Des bâtiments endommagés au camp de réfugiés de Nur Shams près de la ville de Tulkarem, après une opération de l’armée israélienne, le 20 octobre 2023. Photo Alaa Badarneh/EPA Depuis l’invasion….
Des bâtiments endommagés au camp de réfugiés de Nur Shams près de la ville de Tulkarem, après une opération de l’armée israélienne, le 20 octobre 2023. Photo Alaa Badarneh/EPA
Depuis l’invasion du Hamas le 7 octobre, qui a tué plus de 1 300 Israéliens et a pris plusieurs bases militaires et colonies, Israël a entrepris ce qui serait assimilable à un génocide, aux yeux de certains groupes de défense des droits humains. Israël a tué plus de 4 000 Palestiniens à Gaza, et des milliers ont été blessés, selon l’ONU. D’innombrables personnes sont piégées sous les décombres. L’approvisionnement en eau, en nourriture, en électricité et en carburant a été interrompu.
À cause de cette dévastation, des gouvernements et des centaines de milliers de personnes dans le monde ont appelé à un cessez-le-feu à Gaza. Cela est absolument nécessaire dans l’immédiat pour empêcher que le sang soit versé. Cependant, cette mesure ne mettrait pas fin à la violence à laquelle Israël soumet quotidiennement les Palestiniens.
Pendant que le monde regardait Gaza, la violence contre les Palestiniens en Cisjordanie occupée a monté en flèche. Plusieurs jours avant l’attaque du 7 octobre, des colons israéliens armés, venus selon certaines informations de la colonie d’Esh Kodesh, ont assailli le village palestinien de Qusra, situé au sud-ouest de la ville de Naplouse. Les colons ont tiré sur des habitants qui s’étaient rassemblés, sans armes, pour protéger leur village. Cette nuit-là, sous le couvert de l’obscurité, des colons sont revenus pour détruire des voitures et des lignes électriques.
Les jours suivants, les colons ont coupé la route qui conduit au village, pour revenir le 11 octobre escortés de forces d’occupation israéliennes. Les colons israéliens ont ouvert le feu sur les habitants et, loin de les retenir comme elles le prétendent, les forces israéliennes se sont associées à ces tirs. Quatre Palestiniens sont morts ce jour-là, les colons en tuant trois et les soldats en tuant un.
Le lendemain, les colons sont revenus, ont attaqué les funérailles des quatre hommes tués la veille, et ont de nouveau ouvert le feu, tuant un père et son fils.
Ce ne sont pas des incidents isolés. Depuis le 7 octobre, les attaques de colons ont atteint une moyenne de huit incidents par jour et ont entraîné le déplacement de 13 communautés palestiniennes. Le gouvernement israélien a l’intention d’armer ses colons avec 10 000 fusils supplémentaires, ce qui rendra sans aucun doute la situation bien pire.
Au cours des huit premiers mois de 2023, le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) a répertorié une moyenne quotidienne de trois faits d’attaques de colons contre des Palestiniens en Cisjordanie, tuant ou blessant des Palestiniens, endommageant leurs biens, et les empêchant de circuler pour atteindre leurs terres, leur lieu de travail, leurs familles et leurs amis.
Cependant, nous assistons maintenant à une escalade rapide de cette violence. Entre le 1er janvier et le 19 septembre 2023, des colons et des soldats israéliens ont tué 189 Palestiniens en Cisjordanie occupée et en ont blessé 8 192. Pour la seule période qui a suivi le 7 octobre, des colons et des soldats israéliens ont tué 64 Palestiniens, en ont blessé 1 300, et ont mené 77 attaques contre des établissements de soins.
La violence physique n’est qu’un aspect des efforts systématiques d’Israël pour déposséder les Palestiniens de leurs terres et y installer des colons israéliens. L’armée israélienne a également coupé les unes des autres les villes, grandes ou petites, ainsi que les villages palestiniens, en fermant la grande majorité des checkpoints parsemés dans toute la Cisjordanie, restreignant fortement la circulation des personnes et des biens vers les petites enclaves. Les routes sont devenues à ce point inaccessibles en raison des bouclages et des violences que les commerçants ont maintenant bien du mal à garnir leurs étagères, que de nombreux travailleurs ne peuvent pas parvenir à des lieux de travail situés hors de leur voisinage immédiat, et que les agriculteurs ne peuvent pas accéder à leurs terres.
Ce tableau de dépossession, de colonisation sioniste et de violence se répète dans toutes les localités palestiniennes, indépendamment des cessez-le-feu. C’est le résultat de violences directes, de lois injustes et d’une contrainte exercée sur les Palestiniens en rendant leur situation invivable pour les forcer à partir. Selon un rapport des Nations Unies publié en 2013, à Jérusalem, 77% des ménages palestiniens vivent en dessous du seuil de pauvreté et la municipalité défavorise les quartiers palestiniens en ce qui concerne les infrastructures essentielles. Cette situation est utilisée en association avec la violence des colons et les mesures juridiques pour forcer les Palestiniens à partir. De nombreux secteurs initialement confisqués aux Palestiniens “en vue d’usages militaires” sont aujourd’hui utilisés comme colonies.
Depuis qu’Israël exerce cette violence contre les Palestiniens, les Palestiniens se soulèvent contre elle. Cependant, toutes les formes de résistance des Palestiniens sont réprimées. La loi martiale israélienne rend illégale l’appartenance à un groupe politique palestinien quel qu’il soit, y compris les groupes étudiants, dans le cadre desquels les étudiants des universités sont ciblés et arrêtés.
Israël maintient actuellement 1 264 Palestiniens en détention administrative, c’est-à-dire détenus sans inculpation ni jugement. Lorsque des Palestiniens sont inculpés, le chef d’inculpation est souvent anodin, par exemple l’“incitation” contre l’occupation. Avant le 7 octobre, Israël détenait 5 200 prisonniers palestiniens. L’Autorité palestinienne, sous-traitante de l’occupation israélienne en Cisjordanie, réprime toute contestation avec le même enthousiasme qu’Israël, des journalistes et des militants étant incarcérés pour des posts sur Facebook. Cette semaine, les forces de sécurité de l’Autorité palestinienne ont tué une jeune fille de 12 ans à Jénine et blessé des dizaines de personnes dans toute la Cisjordanie après avoir ouvert le feu sur des protestataires qui manifestaient pour soutenir Gaza.
Tant que ces violences contre les Palestiniens laissent indifférents les dirigeants mondiaux tandis qu’ils débattent de cessez-le-feu et de couloirs humanitaires, les systèmes mis en place pour tuer les Palestiniens et leur nuire au cours et en dehors des “escalades” restent intacts. Mais le seul fait de briser les systèmes qui causent l’oppression peut mettre fin à la violence systématique à laquelle Israël a soumis les Palestiniens depuis le début de son existence. Cela implique de mettre fin à l’occupation, de démanteler toutes les institutions coloniales qui infligent des violences, d’autoriser les réfugiés à revenir sur leurs terres, et de payer des réparations pour l’ensemble des torts qu’Israël et ses complices ont infligés aux on Palestiniens.
Layth Hanbali est un chercheur sur les questions de santé qui travaille de façon indépendante et à l’Université de Birzeit à Ramallah, Palestine