gilles Bibeau (gilles.bibeau2[at]sympatico.ca) qui agira comme porte-parole du groupe qui a pris cette initiative.

Gilles Bibeau
Montréal, Décembre 2014.


Le 14 Septembre 2014, Radio-Canada a interviewé le professeur Rachad Antonius (Université du Québec à Montréal) et le professeur Denis Charbit (Israël Open University) lors de son émission Second Regard. Rachad Antonius a examiné les significations et les implications de la demande de Netanyahu que les Palestiniens reconnaissent Israël comme un État juif.

À la suite de la diffusion de cette émission, le directeur adjoint du Centre consultatif des relations juives et israéliennes (CERJI) a déposé une plainte auprès de l’ombudsman, affirmant que « Rachad Antonius n’a eu de cesse de délégitimer la fondation d’Israël (« fondé sur une injustice historique ») et de discréditer l’existence du peuple juif, ce qui était à prévoir puisque M. Antonius est un militant pro-palestinien et un vétéran des groupes de pression canado-arabes ».

Nous avons pris connaissance de la Révision de l’ombudsman. Bien que ce dernier ait reconnu que le reportage « a su présenter sur la question, de manière honnête, des points de vue, certes divergents, mais parfois complémentaires et toujours éclairants », il a essentiellement été d’accord avec le demandeur et a conclu dans son avis que les téléspectateurs

« auraient dû savoir que [R. Antonius] n’enseigne ni ne fait de recherches universitaires sur le conflit israélo-palestinien et tire son expertise essentiellement de son engagement personnel pour la cause palestinienne ». […] Il «présente un point de vue engagé et partisan».

Le professeur Antonius a répondu à l’Ombudsman. Nous, les soussignés, trouvons ce jugement de l’ombudsman extrêmement problématique et contraire à l’éthique, pour les raisons suivantes.

Les observations formulées par l’ombudsman au sujet de l’expertise académique du professeur Antonius sont tout simplement fausses et proviennent presque directement des affirmations du représentant du CERJI et non des qualifications professionnelles réelles du professeur Antonius. En outre, l’ombudsman n’a ni l’expertise requise ni les qualifications spécifiques pour examiner les compétences académiques de tout chercheur expert qui intervient dans les émissions de Radio-Canada. En effet, en tant que chercheurs universitaires, nous croyons que sa recherche et son enseignement permettent certainement à Rachad Antonius de commenter et d’analyser la question spécifique discutée dans cette émission à titre d’expert universitaire. Ce sont ses pairs qui sont qualifiés pour porter de tels jugements, pas l’ombudsman. En outre, toute discussion d’un ombudsman sur la «motivation» et les «intérêts particuliers» d’un chercheur qui ne travaille pas pour un groupe de pression ou un groupe d’intérêt est un acte de censure. Nous avons remarqué avec consternation que l’ombudsman décrit l’engagement de M. Antonius sensiblement dans les mêmes termes que ceux employés par le plaignant. L’affirmation du représentant du CERJI que le professeur Antoinius « n’a eu de cesse […] de discréditer l’existence du peuple juif » est diffamatoire et ne correspond pas à ce que dit ou écrit le Professeur Antonius. Pourtant, l’ombudsman s’est dit d’accord avec la demande du plaignant, sans pour autant se distancer de telles accusations.

De même, nous trouvons que la demande faite aux journalistes d’étiqueter le Professeur Antonius comme un « militant pro-palestinien ou anti-Israël » dès le début d’une entrevue et de décrire son analyse comme « partisane » (donc dépourvue d’objectivité et de crédibilité) équivaut à leur demander de prendre parti et de le discréditer. Plusieurs d’entre nous sont appelés, en tant qu’experts, à commenter des questions sur lesquelles nous travaillons. Plusieurs d’entre nous ont des perspectives qui sont intellectuellement engagées. Aucun d’entre nous n’a pourtant été étiqueté comme « militant » avant même de commencer une entrevue. Cibler ainsi le Professeur Antonius en l’étiquetant de la sorte n’est pas seulement discriminatoire, mais c’est aussi préjudiciable. Essentiellement, cela signifie qu’une perspective israélienne est par définition neutre et objective, alors qu’une perspective qui tente d’expliquer le point de vue palestinien est, elle, « partisane » et par conséquent biaisée. Tous les points de vue sur le conflit israélo-palestinien sont fondés sur des opinions et des engagements personnels et cela ne diminue en rien leur valeur. Demander à ce que le professeur Antonius – et lui seul – soit étiqueté de cette façon est injuste et discriminatoire.

La décision de l’ombudsman aura sans doute un effet intimidant sur les journalistes et elle ne conduira pas à une information de meilleure qualité et plus équilibrée sur cette question, mais au contraire à moins d’équilibre dans la couverture de ce conflit.

Pour ces raisons, nous croyons qu’un ombudsman non partisan aurait dû rejeter la plainte diffamatoire et infondée du CERJI, qui s’inscrit dans une campagne systématique d’intimidation contre ceux qui ne partagent pas le point de vue de ce lobby sur le conflit israélo-palestinien. Nous condamnons ces tentatives de contrôle des avis des experts et nous insistons pour que l’ombudsman retire cette révision discriminatoire.