Oxfam et 54 autres organisations opérant en Israël et dans le territoire palestinien occupé (TPO) appellent à une action urgente de la communauté internationale contre les nouvelles règles israéliennes d’enregistrement des ONG internationales. Basées sur des critères vagues, larges, politisés et sujets à interprétation, ces règles semblent conçues pour affirmer un contrôle sur des opérations humanitaires, de développement et de construction de la paix a priori indépendantes, pour réduire au silence le plaidoyer fondé sur le droit international humanitaire et les droits humains et pour enraciner encore davantage le contrôle israélien et l’annexion de facto du territoire palestinien occupé.
Publié : 6 mai 2025
Depuis plus d’un an et demi, des organisations humanitaires ont continué à opérer malgré des contraintes sans précédent. En 2024, elles ont atteint des millions de personnes dans tout le TPO avec leurs services essentiels — de la nourriture et l’eau aux cliniques mobiles, à l’aide juridique et à l’éducation. Les nouvelles règles d’enregistrement menacent maintenant de mettre fin à ce travail. Ces mesures vont au-delà des politiques habituelles. Elles marquent une escalade sérieuse dans les restrictions de l’aide humanitaire et de l’espace civique et risquent d’établir un dangereux précédent.
Selon les nouvelles dispositions, les ONG internationales déjà enregistrées en Israël peuvent être confrontées à un désenregistrement, tandis que les nouveaux demandeurs risquent un rejet sur la base d’allégations arbitraires, politisées, comme celles de « délégitimer Israël » ou d’exprimer un soutien à la reddition de comptes pour les violations israéliennes du droit international. D’autres critères disqualifiants incluent le soutien public à un boycott d’Israël dans les sept années passées (que ce soit par un membre de leur personnel, par un partenaire, par un membre de leur bureau ou par un fondateur) ou le non-respect des exigences exhaustives en matière de rapports. En construisant le plaidoyer humanitaire ou pour les droits humains comme une menace à l’État, les autorités israéliennes peuvent mettre fin aux activités des organisations simplement pour s’être exprimées sur les situations dont elles sont témoins sur le terrain, forçant les ONG internationales à choisir entre livrer de l’aide et promouvoir le respect de la protection due aux personnes concernées.
Les ONG internationales doivent aussi soumettre des listes complètes de leur personnel et d’autres informations sensibles sur leur personnel et les familles de ces derniers à Israël quand elles candidatent à cet enregistrement. Dans un contexte où les travailleurs humanitaires et de santé sont fréquemment soumis à un harcèlement, à la détention et à des attaques directes, cela soulève de sérieuses inquiétudes sur leur sécurité.
Ces nouvelles règles font partie d’une répression plus large et à long terme de l’espace humanitaire et civique, marquée par une surveillance et des attaques renforcées, et une série d’actions qui restreignent l’accès humanitaire, compromettent la sécurité du personnel et minent les principes fondamentaux de l’action humanitaire. Elles ne sont pas isolées, mais font partie d’un schéma plus large qui inclut :
- le blocage ou le retard de l’aide grâce à des restrictions bureaucratiques arbitraires, des obstacles logistiques et des sièges complets, déniant aux Palestiniens des fournitures vitales essentielles.
- l’assassinat de plus de 400 travailleurs humanitaires à Gaza, d’innombrables autres étant blessés ou emprisonnés, et l’attaque à de multiples reprises de lieux, d’établissements et de convois marqués et déclarés comme humanitaires.
- le vote d’une législation visant à réduire les opérations de l’UNRWA, le plus grand fournisseur de services essentiels aux Palestiniens.
- l’avancée d’une législation visant à imposer une taxe allant jusqu’à 80% sur les subventions des gouvernements étrangers aux ONG israéliennes, tout en leur interdisant de chercher des recours dans le système judiciaire israélien — y compris pour des organisations qui servent de partenaires aux ONG internationales afin de livrer l’aide et de maintenir la protection des communautés confrontées aux déplacements, aux démolitions ou à la violence des colons.
- la suspension des visas de travail pour le personnel international et la révocation des permis des Palestiniens résidents de Cisjordanie pour accéder à Jérusalem, ce qui perturbe gravement les opérations d’aide.
- et maintenant, les conditions d’alignement politique et idéologique imposées aux ONG internationales, sapant la neutralité, l’impartialité et l’indépendance des intervenants humanitaires.
Selon le droit international humanitaire, les puissances occupantes sont obligées de faciliter une assistance humanitaire impartiale et de garantir le bien-être de la population protégée. Toute tentative pour conditionner l’accès humanitaire à un alignement politique ou pour pénaliser les organisations qui remplissent leur mandat risque de violer ce cadre. La Cour internationale de justice (CIJ) a ordonné à Israël de permettre la livraison sans entraves de l’aide humanitaire à Gaza dans trois ordonnances provisionnelles juridiquement contraignantes en 2024. Pourtant, ces nouvelles règles étendent et institutionnalisent les barrières déjà existantes à l’aide humanitaire.
Nous appelons les États, les donateurs et la communauté internationale à :
- utiliser tous les moyens possibles pour protéger les opérations humanitaires des mesures qui compromettent la neutralité, l’indépendance et l’accès — dont les exigences de listes de personnel, le filtrage politique et de vagues clauses de révocation.
- prendre des actions concrètes politiques et diplomatiques au-delà de simples déclarations d’inquiétude pour garantir un accès humanitaire sans entraves et empêcher l’érosion de la livraison d’une aide basée sur des principes.
- soutenir les ONG internationales et les organisations de la société civile palestinienne et israélienne par une assistance juridique, un soutien diplomatique et un financement flexible pour aider à atténuer les risques juridiques, financiers et de réputation. Les donateurs doivent défendre le travail humanitaire et celui relatif aux droits humains basé sur des principes.
Les 55 organisations soussignées soulignent que l’engagement dans la procédure d’enregistrement pour préserver des opérations humanitaires critiques ne doit pas être interprété à tort comme une approbation de ces mesures.
Ces 55 organisations continuent à s’engager dans la livraison de l’aide humanitaire, ainsi que des services et des activités de développement et de construction de la paix qui sont indépendants, impartiaux et basés sur les besoins, en plein accord avec le droit international et les principes humanitaires qui en dérivent. Les ONG internationales sont prêtes à s’engager avec les autorités israéliennes de bonne foi dans des procédures administratives mais ne peuvent accepter des mesures qui pénalisent le travail humanitaire de principes ou exposent leur personnel à des représailles. Ces mesures non seulement sapent l’assistance dans le TPO mais établissement aussi un dangereux précédent pour les opérations humanitaires globalement.
Signataires
- Act Church of Sweden
- ActionAid
- Alianza / ActionAid Spain (ApS/AAS)
- American Friends Service Committee (AFSC)
- Anera
- Asamblea de Cooperación Por la Paz (ACPP)
- Asociación Paz con Dignidad
- CARE International
- CESVI
- Children Not Numbers
- Christian Aid
- CIDSE – International family of Catholic social justice organisations
- Cooperazione Internazionale Sud Sud (CISS)
- COSPE
- DanChurchAid (DCA)
- Danish House in Palestine
- Diakonia
- Diakonie Katastrophenhilfe
- forumZFD
- Global Communities
- HEKS/EPER
- Humanity First UK
- Humanity & Inclusion – Handicap International
- IM Swedish Development Partner
- International Media Support (IMS)
- Islamic Relief Worldwide
- Japan International Volunteer Center (JVC)
- KURVE Wustrow
- MedGlobal
- Mennonite Central Committee (MCC)
- Médecins du Monde (MdM) France
- Médecins du Monde (MdM) Spain
- Médecins du Monde (MdM) Switzerland
- Médecins Sans Frontières (MSF)
- medico international
- Middle East Children’s Alliance (MECA)
- Movement for Peace (MPDL)
- Muslim Aid
- Norwegian Church Aid (NCA)
- Norwegian People’s Aid (NPA)
- Norwegian Refugee Council (NRC)
- Oxfam
- Pax Christi International
- Plan International
- Polish Medical Mission Association (PMM)
- Première Urgence Internationale (PUI)
- Relief International (RI)
- Save the Children International (SCI)
- Secours Islamique France (SIF)
- Terre des Hommes (Tdh) Italia
- Terre des Hommes (Tdh) Lausanne
- The Center for Mind-Body Medicine
- War Child
- Weltfriedensdienst e.V. (world peace service)
- West Bank Protection Consortium (WBPC)