Le 4 mai, l’Assemblée nationale débattra d’une résolution portant notamment sur la reconnaissance du crime d’apartheid commis par Israël. A cette occasion, un collectif de représentants d’associations de défense des droits humains demande à Emmanuel Macron d’agir et de rappeler que la France reste un acteur engagé pour le respect des droits fondamentaux de tous les peuples.
Une proposition de résolution portant notamment sur la reconnaissance du crime contre l’humanité d’apartheid commis par les autorités israéliennes sera débattue le 4 mai à l’Assemblée nationale. En tant qu’organisations engagées pour la défense du droit international et des droits humains, nous saluons le fait que le sujet de l’apartheid israélien fasse l’objet d’un débat démocratique en France qui, nous l’espérons, sera constructif et aura le plus d’impact possible.
Depuis plusieurs années, des équipes de chercheurs et de juristes d’ONG palestiniennes, israéliennes, et internationales, ainsi que des représentants des organismes des Nations unies, ont mené des analyses juridiques et des enquêtes approfondies sur les multiples discriminations dont sont victimes les Palestiniennes et Palestiniens. Leurs rapports parviennent tous à la même conclusion : les politiques discriminatoires et d’oppression mises en place par les autorités israéliennes constituent le crime d’apartheid au regard du droit international.
Discriminations sociales, économiques et politiques
Le système de discrimination empêche des millions de Palestiniens y compris les réfugiés d’accéder à leurs droits fondamentaux et de voir leur dignité humaine respectée. Il touche à tous les secteurs de leur vie. Les expulsions et destructions de villages de Bédouins dans le désert du Négev/Naqab, les expropriations de terres, le contrôle des ressources au profit d’Israéliens juifs, les restrictions de circulation pour les Palestiniens des territoires occupés, les colonies illégales, la fragmentation ainsi que les nombreuses discriminations sociales, économiques et politiques à l’encontre des Palestiniens citoyens d’Israël découlent d’une politique du gouvernement israélien qui vise à privilégier les Israéliens juifs au détriment des Palestiniens.
Les autorités israéliennes commettent le crime d’apartheid, tel qu’il est défini notamment dans la Convention sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid des Nations unies et le statut de Rome de la Cour pénale internationale.
Cette situation n’a fait qu’empirer, et le rythme de la répression s’est intensifié après la nomination du nouveau gouvernement dont le ministre des finances, Bezalel Smotrich, a prononcé lors d’une réunion publique à Paris le 19 mars : « Il n’y a pas de Palestiniens car il n’y a pas de peuple palestinien ». Reconnaître cette réalité est crucial, car la première étape pour résoudre un problème est d’en effectuer un diagnostic correct.
Consensus
L’apartheid n’est pas un scénario hypothétique ou futur. Il ne l’était peut-être même pas en 2010, lorsque le ministre de la défense israélien de l’époque, Ehud Barack, mettait en garde contre un potentiel « apartheid » en cas de perpétuation du système de domination israélienne dans les territoires palestiniens ou, en 2014, lorsque John Kerry, secrétaire d’Etat américain, avertissait que l’apartheid pourrait survenir en cas d’échec des pourparlers de paix.
En 2007 déjà, l’ancien président des Etats-Unis Jimmy Carter déclarait, à la suite de la publication de son livre Palestine. La Paix, pas l’apartheid (L’Archipel, 2007) : « L’apartheid est un mot qui décrit précisément ce qui se passe en Cisjordanie… un mot qui décrit très précisément la séparation forcée, en Cisjordanie, entre Israéliens et Palestiniens, ainsi que la domination totale et l’oppression des Palestiniens par l’armée israélienne dominante ».
Aujourd’hui, la dénonciation de l’apartheid israélien fait l’objet d’un consensus au sein du mouvement mondial des droits humains, pas uniquement parmi les principales organisations israéliennes, palestiniennes et autres organisations internationales de défense des droits humains.
L’ancien secrétaire général de l’ONU, ainsi que des gouvernements, dont celui d’Afrique du Sud, et les ministres des affaires étrangères de plusieurs Etats de l’Union européenne, ont aussi fait référence à l’apartheid dans cette région. En mai 2021, le ministre français des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, déclarait : « Si d’aventure on avait une autre solution que la solution à deux Etats, on aurait alors les ingrédients d’un apartheid qui durerait longtemps (…) Même le statu quo produit cela ».
Un déni difficile à comprendre
Dans les médias israéliens, le terme d’« apartheid » pour qualifier le système d’oppression et de discrimination à l’encontre des Palestiniens revient d’ailleurs régulièrement dans de nombreux éditoriaux ou tribunes. Yehudit Karp, ex-procureure générale adjointe en Israël et anciennement à la tête d’un département au ministère de la justice a ainsi publié un article dans Haaretz en octobre 2021 intitulé : « Il est temps de l’admettre, Israël est un régime d’apartheid ».
Et pourtant, le président de la République et d’autres responsables politiques français rejettent, quant à eux, la réalité de l’apartheid. En 2022, Emmanuel Macron déclarait : « Ce n’est pas en affirmant de telles contre-vérités que des associations qui prétendent poursuivre un objectif de paix remplissent leur vocation ». Ce déni est difficile à comprendre.
Nos organisations saisissent l’opportunité de la mise en débat public de ce sujet pour demander à la France et au président de la République, Emmanuel Macron, d’agir. Par la reconnaissance du crime d’apartheid, la France peut rappeler au monde qu’elle reste un acteur engagé pour le respect des droits fondamentaux de tous les peuples et leur égalité en dignité et en droits.
En se positionnant, elle poserait des jalons nécessaires pour mettre fin aux violations vécues quotidiennement par les populations palestiniennes, et garantir un avenir meilleur aux Israéliens et aux Palestiniens.
Liste des signataires : Sylvie Bukhari-de Pontual, présidente de CCFD-Terre Solidaire ; Bertrand Heilbronn, président, Association France Palestine Solidarité (AFPS) ; Shawan Jabarin, directeur général d’Al-Haq ; François Leroux, président de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine ; Eléonore Morel, directrice générale de la Fédération internationale des droits humains ; Jean-Claude Samouiller, président d’Amnesty International France ; Omar Shakir, directeur sur Israël et la Palestine, Human Rights Watch ; Issam Younis, directeur de Al-Mezan Center for Human Rights in Gaza.